ICOM International Council of Museums - Museo Estancia Jesuitica ...

Barblan: D’Orient en Occident: histoire de la riziculture et muséologie
Si nous n’y prenons garde, on l’a vu ci-dessus, l’histoire des cultures vivrières ou l’histoire de
l’alimentation peut rapidement devenir le lieu par excellence de l’indistinction ; brassant
plaisirs de la table, promotion gastronomique et alibis culturels.
Ainsi de « Copia.The American Center for Wine Food and the Arts », coktail de marketing
culinaire sur fond de nostalgie mémorielle.
Ou « The Food Museum Online », dont la page d’accueil nous dit assez l’aimable
salmigondis documentaire, son parfum didactique trop capiteux, sans autre concept qu’un
« Global Food Heritage Project » plutôt vague.
Vers la fin des années 1990, l’International Rice Research Institute – IRRI, à Los Banos,
Philippines, avait mis en ligne un site muséal spécifique intitulé Riceworld qui semblait pouvoir
répondre aux critères évoqués ;il est actuellement inaccessible pour motifs de rénovation.
Agropolis-Museum, à Montpellier –« conçu comme institution de relations culturelles entre la
communauté scientifique et les citoyens » (par une approche plus agro technique et écologique
que sous l’angle des sciences humaines) – a ouvert ses trois premières sections en 1994 ;il se
propose de bénéficier du réseau d’organisations françaises de recherche agronomique et de
développement présentes dans plusieurs pays pour « collecter et conserver des documents
muséographiques concernant l’agriculture et l’alimentation dans le monde ».
Bien que dans la section « Agriculteurs et agricultures du monde », la riziculture soit
représentée par la reconstitution de l’habitat d’un cultivateur javanais(aux côtés de six autres
exemples :Maroc,Pays-Bas,USA,Mexique,Cameroun et France) et que quelques objets
relatifs au riz (provenant des Ifugaos de l’île de Luçon, Philippines, qui se distinguent
également par la culture en terrasses) aient déjà été collectés et occasionnellement
exposés, c’est sans aucun doute dans sa dimension de cyber-musée que cette institution
nous propose, pour l’heure, la version la plus achevée d’un site que l’on puisse souhaiter. 34
L’habitat du paysan javanais trouve un intéressant prolongement documentaire sur les pages
du site.
La partie virtuelle « Aliments du monde » compte un chapitre « céréales » et un paragraphe
« riz ». Au sein de ce dernier figurent les fiches des objets collectés en rapport, avec une
description fonctionnelle. Quant à la visualisation, c’est sans doute la plus élaborée, en ce
sens que diverses vignettes permettent d’obtenir un point de vue « spatial » sur l’objet.
A cela s’ajoutent diverses expositions en ligne. Parmi celles-ci « Portraits dans la
collection », juxtaposant le regard du photographe et celui du muséographe (avec un
commentaire plus développé).
Il est seulement dommage, du point de vue de l’indexation, qu’un lien hypertexte ne figure
pas sur les fiches d’objets et que, inversement, la plupart des objets Ifugao inclus dans
« Portraits » ne soient pas répertoriés dans les fiches.
En guise d’épilogue
Je me remémore souvent une vive sensation, par un matin d’arrière-mousson, lors d’une
visite à Sukhothai.
Me demandant alors comment les Thaïs avaient pu voir le monde, au XIIIe siècle, depuis
leur capitale.
A Tabanan, entouré d’objets peu loquaces, je me suis aussi posé bien des questions, ainsi :
d’où vient le riz indonésien, comment la langue commune indonésienne, le Bahasa, a-t-elle
intégré cette multiplicité de mots arabes, comment les Indonésiens ont-ils transmis le riz au
péril des océans ?
34 Avant une refonte totale des espaces et des principes mêmes d’exposition (inaugurée en 2002),
l’Alimentarium de Vevey(Suisse) avait adopté dès son origine(1985) une démarche similaire - c’est-à-dire
illustrer l’alimentation humaine par cinq plantes emblématiques (riz,blé,mils,maïs et pomme de terre) – et
choisi le même procédé scénographique (habitat des cultivateurs Ifugaos). Désormais, le riz n’y a plus aucune
identité propre.
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