Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

REVUE DE PRESSE-PRESS REVIEW-BERHEVOKA ÇAPÊ-RWISTA STAMPA-DENTRO DE LA PRENSA-BASIN ÖZETi
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La.plaie kurde
" Des incidents ont éclaté avec la population
d'origine turque dans les villes côtières de. la Méditerranée .
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ALANYA
de notre envoyiJ spiJcial
ETENDUE le long d'un
golfe sur la côt.e sud de .
la Turquie, Alanra ressemble
à tant' d autres.
stations balnéaires du
pourtour de la Méditerranée.
Seules la distinguent sa mosquée,
flanquée de son minaret, au milieu
des cubes de béton blanc qui continuent
de pousser comme des
champignons, ou de rares maisons
de bois à l'architecture traditionnelle,
avec leurs balcons en surplomb
des facades.
La ville est entrée dans la somnolence
de l'arrière-saison, avec ses
magasins sans badauds, ses rues
trop larges pour les seuls habitants,
ses alignements d'immeubles vides,
son office du tourisme déserté.
.DepuiS plusieurs années, de nom-
;breux Kurdes, fuyant la misèr~ et
la violence du Sud-Est, ont émIgré
vers l'Ouest, dans les villes de la
côte comme Alanya ou Antalya,
célèbre station balnéaire distante
de 150 kilomètres, sur la « Riviera
tlIrque », où le tourisme permet de
trouver des emplois, mais où leur
arrivée a aussi créé des tensions.
Les menaèes
du maire
C'est dans ce contexte qu'Alanya,
à l'automne de l'année dermère,'
a été rattrapée par la guerre:
Le .29 octobre, jour de la fête
nationale, plusieurs milliers de personnes
assistaient aux funérailles.
du prerriier soldat originaire de la
ville tué daits les affrontements du
Sud-Est avec les séparatistes
kurdes. Pendant la cérémonie, des
incidents ont éclaté.
Que s'est-il vraiment passé? Les
versions diffèrent sensiblement. Il
semble que deux personnes,
venues, selon le-maire, M. Cengiz
Aydogan, de Van, à 1000 kilomètres
plus à l'est, ont crié des slogans
que la foule a jugés irrespectueux
envers le défunt. Les deux
perturbateurs ont été pris à partie
et n'ont échappé au lynchage qU\l
grâce à l'intervention de la police~.
.Mais les incidents ne se sont pas
arrêtés là. Des boutiques ténues
'par des Kurdes ont été attaquées,.
parfois brûlées. Le tout sous les
yeux des quelques touristes.
Depuis, à en croire le maire,
membre du DYP, le parti du premier
ministre, le calme est revenu.
Selon lui, la bonite entente qui prévalait
entre les différentes communautés
a été retrouvée. Mais
M. Aydogan, souriant et accueillant;
Qui semble très peiné de ces
incidents, se fait soudain menaçant
envers d'éventuels fauteurs de
t~o,,!bles : « Mon premier devoir,
dIt-II, est de maintenir la païx. »
Alanya, qui représente à elle seule
20 % des capacités d'accueil touristique
du pays et. passe en 'été.de
quelques dizaines 'de milliers d:ha~_
'bitants à «un million en c(mlpt~iït
la banlieue », dit-il avec fierté "'-vit
des vacances. C'est pourquoi, avec
l'aide de la police et de l'armée s~il
le faut, le maire fera expulser sans .
faiblesse de sa ville tous ceux qui
menaceraient l'essor de ce tou-'
risme miraculeux. .
Bien sOr, M. Aydogan précise
que sa menace vaut pour toute
communauté, quelle qu'elle soit.
Tout comme le premier ministre,
M. Aydogan refuse de reconnaître
l'existence d'un problème kurde
spécifique: les Kurdes sont des
cItoyens turcs comme les autres. Et .
pour prouver ses bonnes intentions,
il embrasse, 'dans un geste
théâtral, notre traducteur, qu'il sait
kurde. Quant à la responsabilité
des incidents, il évoque de mystérieuses
«forces extérieures» qui
voudra~ent du mal à la Turquie. Le
responsable local du parti
d'extrême droite MCP, Mehmet
Mutlu, affirme, lui, que tous les
malheurs du pays viennent de
« 'l'impérialisme» occidental, la
France étant «la première» à vouloir.
déstabiliser la Turquie.
