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ICOM International Council of Museums - Museo Estancia Jesuitica ...

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Gob: Musées en guerre<br />

les biens confisqués aux Juifs en Allemagne et dans les pays occupés, comme l’a bien<br />

montré une récente exposition 6 au Musée d’Histoire de la Ville de Luxembourg et le<br />

colloque organisé à cette occasion. Dans certains cas, les archives permettent de<br />

connaître les marchands, les œuvres vendues et le nom des acheteurs 7 . Les musées<br />

achetaient sur le marché de l’art et des antiquités pendant la Seconde Guerre<br />

mondiale, comme ils l’on fait pendant les guerres précédentes, comme ils ont acheté et<br />

achètent encore des biens culturels sortis illégalement d’Afrique ou d’Amérique latine.<br />

Sans doute, ils peuvent arguer de leur ignorance : l’origine des œuvres n’est pas<br />

estampillée sur celles-ci et l’existence d’un intermédiaire marchand facilite cet<br />

argument d’ignorance. Il ne faut certes pas généraliser ; de nombreux musées<br />

appliquent une politique d’acquisition irréprochable. Mais, trop souvent en situation de<br />

guerre, des musées montrent la même imprudence, la même insouciance qu’en temps<br />

de paix dans leurs acquisitions par achat. Au nom d’une seule chose : la collection, le<br />

patrimoine. Ils pensent devoir remplir leur mission patrimoniale et acquérir tel objet –<br />

peu importe la façon dont il se retrouve sur le marché – pour le mettre à l’abri, pour le<br />

protéger. Cela constitue en effet une bonne raison ; encore faut-il savoir si l’intégrité de<br />

l’œuvre est vraiment menacée, si le musée qui achète est le seul à pouvoir assurer<br />

cette mission patrimoniale et si celle-ci mérite de taire tout scrupule moral. Derrière<br />

l’alibi patrimonial se cache parfois une mentalité de collectionneur.<br />

Acquisition par rétention, ensuite. Des objets de musée, des œuvres d’art, arrivées au<br />

musée par les « hasards » de la guerre, y restent parfois après la fin des conflits,<br />

malgré les opérations de restitution intervenues. On estime que plus de deux millions<br />

d’œuvres d’art, de documents d’archive et d’objets de musée se trouvent encore<br />

aujourd’hui dans des musées russes, objets emportés en 1945-46 par l’armée<br />

soviétique à Berlin, à Dresde et dans d’autres villes allemandes et jamais restitués<br />

malgré les différents accords intervenus en ce sens 8 . Le célèbre « Trésor de Priam »,<br />

aujourd’hui au Musée Poushkine à Moscou, fait partie du lot. Les musées qui les<br />

détiennent refusent de les restituer et s’ingénient à trouver « de bonnes raisons » pour<br />

les garder. En France, « l’affaire des MNR » défraye la chronique muséologique depuis<br />

une dizaine d’années. C’est pour y mettre fin que fut organisé, par la Direction des<br />

Musées de France, le colloque dont le volume Pillages et restitutions est le compterendu.<br />

Le fonds MNR – « Musées nationaux Récupérations » – est constitué des<br />

œuvres retrouvées dans différents dépôts et cachettes en Allemagne en 1945 et que<br />

l’origine française a conduit à restituer à la France. La grande majorité de ces pièces<br />

ont été rendues à leur légitime propriétaire. Il n’en reste pas moins plus d’un millier<br />

d’œuvres d’art dont le propriétaire n’a pas été retrouvé, ou plutôt recherché, et qui<br />

n’ont pas été réclamées. Elles sont déposées dans les grands musées nationaux : 500<br />

au Louvre, au moins 110 à Orsay, selon Hector Feliciano, un journaliste qui a dénoncé<br />

cette situation en 1995 9 . Cette situation n’est pas propre à la France. La Conférence de<br />

Washington de 1998 sur la restitution des biens spoliés aux juifs pendant la Seconde<br />

Guerre mondiale – il ne s’agit pas seulement d’œuvres d’art – a conduit la plupart des<br />

pays concernés à mettre en place une politique volontariste de restitution, notamment<br />

par la création d’une commission pour faciliter les recherches de propriété. Les<br />

musées ont adopté des attitudes diversifiées par rapport à la Déclaration de<br />

Washington. Certains – notamment les musées américains et allemands - ont<br />

collaborés activement à la recherche en exécutant une enquête systématique sur les<br />

acquisitions suspectes (celles entre 1938 et 1945) ; d’autres ont fait le gros dos ;<br />

6 Le grand pillage, du 11 mai au 23 octobre 2005.<br />

7 On possède une liste, dressée par les autorités nazies, des marchands parisiens qui vendaient aux<br />

Allemands, particuliers, musées, autorités politiques et militaires.<br />

8 Des restitutions partielles ont eu lieu en 1955-57, en 1977-78 (restitutions restées secrètes !) et encore<br />

en 1990-92 après la disparition de l’URSS. Depuis lors des négociations sont en cours entre la Russie<br />

et l’Allemagne mais aucun accord général n’est en vue.<br />

9 Hector Feliciano, Le musée disparu, Paris, Ed. Austral, 280 p.<br />

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