ICOM International Council of Museums - Museo Estancia Jesuitica ...

Prologue
D’Orient en Occident :
histoire de la riziculture et muséologie
Marc-Antonio Barblan – Switzerland
“Once they used to grow rice here –
now they grow concrete”
Mursalin, notre mentor balinais
La problématique que j’expose dans cet article résulte de quelques expériences de terrain en
Asie du Sud-Est, depuis une dizaine d’années, notamment à Bali, avec la découverte de ce
qui était alors sans doute le seul musée au monde consacré à un aspect de la « civilisation
du riz », dans le bourg de Tabanan. 1
Les fruits de cette rencontre ne se sont pas limités à un intérêt actif pour les aspects
muséologiques se concrétisant dans les lignes qui suivent.
Ils se sont également traduits dans la recherche historique menée depuis lors. La
fréquentation des rizières d’Orient me conduisant tout naturellement, par un effet de miroir, à
m’interroger sur l’origine de la riziculture en Occident et son développement, dès le Moyen-
Age. Domaine complexe, comme on pourra s’en rendre compte.
Expérience du regard aussi, du sensible, au contact de l’œuvre de ces « terrasseurs de
montagnes » qui ont sculpté leur espace, pendant des siècles, pour parvenir à un système abouti
d’exploitation du sol « écocompatible » - conciliant le divin et l’humain dans un subtil réseau.
Sans omettre que ces « paysages retravaillés » ont à leur tour contribué à façonner
l’environnement culturel de nombreuses sociétés. 2
C’est ainsi qu’est également né le Dialogue des Terrasses – Orti Ring Sengkedan – Tales
from the Terraces « improbable rencontre entre la viticulture vaudoise et la riziculture
balinaise (…) sans qu’il s’agît alors de rechercher des influences qui n’existent pas ; mais de
discerner l’évolution des rapports entre homme, nature et culture, en adoptant la terrasse
comme thème fédérateur. 3
Dialogue que l’on pourrait idéalement étendre en une véritable « Confrérie des Terrasses »,
puisque cette technique culturale se retrouve sous bien d’autres cieux (au Yemen, au Népal
ou dans les Andes, par exemple).
1 Parmi les personnes associées, d’une manière ou d’une autre, à ce parcours, je tiens à remercier tout
particulièrement Mounira Khemir qui, par un échange fructueux et dynamique, des expériences partagées, y a
pris une part enrichissante. Ainsi que Lorenzo Costantini(Roma) ; Georges Breguet et Mme Landriani à Bali.
2 Comparaison n’est pas, entièrement, raison ; l’on peut néanmoins citer ici la récente exposition Pérou:l’art de
Chavin aux Incas (Petit Palais, Paris, 5 avril-2 juillet 2006).
Sans excès scénographique, elle privilégie néanmoins une présentation essentiellement esthétique. Or les
expressions artistiques proposées au public sont directement tributaires du « système andin » d’agriculture
(terrassement, inventivité hydraulique ou techniques culturales), générateur de prospérité autant que
pourvoyeur de sens.
Aspect en partie évoqué dans l’appareil documentaire mural ; mais sans aucune visualisation, ni
matérialisation, du propos, à tous les niveaux, dans l’espace muséal même en tant que lieu spécifique.
Quelles que soient les qualités plastiques propres de ces artefacts, les voilà donc, en tant que tels, extraits de
tout contexte (productif, ou même sémantique) ; ce qui les rend « disperatamente orfani delle loro ombre »
(Barblan, 1986).
3 Voir Marc-A. Barblan, Le Dialogue des Terrasses : regards croisés sur les paysages et les hommes, les
travaux et les fêtes. Genève,1997-1999 (document de travail) et, précédemment : (sous la direction de Marc-
A.Barblan), Il était une fois l’industrie. Zürich-Suisse romande, paysages retravaillés. Genève, 1984.
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