Guide des valeurs pour la vie en démocratie - Council of Europe

TROISIEME QUESTION-CLE : Avons-nous le droit de nous
exprimer librement et comme bon nous semble ?
Robert Stradling
La réponse à cette question est tout simplement «oui ». A moins que quelqu’un ne soit
physiquement incapable de parler ou de recourir à d’autres formes de communication, rien ne
peut l’empêcher de dire ce qu’il pense et, même s’il est physiquement incapable d’exprimer
ses opinions, rien ne peut l’empêcher de penser. Cependant, les gouvernements, et autres
personnes ayant pouvoir ou autorité sur nous, peuvent punir les gens pour leurs opinions,
leurs croyances, ou leurs idées, après qu’ils les aient exprimées, et cela peut dissuader nombre
d’entre nous de dire ce qu’ils pensent.
Ainsi, l’histoire des 500 dernières années a été marquée par des périodes au cours desquelles
les personnes qui ne voulaient pas se conformer aux croyances, valeurs et façons de faire
établies dans leur société ont combattu pour obtenir une plus grande liberté d’expression.
Parfois, il s’agissait de non conformistes religieux qui se défendaient contre des accusations
d’hérésie de l’église établie. Parfois, il s’agissait de savants comme Galilée, qui a dû
comparaître devant l’inquisition pour avoir affirmé que le soleil ne tournait pas autour de la
terre. Parfois, il s’agissait d’artistes, d’écrivains et d’acteurs confrontés à la censure de leur
oeuvre par l’Etat ou l’Eglise. Souvent, il s’agissait de réformateurs politiques et de rebelles
qui cherchaient à limiter les pouvoirs de monarques et de gouvernements autoritaires.
Cependant, il y a eu dans l’histoire moderne des moments importants où le droit de libre
expression a fasciné aussi bien les gens ordinaires que les activistes politiques. Cela s’est
produit tout d’abord à la fin du 18 e siècle, qui a connu des soulèvements contre le despotisme
et le règne de l’arbitraire. En 1776, après avoir fait la guerre pour obtenir leur indépendance,
les 13 colonies américaines ont signé la Déclaration d’indépendance qui rompait leurs liens
avec la Couronne britannique.
Pendant la décennie qui a suivi, un débat s’est engagé entre ceux qui voulaient une sorte de
gouvernement central, permettant aux 13 nouveaux Etats d’agir ensemble pour se protéger
contre les puissances étrangères, et ceux qui craignaient qu’un tel gouvernement ne limite les
droits et libertés de l’individu. Finalement, la Constitution des Etats-Unis, approuvée en 1787,
et ses 10 amendements, approuvés en 1791, garantissaient la liberté de parole, de religion, de
rassemblement, de la presse, de détenir et de porter des armes, le droit à être jugé par un jury
impartial, la protection contre les châtiments cruels et inhabituels, etc.
En 1789, les révolutionnaires français, qui cherchaient à se protéger contre des souverains
despotiques, ont rédigé la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen proclamant que
«La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de
l'Homme » . La Terreur qui suivit la Révolution française a limité nombre de ces droits dans
la pratique, notamment la liberté d’expression. Néanmoins, ce principe était désormais établi
et devint l’une des pierres angulaires des constitutions, introduites dans de très nombreux pays
par des réformes ou des révolutions, au cours des 150 ans qui suivirent. Cependant, dans
presque tous les pays, des tensions persistèrent entre le désir de l’Etat d’exercer pleinement
son pouvoir et son autorité et le désir des citoyens ordinaires d’exercer leur droit de libre
expression.
A aucun moment cette tension n’a été aussi manifeste que dans la première moitié du 20 e
siècle, quand de nombreuses démocraties libérales et leurs gouvernements élus selon les
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