Guide des valeurs pour la vie en démocratie - Council of Europe

prétend parfois que la démocratie est le règne de la majorité. Or, cette définition pose
problème dans la mesure où le processus démocratique lui-même tend à s’effondrer si la
majorité est toujours composée essentiellement des mêmes groupes. Dans ces conditions, on
peut penser que la ou les minorités ne seront jamais en mesure de peser sur quelque décision
politique que ce soit. Leur participation au processus démocratique serait alors une
mystification.
La règle de la majorité dépend de deux éléments. Premièrement, il faut que tous les citoyens
acceptent d’être liés par la volonté de la majorité sur toute décision. Il faut pour cela que
s’applique le principe de la réciprocité. J’accepte de respecter vos décisions tant que vous
accepterez les miennes quand je serai dans la majorité. Mais, pour que ce principe fonctionne,
chacun doit avoir des chances égales de faire un jour partie de la majorité sur certaines
questions et pendant un certain temps. Un problème fondamental se pose lorsqu’un régime est
divisé entre une majorité permanente et des minorités permanentes fondées sur des critères de
race, d’appartenance ethnique, de religion, de langue ou certaines autres caractéristiques qui
font partie de l’identité fondamentale du peuple. Si leurs opinions et leurs choix sont toujours
le reflet de leur identité, alors il n’y a aucun espoir que les individus puissent se déterminer
sur la base de circonstances, d’informations ou de faits spécifiques. Ce problème peut
également se poser dans les démocraties représentatives ou parlementaires mais,
habituellement, les institutions et les contre-pouvoirs constitutionnels (différentes chambres
parlementaires, pouvoir judiciaire indépendant, etc.) sont là pour limiter le risque de tyrannie
de la majorité.
La question clé qui se pose pour les tenants de la démocratie directe ou de la démocratie en
ligne est donc de savoir comment introduire dans ce système des garanties constitutionnelles
qui vont empêcher la domination totale exercée par une même majorité sur les différentes
minorités de la société.
Le quatrième et dernier argument des détracteurs de la démocratie électronique est en partie
technologique, mais il découle également d’un autre principe fondamental de la démocratie
libérale. Le développement du commerce électronique a suscité l’apparition d’inquiétudes
assez répandues sur la protection de la vie privée en ligne. En fait, nombreux sont ceux qui
hésitent encore à acheter produits et services sur Internet par crainte que les informations
(financières et personnelles) fournies n’entraînent une intrusion à leur vie privée : les
informations concernant leur carte bancaire, leurs comptes bancaires, leur courrier
électronique, leur adresse et ainsi de suite. Ils redoutent aussi, après une transaction effectuée
sur un site Internet d’avoir laissé des «cookies » et autres dossiers sur leur ordinateur
personnel permettant à certains groupes d’intérêts commerciaux de se renseigner sur eux et
leurs habitudes en matière d’achats en ligne. Le site Internet peut même décider de mettre ces
informations à la disposition d’autres entreprises commerciales sans l’autorisation des
personnes concernées.
Transposons alors, disent les détracteurs, cette inquiétude générale des consommateurs dans
le domaine politique. Pour eux, les citoyens seraient vulnérables dès lors qu’ils s’engageraient
dans une activité politique par le biais de l’Internet. S’ils participent à une discussion ou à un
débat en ligne, s’ils veulent se renseigner sur une campagne particulière ou un texte législatif,
etc., les serveurs Internet qu’ils utiliseraient pourraient créer des «cookies » susceptibles de
contenir un chiffre d’identification unique, permettant aux administrateurs du site Internet en
question de récupérer, au sujet de cet individu, des informations personnelles recueillies lors
de ses précédentes visites.
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