Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

Le Monde - 8 janvier 1994
, Un entretien avec le premier 'ministre turc'
TansuCiller : «Nous visons une démocratisation
pour l'ensemble de la Turquie»
Depuis son et/trdeen fonction
en juillet 1993, Tansu Ciller, qua~
fante-sept ans, la première femme
'à accdder en Turquie BU poste de
premier ministre, s'est surtout
attacMe à affermir sa position à la
rite de son gouvernement de
coalition, composd du Parti de la
juste voie (DYP) et du Parti populaire
social-ddmocrate (SHP). Du
fait de la rdpression implacable
contre les inddpendantistes kurdes
du PKK dans le sud-est du pays et
,à /'dtranger; 'la Turquie apparart,
dans la rdgion, comme ,un pays
dont la stabilitd pourrait ~tre
menacde. C'est cette impression
que Mm. Ciller s'est efforcde de
dissiper en recevant des reprdsentants
de la presse occidentale (1),
le 5 janvier, dans sa rdsidence
d'Ankara.
ANKARA
de nos envoyds spdciaux
«Les dernières ,j/ections en
Russie se sont traduites par
une perc,je du courant ultranationaliste
de M. Jlrlnovski.
" a tenu, vis-j-vis de votre
pays, des propos provocateurs.
Cela vous inquiète-t-il?
- Bien évidemment, il y a des
choses qui sont en train de
ehanger en Russie, et ee processus
va continuer. Un mouvement
réactionnaire existe dans
l'ancienne Union soviétique,
probablement causé par la situation
économique et politique de
la Russie. Quoi que puisse en
penser Boris Eltsine, un thème
'est revenu maintenant à la surface,
celui du retour vers les
aneiennes frontières, se traduisant
par une attitude nationaliste
vis-à-vis des Républiques
ayant acquis leur indépendance.
» En ce qui concerne la Communauté
des Etats indépendants
(CEl), je pense que la Russie
cherche à faire pression sur les
États indépendants en les forçant
à signer des accords militaires
bilatéraux qui ont pour
conséquenee de lell isoler du
reste du monde. Par exemple,
de qui cherehent~i1s à protéger
l'Azerbaïdjan? De l'Arménie ou
bien des pays de l'OTAN,
comme les Etats-(jnis ou la Tur-
quie'l Il y a' èn' Russieùne 'tendance
à vouloir s'ériger en seul
protecteur de eette région contre
le reste du monde et particulièrement
de l'Europe. Là Turquie,
nous l'avons toujours affirmé,
souhaite eoexister et coopérer
avec la Russie. Lorsquej'étais à
Moscou, c'est ee que j'ai dit à
Boris Eltsine, tout en soulignant
que nous avions des affinités,
.culturelles avee ces pays (turcophones,
NDLR) qui sont devenus
indépendants.
Si les Arméniens
arrivent à Bakou...
- Quelie forme pourrait
prendre cette coopiration?
- Nous' savons bien que ees
pays sont destinés à avoir
d'étroites relations avee la Russie,
mais nous voulons aussi
entrer dans le jeu. Et pourquoi
pas sous la forme d'une coopération
triangulaire au lieu d'une
concurrence? En ee qui nous
concerne, nous avons accordé
des crédits de l'ordre de 1,5 à 2
milliards de dollars aux pays de
cette région, y compris l'Arménie
à qui, lorsque j'étais responsable
de l'économie, nous avons
donné du blé et des médicaments.
» En comparaison, le G7 a
donné entre 4 et 5 milliards de
dollars de crédit à la seule Russie.
Cela montre notre engagement
dans le maintien de la' stabilité
dans cette partie du
monde. Nous ne sommes pas
, tentés de recréer le vieil empire
ottoman, ni de revenir à nos
a'nciennes frontières. Ce que
nous cherchons, c'est avant tout
la coopération éco~omique.
