ICOM International Council of Museums - Museo Estancia Jesuitica ...

Célius: Le musée, le passé et l’histoire
trouvé et les escaliers placés avec un art exquis; enfin, un Palais digne de recevoir les
graves et fortes figures des Aïeux et qui, dès que l’ameublement des tableaux sera
complet, deviendra le musée de l’Histoire et le Panthéon d’Haïti.» 19
22 ans après sa création, le peintre et acteur Edouard Goldman sort d’une visite du
musée complètement dépité. C’est, à ses yeux, une « honte nationale » que de laisser
visiter ce lieu par des étrangers, car tous les efforts déployés par Nord Alexis pour le
créer ont été dévoyés. Pour pérenniser l’œuvre de ce dernier « on aurait dû nommer un
conservateur de ce musée, et rassembler, au prix des plus grands sacrifices, les reliques
du passé si glorieux, au lieu de les laisser aller à l’Étranger, lambeau par lambeau,
vendus la plupart du temps pour un morceau de pain.» 20 La collection n’est donc pas
entretenue et, loin de s’enrichir, elle se délite. Et dire qu’elle comportait déjà de grandes
lacunes, comme l’absence d’œuvres des meilleurs artistes du XIXe siècle, un Colbert
Lochard par exemple. Goldman recommande une vraie prise en charge de
l’établissement et étend son regard à d’autres lieux. Il déplore l’état de dégradation d’une
collection de peintures du XIX e siècle qui se trouve à la cathédrale coloniale de Port-au-
Prince et suggère la création d’un musée catholique pour leur conservation, après
restauration. Il rappelle la disparition, avec la destruction de l’ancien palais présidentiel,
d’une galerie de portraits de chefs d’État. Il mentionne et commente la collection de la
Chambre des députés et celle du nouveau palais présidentiel. Goldman constate
amèrement l’impasse du processus de patrimonialisation engagé par Nord Alexis et
plaide surtout pour la constitution d’un véritable patrimoine artistique. Mais le Palais du
Centenaire a, vraisemblablement, continué à se dégrader jusqu’à la destruction du
bâtiment au début des années cinquante. «Ce palais qui tombait de vétusté a été
récemment démoli», écrit l’historien Catts Pressoir, en 1952, sans plus de précisions 21 .
1926 : l’occupation états-unienne du pays (1915-1934) dure depuis 11 ans, situation qui
suscite une grande poussée nationaliste. On voit naître, en 1923, la Société haïtienne
d’histoire et de géographie qui entend revisiter l’histoire nationale pour réapprendre « les
leçons du passé », saisir les causes de l’occupation et alimenter la flamme nationaliste.
Dès 1927 s’amorce une législation portant sur la conservation du patrimoine, à travers
l’article 2 d’une loi du 26 juillet 1927, annonçant en quelque sorte une loi qui sera
entièrement consacrée au sujet en 1940. Entre temps, l’administration du président
Sténio Vincent (1930-1941) entreprend une grande campagne de restauration de sites et
monuments dits historiques. De 1931 à 1934, sont restaurées: l’esplanade de
l’Intendance tracée et ornée en 1750, à Port-au-Prince; la Citadelle Laferrière, la
Chapelle Royale de Milot et le Palais de la Petite Rivière, constructions dues à Henri
Christophe (1807-1820); la forteresse historique des Platons; le fort Alexandre, à Portau-Prince;
la Chapelle de la Croix-des-Martyrs qui abrite un ossuaire des rigaudins
exécutés en 1800 22 . Le 8 janvier 1938, Sténio Vincent crée une Fondation, qui porte son
nom, chargée de l’administration du Musée National et de la Bibliothèque nationale qu’il
venait de fonder. L’initiative, une fois de plus, vient du chef de l’État qui offre au musée
une bonne partie de sa collection personnelle. Cependant l’entreprise s’étend désormais
aux sites et monuments, elle bénéficie d’un encadrement juridique et institutionnel ainsi
que de l’implication de plusieurs organismes étatiques, comme les Départements de
l’Intérieur et de l’Instruction publique ainsi que l’Administration communale de Port-au-
Prince 23 . Comme en 1904, un édifice est expressément construit pour abriter le nouveau
musée implanté à Port-au-Prince, au Champ-de-Mars, au centre politique de la capitale.
19
Ibid., pp. 7-8.
20
[Edouard] Goldman, Vers le passé suivi de : À propos de l’Exposition et à la mémoire de Boirond
Tonnere, Port-au-Prince, Bernard & Co. Imprimerie, 1926, p. 7.
21
Catts Pressoir, Haïti : monuments historiques et archéologiques, Mexico, Instituto Panamericano de
Geografía e historia, 1952, p.11.
22
Partisans d’André Rigaud dans la lutte qui l’opposa à Toussaint Louverture.
23
Pressoir, op. cit, p.12.
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