Guide des valeurs pour la vie en démocratie - Council of Europe

fantômes »d’utiliser des aérodromes européens et d’autres infrastructures pour organiser le
transport de suspects vers des pays tiers où ils devaient être soumis à des interrogatoires
spéciaux. Les protestations des Droits de l’homme visaient deux cibles majeures : d’abord les
actions US moralement injustifiées et illégales du point de vue du droit international, et
ensuite la coopération active des gouvernements européens avec les États-Unis.
En 2004, l’ambassadeur britannique en Ouzbékistan, Craig Murray, s’inquiétait des vols de
restitution qui avaient permis de transporter des suspects en Ouzbékistan pour interrogatoire.
Rappelé à l’ordre pour s’être exprimé en public sans autorisation, il a été relevé de son poste
en octobre 2004. En juillet 2006, la Commission des affaires juridiques et des Droits de
l’Homme du Conseil de l’Europe a publié un rapport dans lequel elle dénonce les « détentions
secrètes et transferts interétatiques illégaux en Europe». En janvier 2007 à Milan, des
magistrats italiens ont engagé des poursuites contre des agents italiens et américains pour leur
rôle dans des enlèvements et des vols de restitution. En juin 2007, Dick Marty, rapporteur
suisse de la Commission des affaires juridiques et des Droits de l’Homme du Conseil de
l’Europe, a remis son rapport final sur les enquêtes de la Commission, et affirmé avoir réuni
suffisamment de preuves pour rendre crédibles les allégations concernant l’implication des
pays européens dans les restitutions extraordinaires.
Les défenseurs des droits de l’homme voient dans les procédures engagées (comme à Milan)
des « mesurettes» tardives pour réparer une grave injustice. Ils réclament plus
d’investigations approfondies et veulent que les conclusions de ces enquêtes soient rendues
massivement publiques. Dans l’autre camp, emmené par Silvio Berlusconi, Tony Blair et des
gouvernements d’Europe orientale, onestime que seule une action décisive et conjuguée de
l’Europe et des États-Unis permettra de gagner la « guerre contre la terreur ». A leurs yeux,
des enquêtes dans les zones d’ombre des vols de restitution ne feront que détourner l’attention
de missionscapitales: la défense des innocents.
Au cœur de la polémique sur les restitutions, il y a les questions éthiques en relation avec le
secret, la détention sans jugement et la torture. Pour les militants des droits de l’homme, si les
États-Unis livrent les suspects à des pays « tiers », c’est avant tout parce que les services de
renseignement de ces pays usent de méthodes d’interrogatoire extrêmes qui seraient illégales,
ou hautement embarrassantes si elles étaient appliquées aux États-Unis, et parce qu’ils
torturent les suspects, une pratique interdite aux États-Unis. Les partisans des restitutions
prétendent au contraire que les restitutions n’ont rien à voir avec la torture et qu’elles sont
efficaces car les interrogatoires sont menés par des experts dotés de compétences linguistiques
et d’un savoir culturel que l’on ne trouve pas aux États-Unis.
La détention et le transport en secret de suspects détenus sans jugement sont un autre
problème. Selon un principe juridique fondamental en vigueur depuis longtemps, une
personne accusée ou suspectée d’avoir des intentions malveillantes a le droit d’être inculpée
pour une infraction précise ou libérée au terme d’une détention limitée dans le temps ; tout
accusé a le droit d’avoir un représentant légal et ses amis et sa famille celui de savoir où il est
détenu. Ce principe ne s’applique pas aux suspects transférés secrètement dans le cadre des
vols de restitution.
Les arguments contre les restitutions s’appuient sur des considérations morales et pratiques.
Dans le passé, beaucoup de suspects ont été «internés » sans procès – des Allemands en
Grande-Bretagne ou des Japonais aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale ou,
plus près de nous, des membres présumés de l’IRA en Irlande du nord dans les années 1970.
Tout porte à croire que la méthode est totalement inefficace, et l’histoire fourmille d’exemples
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