Guide des valeurs pour la vie en démocratie - Council of Europe

QUESTION CLE 1 : Comment protéger l’individu du pouvoir
arbitraire de l’Etat ?
Mihai Manea et Christopher Rowe
La démocratie est fondée sur le principe que le peuple a un pouvoir sur le corps législatif et le
gouvernement. Le pouvoir et les responsabilités civiques sont exercés par des représentants
librement élus agissant au nom de tous les citoyens. La démocratie est l’institutionnalisation
des libertés individuelles. Dans tout Etat démocratique, il est vital donc de protéger les droits
des individus et des groupes minoritaires tout en respectant la volonté de la majorité. Une
vraie démocratie ne peut pas être fondée sur la «tyrannie de la majorité ».
Les citoyens n’ont pas seulement des droits – ils doivent aussi participer au système politique
et accepter la primauté du droit. En contrepartie, il est du devoir de l’Etat defaire respecter
cet état de droit conformément à des procédures établies et transparentes et de s’abstenir
d’user arbitrairement de son autorité. L’histoire des cinquante dernières années fourmille
d’exemples d’abus de pouvoir et de violations des droits de l’homme par les Etats, les raisons
habituellement invoquées pour justifier ces actions étant la volonté de la majorité de l’opinion
ou de sérieuses inquiétudes au sujet de la sécurité nationale.
Il en résulte une tension entre les agents de l’Etat, qui revendiquent le droit de suspendre les
libertés civiles devant une situation d’urgence, et les organisations (nationales ou
supranationales, comme la Cour européenne des droits de l’homme) créées pour défendre les
droits des citoyens et exiger des services de l’Etat qu’ils rendent des comptes. Cette tension
entre l’Etat et les citoyens peut être illustrée par quelques exemples significatifs : le droit des
personnes de déroger aux lois nationales pour protéger leurs droits humains ; le traitement des
prisonniers et des terroristes présumés ; et les droits des personnes internées en hôpital
psychiatrique.
Le rôle de la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) est également à l’image des
tensions qui peuvent exister entre les gouvernements nationaux et les organisations
supranationales. Créée pour mettre en œuvre les principes de la Convention du Conseil de
l’Europe de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (1950), la CEDH
se prononce sur des plaintes en violation des droits de l’homme déposées par des pays, des
groupes de personnes ou des particuliers. Les arrêts de la Cour, qui doit souvent statuer sur
des questions relatives à la foi religieuse, à la liberté intellectuelle et à la philosophie morale,
ont beaucoup influencé l’évolution des relations citoyens-Etat.
L’exemple le plus criant des relations entre l’Etat et ses citoyens est la question des droits et
du traitement des prisonniers. On peut se dire que les prisonniers sont coupables d’infractions
par définition, et que c’est à juste titre qu’on les prive de leur liberté en les mettant sous les
verrous – mais ces prisonniers, totalement sous l’empire de l’Etat, ont le droit d’être
protégés : contre les abus physiques et les mauvais traitements, mais aussi contre les
négligences, l’isolement et la perte de leur dignité.
Nombre d’organisations internationales veillent à faire respecter les droits des prisonniers –
Amnesty International, la Convention internationale des droits civiques et politiques
(International Covenant on Civil and Political Rights, ICCPR), l’ensemble des Règles minima
pour le traitement des détenus, etc. D’après les Principes fondamentaux relatifs au traitement
des détenus, «tous les détenus doivent continuer à jouir des droits de l’homme et des libertés
fondamentales énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme ». En d’autres
termes, un détenu reste un citoyen.
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