Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

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d'Hasankeyf veulent demeurer fidèles à une
vie quotidienne enracinée dans une terre
rocailleuse, rythmée par les crues du fleuve et
le lent déplacement des troupeaux.
L'allure d'un grand oiseau
Dès
le Xe millénaire
avant notre ère, plusieurs
centaines de
grottes d'Hasankeyf abritent
une population de chasseurscueilleurs
qui, peu à peu, se
sédentarise. Inclus dans l'aire
mésopotamienne, berceau
des civilisations méditerranéennes,
le site devient très
tôt un important centre régional.
Au Moyen Age, le géographe
Ibn-Havkal décrit avec
minutie le château d'Hisn
Keyfa, ainsi que les quartiers
haut et bas de la ville, vestiges
de civilisations préislamiques
proches de celles
d'Irak et de Syrie. Entre le
Ville et le XIIe siècle, Hasankeyf
devient un important
Ville-musée
foyer culturel musulman,
avec ses deux mosquées et
son école coranique réputée.
Malgré les méfaits des cavaliers
de Tamerlan, qui, au XIVe
siècle, brûlent la ville, et jettent
dans le Tigre les milliers
de livres que contenait la
bibliothèque, Hasankeyf présente
encore d'inestimables
trésors architecturaux. On
peut aussi, à côté du château,
admirer des vestiges de la ville
haute, le mausolée de ZeyreI
Bey, Ie pont de Kalintilar,
de facture seldjoukide, et
dont il ne reste que les piles,
et, dit-on, une église byzantine
dissimulée dans l'une des
Innombrables grottes des
montagnes environnantes.
Dans la cour de sa maison en pierres
sèches, Téfik cultive quelques plants
de tomate, concombres, salades, et des
bouquets de menthe odorante. Sur le toit, où
toute la famille passe les nuits d'été à la
recherche d'un peu de fraîcheur, sèchent des
pâtés de bouse, qui brûlent en dégageant plus
de fumée que de chaleur. Ce matin, Tefik et
Nouri partent relever les filets qu'ils ont tendus
en travers du courant. Leur radeau,
constitué, comme tant d'autres sur le Tigre,
d'un caillebotis fixé sur deux chambres à air
de camion, témoigne des capacités d'adaptation
de la population. Pour de nombreuses
familles d'Hasankeyf, pêche et cultures potagères
couvrent l'essentiel des besoins alimentaires
de la maisonnée.
À la terrasse du salon de thé, les hommes,
désœuvrés, bavardent interminablement,
assis sur des tabourets bas. Mehmed, quant à
lui, est parti mener le troupeau familial dans
la montagne proche, où, deux ou trois mois
durant, moutons et chèvres erreront, à la
recherche d'herbe tendre. En attendant le
relais d'autres hommes de la famille, Mehmed
patientera, abrité du vent glacial par une
épaisse houppelande de feutre brut, dont les
épaules relevées lui donnent l'allure d'un
grand oiseau. Après la tonte, la laine sera vendue
à Hasankeyf, où elle servira à la confection
des vêtements, au bourrage des matelas et au
tissage des kilims, tapis dont motifs et couleurs
indiquent les origines. Mais aujourd'hui,
à côté des échoppes de l'épicier, du tailleur et
du barbier, qui fait aussi office de rebouteux,
ne subsistent plus qu'une dizaine des quelque
cinquante ateliers de tisserands d'autrefois.
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