Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

REVUE DE PRESSE-PRESS REVIEW-BERHEVOKA ÇAPÊ-RIVISTA
STAMPA-DENTRO DE LA PRENSA-BASIN ÖZETi
Un voleur hardi met le propriétaire de la maison
(( dans son tort.» Les autorités d'Ankara, qui sem-
. . blent.s'inspirer de ce vieil adage populaire turc ne
manquent assurément ni de hardiesse ni d'habileté
çlans la présentation de leur politique kurde. A '
les en croire, il n'y a pas de problème kurde en
Turquie; il n'y a qu'un problème de terrorisme, celui du
PKK, organisé et soutenu par des puissances étrangères rivales.
Le gouvernement turc ne ferait donc que «défendre
son intégrité territoriale, dans le respect de la démocratie.
et de l'Etat de droit».
Ce discours a certes l'avantage d'être simple comme tin
message publicitaire qui, à force d'être ,conjugué et assén~'
sur tous les modes, finit par avoir un certain impact dan$
'les esprits. Il évacue pourtant cavalièrement le passé. S'il
n'y a pas de problème kurde, ni de.Kurdes en Turquie~
comment expliquer que depuis la créatIon en 1923 de lä:
République turque, celle-ci, selon le président Demirel lui- ,
même, eut à affronter et à écraser dans le sang 28 insurrec~
tions kurdes? Pourquoi a-t-on dû inscrire dans les lois et la
Constitution l'interdiction de la langue et la culture d'un
peuple qui officiellement n'existe pas, et qui forme pour{
tant entre le quart et le tiers de la population totale deJl(
Turquie? La lutte armée du PKK n'ayant été déclenchée,
qu'en août 1984, comment expliquer l'emprisonnement et
la torture de plusieurs dizaines de milliers de Kurdes (1):
après le coup d'Etat militaire de septembre 1980? Pourquoi
le Kurdistan turc, qui constitue 30% du territoire de la
Turquie, a-t-il vécu au cours de sept dernières décennies
pendant 48 ans sous les régimes d'exception de la loi martiale
et de l'état de siège? Pour quelle raison, dans cette
haute Mésopotamie connue depuis les temps biblique~
pour sa richesse, regorgeant d'eau, de pétrole, de minerais
et de ressources agricoles, la population est -elle condamnée
à une existence misérable avec un revenu moyen inférieur
au quart de la moyenne turque?
Ce sont là quelques vérités de base qu'il n'est peut-être pas'
inutile de rappeler dans ces temps de confusion et de mé-"
moire courte! Et, comme le rappelait l'écrivainYashar Ké~
mal, dans une récente émission de Géopolis consacrée au
problème kurde, si c'était précisément ces injustices intolé~
l'ables qui poussaient les Kurdes à se révolter? Les Turcs se
sont-ils demandé pourquoi un groupuscule marxisant
comme le PKK, comptant en 1984 à peine une centaine de
combattants, a-t-il pu devenir en moins de dix ans une force
politico-militaire soutenue, d'après les estimations mêmes
d'Ankara, par plusieurs centaines de milliers de sympathi-
.sants, alors que les mêmes appuis extérieurs supposés n'ont
pas permis à son homologue arménien, l'Asala, de se déve"
lopper? L'explication avancée dans Foreign Affairs (2) par '
un observateur aussi attentif qu'Eric Rouleau, qui fut ame,
bassadeur de France à Ankara, a d'autant plus de poids.
qu'elle viènt d'un turcophile: c'est la politique de négatiori'
et de répression massive du gouvernement furc qui a poussé
la population dans les bras du PKK et a fait de celui-ci ce.
qu'il est devenu aujoùrd'hui.
