Guide des valeurs pour la vie en démocratie - Council of Europe

En simplifiant beaucoup, on pourrait dire que la Bosnie-Herzégovine a fait l’expérience d’un
choc entre deux idéaux et idées essentiels du 20e siècle: d’une part l’idée de la société
multiculturelle, basée sur la démocratie et la tolérance. D’autre part, l’idéal de
l’autodétermination, conduisant à un Etat-nation pour chaque ethnie. Cette opposition reste à
la base du conflit qui divise la société bosniaque depuis la fin de la guerre, après 10 ans
d’administration internationale.
Extraits de lettres de particuliers 13 :
Sarajevo, 3 avril 1994
«Sarajevo a subi des destructions importantes … c’est impossible à décrire. Les
tramways marchent, mais ils passent sous les tours des Tchetniks où, il y a deux mois,
les tireurs faisaient un très bon travail, c’est-à-dire que personne ne pouvait passer
vivant, seul ou dans un tram (bondé). Pourtant les trams et les voitures continuent à
passer. Cela ne va pas forcément durer longtemps. Peu avant notre arrivée, on a tiré
sur un tram et deux femmes ont été tuées, mais les gens sont devenus insensibles car,
ici, la vie ne vaut pas cher. »
Sarajevo, 28 juillet 1994
«A Sarajevo c’est la panique parce que la route (celle par laquelle nous sommes
arrivés) est fermée, tout comme l’aéroport. Les prix commencent déjà à monter et on
peut sentir que ça va éclater une fois de plus. Dans ma dernière lettre, j’ai écrit que je
m’attendais à ce que les tirs recommencent. Les tireurs s’y préparent lentement. Ils
n’ont pas encore reçu de feu vert, mais il est certain qu’ils ont déjà le feu orange…
Bien sûr, c’est déjà suffisant pour qu’il y ait quelques blessés ou tués. »
Sarajevo, 2 mars 1993
«Etre à Sarajevo aujourd’hui signifie défier le fascisme, travailler veut dire construire
un Etat libre et tirer, c’est détruire des Tchetniks qui ne méritent pas d’être traités
comme des êtres humains. Ce que je peux vous raconter c’est une histoire du front,
car tout Sarajevo est sur la ligne de front. »
Zenica, 7 janvier 1994
«N’écoutez pas toutes les rumeurs qui circulent à notre sujet à Zenica, bien sûr, il y a
des problèmes, vous les avez connus quand vous étiez ici, mais on peut encore se
déplacer, aller en ville ou à l’église n’est pas encore interdit, je travaille encore, je n’ai
pas perdu mon emploi, je suis seulement en congé sans solde, j’ai demandé à mon
patron de me l’accorder pour l’hiver, il a accepté. Je dois retourner au travail le 15
février, si nous ne quittons pas Zenica d’ici là, je me suis inscrite pour un convoi vers
Zagreb. Les enfants et moi nous sommes inscrits, Zdravko ne peut pas partir car ils ne
laissent pas partir ceux qui sont aptes pour le service militaire. Il nous suivra quand il
pourra. »
13 Extrait de « Rat 1991-1995 u privatnim pismima », Gordogan, n°4/5, été-automne 2004, pages 52
à 141.
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