Guide des valeurs pour la vie en démocratie - Council of Europe

ourgeoisie russe espérait qu’il serait remplacé par une forme d’Etat constitutionnel libéral,
comme il en existait ailleurs en Europe depuis la fin du XIX e siècle. Mais le chaos de la
guerre, les restrictions alimentaires et d’autres produits de base, l’augmentation du coût de la
vie et les fermetures d’usines faute de matières premières eurent pour effet que l’opinion se
radicalisa et devint hostile à une solution démocratique libérale pour résoudre ses problèmes.
Le Parti bolchevik fut le premier à bénéficier de ce nouvel état d’esprit avec ses propositions :
arrêt de la guerre, introduction de grandes réformes, remise des terres aux paysans et des
usines aux prolétaires, et transfert du pouvoir politique de la bourgeoisie aux soviets.
L’esprit révolutionnaire gagna d’autres régions d’Europe, et en particulier l’Allemagne et la
Hongrie vaincues. Dans les pays vainqueurs aussi, le ressentiment était profond, comme
d’ailleurs le désir de changement social et politique. Les hommes qui revenaient d’une guerre
que beaucoup jugeaient inutile et les femmes qui avaient fait tourner les industries locales en
l’absence des hommes, n’étaient pas prêts à accepter la restauration de l’ordre qui prévalait
avant-guerre. Ils revendiquaient le droit de vote et d’autres droits civils et politiques. Ce n’est
pas un hasard si, dans nombre de pays, le droit de vote a été étendu à presque tous les adultes
dans les dix ans qui ont suivi la fin de la guerre de 14.
La diffusion des idéologies socialistes et communistes et les conséquences du krach de 1929
eurent pour résultat que des populations qui n’avaient obtenu que le seul droit de vote
attendaient de l’Etat qu’il agisse davantage pour protéger le peuple des effets de la pauvreté,
du chômage et de la maladie. La plupart des démocraties libérales étaient mal préparées à la
crise économique qui avait d’abord frappé les États-Unis avant de s’étendre au monde entier
entre 1929 et 1933. Partant du principe que l’Etat était impuissant face à une telle situation, on
estimait qu’il fallait attendre la relance de l’économie et que les forces économiques
résoudraient la crise.
En 1932, Franklin D. Roosevelt, élu à la présidence américaine, entama une série de réformes
sociales et économiques, connues sous le nom de New Deal, dans le cadre d’une politique
interventionniste pour protéger les plus faibles, donner du travail et un salaire minimum aux
Américains et stimuler l’économie. Vers 1935, la plupart des gouvernements occidentaux
intervenaient activement dans leurs économies nationales.
Tous ne virent pas l’intervention de l’Etat d’un bon œil. Les hommes d’affaires en particulier
réagirent très négativement à ce rôle accru de l’Etat. Certains transférèrent leur argent à
l’étranger, dans des pays où ils pensaient qu’il serait plus à l’abri ; aux États-Unis, les milieux
d’affaires combattirent pied à pied chaque mesure du programme de réforme du Président
Roosevelt, et accusaient publiquement les fonctionnaires d’être des ‘cryptocommunistes’
(partisans occultes du communisme).
En 1945, la majeure partie de l’Europe était exsangue : la guerre a fait plus de trente millions
de morts etplusieurs millions de personnes déplacées et de réfugiés, on vit au rythme des
cartes de rationnement et la production industrielle est réduite au tiers de son rendement
annuel avant la guerre. L’Europe a un besoin vital de l’aide financière des États-Unis, mais
les gouvernements doivent aussi investir dans les économies nationales et les moderniser,
payer des pensions aux personnes âgées et aux invalides de guerres, et mettre en place une
sorte de système de sécurité sociale pour garantir un niveau minimum de santé et de
protection sociale. Ils s’attelèrent à la tâche chacun à sa façon, mais tous – conservateurs,
libéraux, sociaux-démocrates et communistes – sont intervenus dans la vie sociale et
économique.
33