- Cela sil1itifie~t-il ijûè' vous
ne vous engagerez jamais
militaire'!'ent dans 'la r,jgion.
même si les Arm,jniens arrivent
j Bakou?
- Non, je n'ai jamais dit cela.
Nous observons de très près, au
jour le jour, ee qui se passe,
patçeque'eeia nous concerne. Je
l'ài, aUllsi,ditl\. QgrÄ~,.Eltsiné:
Turquie,qüi se trouve à l'interseetion
du nord et du sud, de
l'est et de l'ouest, est essentielle
pour la stabilité du continent
européen.
- Un des obstacles à votre
entr,je dans l'Union europ,jenne
reste la question chypriote.
Y aura-t-il du changement
stir ce point?
- Avant tout, je tiens à affirmer
que n'avons rien à gagner'
au blocage de la situation à
nous estimons que 'lés Armé- 'Chypre. Nous sommes pour une
niens' doivent se retirer des ter- solutißn acceptée par toutes les
ritoires conquis. Lorsque des parties et nous voulons y contriagressions
se sont produites buer.' Remarquez que je' n'ai
dans urt passé réeent, la Turquie jamais utilisé ce problème dan,S
s'est montrée conséquente: nos débats de politique intéquand
Il' Koweït a été agressé, 'rieure eomme j'aurais pu le
nous étions là pour protester, faire.
bien que, nous ayions une fron- _ Pensez-vous que l'arriv,je
tière avee l'Irak. Pour la ,d'un nouveau gouvernement
en Chypre du Nord aidera à la
solution du probMme ? Etesvous
priits à restituer une
partie du territoire conquis
pour y arriver?
Bosnie, nous nous sommes
engagés, et j'ai l'intention de
m'y rendre bientôt pour attirer
l'attention du monde sur le fait
qu'une fois de plus, en Europe,
on assiste à un massacre incompatible
avec les droits de
l'homme. En Somalie aussi,
nous étions là.
- La Turquie est-elie prête
à l'union douanière (2) avec,
l'Union europ,jenne en 1995?
"""Oh oui! Nous y allons très
vite. Cela nous coûte cher et fait,
peser un lourd fardeau sur notre
économie. En dépit de cela,
nous persistons à poursuivre cet'
objectif. La Turquie est l'un des
pays les plus ouverts, particulièrement
vers l'Europe de l'Est.
Cela doit être reconnu par nos
amis en Europe et dans l'Union
européenne et nous devons
,poursuivre les négociations dans
ce domaine. Il n'y a pas d'autre
pays qui ait fait ce pas de luimême,
sans recevoir aucune
aide. Si vous regardez ce qu'ont
obtenu l'Espagne,' te Portugal, la
Grèce, ce n'est pas comparable.
Il faut qu'il soit reconnu que la
- Nous sommes plus ouverts
à la paix que nous ne l'avons
jamais été. J'aimerais voir une
attitude similaire du côté grec.
La restitution de territoires n'est
pas la question principale. Il est
essentiel que les deux communautés
s'entendent sur une solution
durable. Pour y parvenir,
beaucoup de choses peuvent
être faites.' En ce qui nous
concerne, nous n'avons pas les'
mains liées.
- Pensez-vous que la pr,jsidence
grecque de l'Union'
èurop,jennè va vous gêner
dans les six prpchaÏl1s mois?
- 'Ce n'est qu'un point
mineur. L'essentiel est que les
autres pays de l'Union européenne
voient notre vitalité et
consid'èreht u'n"rapprochêmenl
avec la Turquie comme facteur
de profit pour chacun.
, Dis.tinguer
Je problème du PPK
et celui des Kurdes
- On a pu assister ces der-'
niers mois à une aggravation
du conflit entre les forces
gouvernementales et les,
s#jparatistes kurdes. Comment
jugez-vous l'attitude
des pays europ,jens sur cette
question?
- Nous avons toujours dit
que, selon le prineipe des vases
communicants, si des organisations
sont déclarées illégales
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