Guide des valeurs pour la vie en démocratie - Council of Europe

leurs auteurs, même s’ils ne causent de tort à personne. Un exemple type souvent avancé par
ceux qui redoutent une érosion des libertés individuelles est la loi qui autorise les autorités
locales à rechercher les conducteurs qui ont garé leur véhicule sur des emplacements non
autorisés. Un autre exemple souvent cité est le port obligatoire du casque pour les motards et
autres conducteurs de deux roues à moteur.
Les opposants à ce genre de législation n’ont pas hésité à parler de «paternalisme ». En
d’autres termes, ils reprochent à l’Etat de nous traiter comme des enfants incapables de
prendre des décisions sensées pour nous-mêmes. Ils font valoir que si un motard qui circule
sans casque a un accident grave, la seule personne à subir des dommages est le motard ; par
conséquent, les motards devraient pouvoir décider eux-mêmes de circuler avec ou sans
casque.
A l’inverse, les partisans de ce type de loi arguent que dans ce cas précis, la situation est
presque toujours plus compliquée que les opposants à la loi sur le port du casque obligatoire
ne veulent bien l’admettre. Un accident aura presque toujours des conséquences pour d’autres
personnes que le motard. Celles qui se retrouvent impliquées dans l’accident souffriront peutêtre
de traumatismes. Il y aura des conséquences pour la famille du motard. Il faudra appeler
la police sur les lieux de l’accident. Si le motard est blessé, il faudra aussi appeler une
ambulance. Et puis il y aura les frais médicaux si le blessé doit être hospitalisé et opéré. Tout
cela aura un coût pour le contribuable aussi. C’est ce que l’on pourrait appeler l’argument du
fardeau pour la collectivité, invoqué par les partisans des restrictions de l’autonomie et de la
liberté individuelle.
Il est intéressant de constater que les gouvernements sont rarement cohérents en ce qui
concerne leur intervention pour protéger les gens d’eux-mêmes. L’argument en faveur du port
du casque obligatoire pourrait par exemple s’appliquer aux fumeurs. S’il est clair qu’il existe
un risque élevé de cancer des poumons dû à la consommation de tabac, alors les cigarettes
devraient être interdites au motif que les nombreux fumeurs qui ont besoin de soins coûtent
cher à la sécurité sociale et donc aux contribuables. Mais dans la pratique, les gouvernements
ne cherchent plus à interdire la cigarette. Au lieu de quoi ils tentent de décourager les
consommateurs en imprimant des messages sanitaires sur les paquets de cigarettes et en
augmentant les taxes pour les rendre très chères.
De plus en plus de pays tendent à interdire de fumer dans les lieux publics, à empêcher les
fumeurs de polluer l’air et d’augmenter les risques associés au « tabagisme passif » pour ceux
qui sont obligés d’inhaler la fumée des fumeurs. De la même manière, alors qu’on sait que la
consommation en grandes quantités d’aliments très riches en matières grasses augmente
considérablement le risque de maladies cardiaques, les gouvernements n’ont pas envisagé
d’interdire ces aliments, préférant informer le public des risques; à lui ensuite de décider ce
qu’il veut faire.
L’une des raisons de l’incohérence des gouvernements en la matière est qu’ils évaluent au cas
par cas ce que sera la réaction de l’opinion. On sait qu’une interdiction peut avoir l’effet
inverse à celui recherché. Un exemple flagrant est l’interdiction de l’alcool dans les années
1920 aux États-Unis : elle a favorisé la fabricationet la consommation clandestines et favorisé
le crime organisé qui a eu la possibilité de satisfaire une demande énorme et croissante.
En conclusion, si nous regardons ce qui s’est passé ces cent cinquante dernières années, nous
constatons que, dans tous les pays, le gouvernement tient un rôle qui s’est considérablement
accru. La majorité des gens attendent beaucoup plus du gouvernement aujourd’hui et sont
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