, La fable d'une «guerre propre contre le terrorisme, menée
dans le' respect de la démocratie », que la très avenante
,Tansu Çiller s'emploie à vendre à l'opinion occidentale, ne
,résiste à aucun examen sérieux. La «guerre propre»
n'existe que dans les manuels d'histoire des vainqueurs. On
ne saurait attendre de l'armée turque, qui n'a aucune tradition
démocratique, d'être plus «exemplaire» que les armées
française en Algérie ou américaine au Viêt-Nam. Cet
énorme corps expéditionnaire formé de 200 000 soldats et
gendarmes, de 45 OOOsupplétifs locaux, de plus de 50 000
policiers en civil ou en uniforme et d'unités spéciales de
contre-insurrection, appuyé par l'aviation, ne mène pas 'de
simples opérations de police. Il livre, en terrain hostile, une
guerre totale où tous les Kurdes refusant de coopérer et de
préndre dés"annes.-çontte teurS'édmpattiotes soIlt traités en
ennemis. Faute d'avoir les moyens matériels, intellectuels
et moraux de convaincre la population, les troupes turques
ont recours à la terreur systématique et à l'usage de techniques
de «guerre spéciale»: évacuation et destruction de
,876 villages et d'une dizaine de villes réputés favorables à
l'adversaire ou difficiles à défendre; assassinat d'un millier
'd'intellectuels démocrates et libéraux, dont 65 dirigeants et '
un parlementaire d'un parti légal jugé pro-kurde, de façon à
ne laisser à la population aucun choix entre la collaboration
et le maquis; détention de 24000 militants politiques
kurdes, «pour couper la guérilla de ses soutiens potentiels»,
arrestation des avocats, plasticage des commerces
des Kurdes jugés suspects. L'aviation bombarde quotidiennement
de nombreuses régions du Kurdistan; les forêts sont
brûlées, le bétail est abattU, des districts entiers sont rendus
impropres à I'habitation. Parfois, comme à Bahçesaray ou
Altinova, des paysans refusant de quitter leurs villages sont
massacrés sur place, voire brûlés vifs. Certains commandants
militaires turcs vont jusqu'à prôner le bombardement
à l'arme chimique de cinq chaînes de montagne abritant des
maquis (3). Au cours des dix dernières années, cinq à six
millions de Kurdes ont dû fuir cet enfer vers l'Ouest turc.
Tel est, à gros traits, le tableau dè la tragique réalité kurde
que tout observateur soucieux de vérité et disposant de
quelques jours pourrait aller vérifier sur place. Rentrant
d'une telle mission, le très modéré Lord Avebury, président
de l'Interparliamentary Human Rights Group britannique,
n'a pu empêcher de mettre en exergue de son accablant rap-
,port ce vers véhément de Victor Hugo: «Les Turcs sont passés
par là, tout est deuil et ruines.» C'est sans doute sur la
base de témoignages similaires émanant de la population
civile kurde martyrisée, que Mme Mitterrand a récemment
lancé un cri d'alarme, appelant l'Union européenne à désigner
d'urgence un médiateur, pour tenter d'arrêter cette
Si, comme
('affirment les
ÇJutorités
d'Ankara, il n'y a
pas de problème
kurde en Turquie,
comment
expliquer que
depuis la création
en 1923 dè la
République'
turque, celle-ci,
selon le président
Demirel lui-même,
eut à affronter et
à écraser dans
le sang
28 insurrections
kurdes? '
guerre qui pourrait désormais
s'étendre aux villes de ,
l'Anatolie occidentale où.'
Kurdes et Turcs cohabitent
dans un climat de plus en
plus tendu.
Au péril de leur vie, des correspondants
de journaux
courageux, dont le quotidien
Ozgür Gündem, ont pu établir
que nombre de massacres
attribués à grands renforts
de publicité à« la
barbarie du PKK» étaient en
fait l' œuvre des unités spéciales
de l'armée, cherchant à
vider tel ou tel district de ses
habitants et faisant ainsi
d'une pierre deux coups. Selon
ces investigations, sur
100 massacres de civils officiellement
imputés au PKK,
au moins 80 sont perpétrés
par l'armée. Vérité intolérable
pour les tenants de la '
thèse officielle qui refusent
, toutes enquêtes internationale
ou nationale indépendante.
Comme on l'a vu lors
du siège et de la destruction de la ville de Lice (5), le 24 octobre
dernier, ni les parlementaires, ni même le Premier ministre
turcs ne sont autorisés par l'armée à aller s'informer
sur place. Après l'assassinat, le 4 septembre 1993, à Batman
par des membres d'une police parallèle de Mehmet
Sincar,_député de MardiR, I~s parlementaires kurdes ne pu-,
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