Guide des valeurs pour la vie en démocratie - Council of Europe

de gens détenus sur la base de renseignements douteux. En Irlande du nord, par exemple,
l’internement était un moyen de gagner de nouvelles recrues à la cause républicaine. Pour
leurs opposants, les restitutions extraordinaires sont tout simplement inefficaces.
Ils soutiennent que beaucoup de «terroristes présumés » sont les victimes innocentes
d’erreurs d’identité ou de fausses accusations et qu’en outre, les renseignements obtenus par
des techniques d’interrogatoires extrêmes sont sans valeur car les suspects confessent des
crimes qu’ils n’ont pas commis ou livrent des informations qu’ils savent fausses. La capture
d’un chef d’al-Qaeda, Ibn al-Shaykh al-Libi, en 2002, est un exemple. Il a été livré à l’Egypte,
où il aurait été torturé. L’administration Bush s’est servie des informations obtenues lors de
son interrogatoire pour justifier l’invasion de l’Irak. Par la suite, Al-Libi devait avouer avoir
donné des «informations » sur les liens entre al-Qaeda et le régime de Saddam Hussein
uniquement pour faire cesser les interrogatoires.
Il n’est pas rare d’entendre des dirigeants mondiaux soutenir que les mesures spéciales sont
efficaces dans la « lutte contre la terreur » et se justifient par un besoin désespéré de protéger
les populations contre les dangers sans précédents que constitue le terrorisme international – il
faut mettre en balance les droits humains des terroristes présumés avec les droits de
l’écrasante majorité de citoyens respectueux de la loi qui veulent vivre sans être les cibles de
tueurs-kamikazes. Tout comme il est souvent nécessaire de limiter les droits légaux et les
libertés civiles en temps de guerre, argumentent-ils, il est nécessaire de défendre les civils
contre les actes terroristes. Or l’argument ne tient que si l’on part du principe que les mesures
d’urgence comme les restitutions sont réellement efficaces pour neutraliser la menace
terroriste.
L’argument selon lequel les restitutions et les détentions secrètes sont contreproductives, y
compris pour des raisons pratiques, va plus loin. Beaucoup d’observateurs considèrent en
effet que le recours à des mesures spéciales secrètes hors du système judiciaire conventionnel
ne fait qu’ébranler l’adhésion et la soumission de l’opinion publique au droit. Elles
affaiblissent la confiance dans la démocratie, dans le monde arabe comme en occident. Ce
type d’action peut de fait susciter beaucoup plus de nouvelles vocations terroristes que les
restitutions ne peuvent en neutraliser. Et pourtant… là encore, il convient de mettre ce genre
d’argument en balance avec la thèse de ceux qui affirment que le monde a changé et que
l’écrasante majorité des gens approuverait frénétiquement les mesures spéciales s’il s’avérait
qu’elles ont permis de déjouer une opération comme celle du 11 septembre 2001. Mais le
permettraient-elles seulement ?
Une autre position est-elle possible, qui ne se réduirait pas à un choix cruel entre la lutte
contre le terrorisme et la protection des droits humains des terroristes?Il ne fait aucun doute
qu’un travail considérable a déjà été réalisé pour élaborer une troisième voie. La Convention
du Conseil de l’Europe sur la prévention du terrorisme, par exemple, est fondée sur le
principe qu’il est possible et nécessaire de lutter contre le terrorisme tout en respectant les
droits humains, les libertés fondamentales et la prééminence du droit. Des commentateurs ont
pour leur part avancé que, si l’on veut mettre un terme au terrorisme, on ne pourra pas éviter
de traiter les questions et les problèmes qui ont conduit des individus à se tourner vers le
terrorisme. Pour d’autres, le terrorisme est un crime et à ce titre, il doit être traité comme
n’importe quel autre crime. Cela signifie qu’il faut prendre des mesures effectives plutôt que
d’avoir recours à une riposte militaire d’envergure. Dans la section suivante, vous trouverez
une diversité de points de vue sur ces questions. Certains sont sujets à controverse, d’autres
reflètent la position des dirigeants de pays qui ont fait de la «guerre contre la terreur » leur fer
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