Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

REVUE DE PRESSE-PRESS REVIEW-BERHEVOKA ÇAPÊ-RWISTA
STAMPA-DENTRO DE lA PRENSA-BASIN ÖZETÎ
de résoudre ce problème jusqu'à présent ? Est-elle
condamnée à rester une semi-démocratie, appliquant des
libertés démocratiques enviées dans les Etats voisins :
l'Iran, l'Irak ou la Syrie, tout en maintenant
les onze provinces
turques de l'«Anatolie du Sud-Est» régies par
l'état d'exception
en vigueur depuis mai 1987, après dix
ans de loi martiale? C'est que la reconnaissance de
l'existence du peuple kurde, si elle va de pair avec l'accès
de celui-ci à l'intégralité
de ses droits, met en cause les
fondements même de l'Etat turc. Mustapha Kémal,
s'appuyant au départ sur les Kurdes, fonde en 1920 la
grande Turquie sur la notion de nation indépendante,
compacte et homogène. Or, «Trois groupes ethniques
menaçaient dangereusement l'unité de la nation: le-
Grecs, les Arméniens, les Kurdes» (Benoist-Méchin
Mustapha Kémal ou la mort d'un empire, Albin Michel \
La constitution fonctionne à
partir de principes chauvins
La Turquie ayant été reconnue
dans ses frontières par le
traité de Lausanne en 1923, Kémal Atatürk entreprend dès
1924 une vaste politique de «purification ethnique». Les
Kurdes, qui ont vu s'évanouir peu à peu les promesses qui
leur avaient été faites d'être traités à l'égal des Turcs, prennent
le chemin de la révolte à l'appel du Cheikh Saïd. Ils
seront écrasés en 1925. Mustapha Kémal, au terme de sa
vie, sera parvenu à son but : «expulser les éléments allogènes,
regrouper et remembrer les populations authentiquement
turques. En 1938, la nation turque avait acquis
une unité raciale et psychologique incontestable»
(Benoist-Méchin,
id). Sans chercher à faire un catalogue
des dégats qu'ont entraînés cette politique, citons simplement
ces chiffres du Rapport présenté le 12 juin 1992 par
Jas Gawronski, député au Parlement européen: «En
Turquie, les forces de Kémal Attatürk ont tué des dizaines,
voire des centaines de milliers de Kurdes en écrasant la
révolte de 1925. De 1929 à 1938, les Kurdes ont ensuite
fait les frais d'une répression brutale. C'est ainsi qu'entre les
20 juin et le 10 décembre 1930, tuer un Kurde n'était officiellement
pas considéré comme un crime pour un Turc.
De 1925 à 1938, environ un million de Kurdes ont été, en
outre, déplacés de foree et la loi martiale est demeurée en
vigueur jusqu'en 1946 dans les zones kurdes de l'Anatolie.»
• Cette politique, qui forme le socle de fondation de la
république turque, n'a jamais été remise en cause. Et
«son inspiration prévaut jusqu'à aujourd'hui», rapelle
Kémal Burkay (avocat, secrétaire du Parti socialiste du
Kurdistan de Turquie). Le préambule
de la constitution
de 1982 issue du coup d'état militaire de septembre
1980 précise qu'«aucune pensée», aucun agissement qui
irait à l'encontre du fait turc, des intérêts nationaux et
des valeurs historiques et morales turques, ne peuvent
trouver de protection. Ainsi, la constitution fonctionne
à partir de principes chauvins ... Elle. exclut d'abord le
non-turc ... » (Les Kurdes, Droits de l'homme et identité
culturelle, Conférence internationale de Paris, 14-15
octobre 1989, Institut kurde de Paris).
Ici s'arrête l'accès de la Turquie à la démocratie. Toute
tentative d'aller plus loin hlltte inexorablement sur
l'obstacle de la «nation homogène» et rem'oit il la séparation
du pays en deux, dont une partie ne connaît
les libertés publiques attribuées à l'autre, tant que cettt'
dernière refuse d'être considérée comml' turqlle et
revendique son identité. L'année, fondée 'ur k. respect
intangible
pas
de l'idéologie kémaliste, reste le régllLltellr de
l'application de cette loi, dès qllc It- rOll\'Clir politique
civil se révèle incapable de la t~ire resreLter,
mise en cause de ce système, qui L;1 d Jonné t~'nlle
:1 la Turquie moderne. ouvrirait la porte ;')dL"
,nlutions, telles qut.' le fédérali,mt.' tur(d-kurde Oll
"autonomie régionale, proposées par les leader,
lu mouvement kurde; toutes revendications qlli
',111"1 tcnt en cause les frontières et la torme des Etats de
la région reposant sur l'écrasement Jes minorités naUllnales
et/ou religieuses (Iran, Irak, Syrie, Liban.,,). La
reconnaissance de l'hétérogénéité Jes
peuples qui prédominait
à la Cllmtitution
de la Turquie conduirait
celle-ci, il
court terme, à faire un retour sur son
histoire, sa constitution, sa politique à
l'égard des «minorités
déboucherait
allogèncs'>. Elle
tôt ou tard sur la question-tabou
du génocide arménien, Il ne
s'agit pas de rendre Attatürk,
le «Lour
gris», responsable de la politique mise
en œuvre par le dernier sultan Abdul
Hamid, Ie «Renard rouge». Pas plus
que d'inculper
l'Etat turc aujourd'hui
les Turcs en général ou
en particulier de
culpabilité. Mais le «Père» de la
Turquie moderne
responsabilité du massacre.
n'a jamais assumé la
Pourtant, le génocide arménien reste
officiellement une mesure logique de
défense de la Turquie contre
l'ennemi
extérieur. Les mêmes maux engendrant
cette politique d'extermination
les mêmes effets,
-mot utilisé par le président
Demirel pour qualifier sa propre politi4ue
à l'égard
du PKK !- peut s'appliquer aussi aux Kurdes qui, en
revendiquant leur identité, mettent en danger l'hnmogénéité
supposée de la nation turque. Cet engrenage
infernal -ignoré ou volontairement sous-estimé en
France par les partisans du laïcisme kémalien-
ôte finalement
une part de son attrait au modèle de la démocratie
turque dans les pays voisins, et au Moyen-Orient.
effet, ces derniers connaissent parfaitement les démélés
tragiques de la Turquie et de ses «minorités ...
En
Michel Verrier
Les Kurdes en
revendiquant leur
identité mettent
en danger
l'homogénéité
supposée de la
Wlrquie
135