Deux semaines après notre
venue, un responsable du HEP,
parti kurde soupçonné de sympathies
pour le PKK, était assassiné à
Antalya, ce qui a entraîné, en
représailles, une attaque sanglante
contre la police (le Monde du
10 décembre), dans cette localité
,çélèbre au-delà des frontières de la
Turquie, que d'aucuns comparent
à Nice ou Menton. Ce climat explique
les précautions dont s'étaient
entourés les militants du HEP
\d'Alanya pour nous rencontrer:
deux hommes sautant en voltige
dans la voiture qui fera des tours
et des détQurs, afin de semer le
présumé véhicule suiveur de la
police, avant d'arriver dans un
appartement où six familles, par
précaution, habitaient ensemble
depuis vingt jours.
Des accusations
contre l'armée
Selon ces militants du' HEP, les
inddentifet les attaques contre des
Kurdes ont continué bien après les
affrontements du,,29 octobre, dont
ils. accusent tous les autres partis
politiqu\ls d'être collectivement
responsables. A les en croire, le but
est de les chasser de. la ville. A
j'6elie,lOii' 'rifdii)nàl,,ilS accuserit l'ar-.
mée - et nori lepouvoircivil~.,.tle
vouloir renvoyer tous les' Kurdes
dans le Sud-Est afin de les exterminer.
Malgré l'exagération manifeste
nourrie des sentiments nationalistes
des deux côtés, il apparaît
évident que la vie à Alanya n'est
pas aussi sereine que l'affirme le
maire .. Diverses localités de Turquie,
y compris dans une ville de
l'importance d'Izmir, sont le
théâtre d'incidents dont le scénario
est souvent le même qu'à Alanya :
des échauffourées se produisent,
pendant des funérailles de soldats
tués dans le Sud-Est. La presse a
rapporté des attaques de Jeunes
gens contre des Kurdes, en particulier
contre le HEI>,à Fethiyé, sur la
. côté méditerranéenne, à Turgutlu,
sur la côte. de la mer Egée.' .
Dans les deux cas, il ne s'agissait
. pas d'actions spontanées. M. Celik
Hüsyin, qui n'est pas kurde, mais
appartient à l'opposition de gauche
.de la région d'Antalya, donne
l'exemple de la petite ville de
Serik, également sur la côte méditerranéenne,
où, après des incidents
remontant à deux ans, les'
Kurdes ont été expulsés de la ville,.
. Ces tensions sont alimentées par.
la multiplication d'accroch.ages
meurtriers qui, selon un bilan éta~
bli à la fin de 1992 par le quoti"
dien Cumhuriyet, ont fait, dans les
six derniers mois, soixante et un:
morts, dont douze membres de
forces de sécurité dans trois villes'
de la côte méditerranéenne: à
. Adana; danille port de Mercin ...;
où, selon certaines informations,
'PKK contrôlerait les dockers - et à
Antalya. Ces affrontements pourraient-ils
provoquer une fracture
irréversible entre Turcs et Kurdes?
le.
Même si un diplomate occidental'
juge « compréhensibles» les
réactions, encore « isolées» dit-il,
de la population turque qu'exaspèrent
les pertes subies par l'armée
dans les combats avec le PKK,
Sami Kohen, éditorialiste au quoti-,
dien Milliyet, note que l'aggravation
des combats dans le Sud-Est
« commence à provoquer un senti:.
ment nationaliste d'hostilité anti-
~u~de ». S'ils se poursuivaient, ces
IOcldents pourraient déboucher. sur
un affrontement généralisé avec les
Kurdes qui, par centaines de milliers,
peuplent tes banlieues et les
bidonvilles autour d'Istanbul et
d'Ankara. On n'en est certes pas là.
Mais un homme d'affaires d'Istanbul
confie: « C~e'stl'une des plaies
les plus dangereuses, qui peut s'envenimer
et se répandre sur tout Iii'
corps.»
.J ..l.A.