Guide des valeurs pour la vie en démocratie - Council of Europe

Il ne s’agit pas de dire que les institutions politiques que l’on trouve généralement dans une
démocratie politique moderne ne sont pas importantes. Ce sont les mécanismes par lesquels
ces principes peuvent être mis en pratique qui importent cependant. Des élections libres et
équitables, un système multipartite, des parlements, une séparation des pouvoirs, ainsi que des
médias indépendants, sont autant d’éléments qui ont fait la preuve de leur capacité à assurer
un certain degré de contrôle populaire et des gouvernements capables de réagir à l’opinion
publique. Mais notons également que, dans les plus vieilles démocraties libérales
occidentales, certaines de ces institutions sont antérieures à la naissance de la démocratie
politique telle que nous la connaissons aujourd’hui. Dans la plupart des pays, les partis
politiques de masse ne sont apparus qu’à la fin du XIX e ou au début du XX e siècle. Les
élections étaient souvent marquées par des épisodes de violence, l’intimidation, la corruption
et l’achat de votes étant des pratiques assez répandues. Il a fallu attendre le XX e siècle pour
que la plupart des démocraties occidentales adoptent le suffrage universel des adultes.
A ce stade, on peut se demander pourquoi la notion de « règle de la majorité » ne figure pas
dans notre liste des principes démocratiques. N’est-ce pas l’essence même du processus
démocratique ? Pas nécessairement. Le processus politique consiste précisément à trouver le
moyen de parvenir à des décisions contraignantes pour tous, qu’elles soient ou non dans
l’intérêt de tous ou qu’elles reflètent ou non les souhaits et exigences de chacun. S’il est
possible de trouver un accord par la discussion, la persuasion, la négociation et le compromis,
alors tant mieux.
La décision de respecter la volonté de la majorité constitue, à bien des égards, le dernier
recours dès lors que tous les autres moyens de parvenir à un accord ont échoué. S’il existe un
ou plusieurs groupes dans une démocratie qui semblent être systématiquement dans une
minorité, alors se pose le risque que certains observateurs ont appelé «la tyrannie de la
majorité ». C’est la raison pour laquelle le principe de « réciprocité » est aussi important. Il
est beaucoup plus probable que les personnes semblant appartenir à la minorité soient
disposées à accepter les décisions de la majorité si elles estiment, d’abord qu’elles ont une
chance d’être un jour dans la majorité et qu’ensuite, si elles étaient majoritaires, les autres
seraient alors également disposés à se plier à leurs décisions.
De nos jours, une telle réciprocité est possible dans la politique courante de la plupart des
démocraties libérales. En période électorale, les partisans des principaux partis politiques
espèrent obtenir suffisamment de voix pour former un gouvernement, tandis que les
défenseurs des plus petits partis espèrent remporter assez de voix pour peser sur le processus
décisionnel, voire être conviés à rejoindre un gouvernement de coalition avec d’autres partis.
Par conséquent, pendant la durée de vie d’un gouvernement démocratiquement élu, la plupart
des personnes prévoiront qu’elles seront d’accord avec certaines des décisions prises et pas
d’accord avec d’autres et estimeront que certaines décisions seront dans leur intérêt, tandis
que d’autres ne le seront pas. Tel est le principe central de la politique démocratique.
Toutefois, pour que ce processus fonctionne correctement sans conduire à une «tyrannie de la
majorité », il est essentiel que les majorités favorables à une opinion, à une politique ou à une
action données ne soient pas toujours les mêmes.
Le problème de la règle de la majorité se pose dès lors que la politique tourne autour des
questions d’identité, race, nationalité, langue ou religion. L’identité est beaucoup moins facile
à modifier (et moins sensible à l’argument et à la persuasion), que les opinions que l’on peut
avoir quant au meilleur moyen de financer et d’organiser la santé, l’éducation ou l’aide aux
personnes âgées. On risque alors qu’une partie de la société, représentant un groupe
identitaire minoritaire, ne soit exclue en permanence d’une partie ou d’une autre du processus
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