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ICOM International Council of Museums - Museo Estancia Jesuitica ...

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Gob: Musées en guerre<br />

et le musée se trouve être un des narrateurs. Acteur donc, le musée agit pendant les<br />

conflits, parfois à son corps défendant – il est alors un acteur forcé - mais souvent<br />

aussi volontairement, parfois avec complaisance. Et il agit après la guerre, le plus<br />

souvent pour camoufler ou pour justifier ses actions passées, ou pour « aider » à les<br />

faire oublier. L’amnésie, ou parfois la volonté de ne pas voir, est un trait commun des<br />

situations d’après-guerre, même lorsque l’action du musée pendant le conflit apparaît<br />

comme tout à fait honorable. Il semble qu’on veuille tourner la page, repartir de la<br />

situation d’avant-guerre, comme si tout n’avait été qu’un (mauvais) rêve. A vrai dire,<br />

cette attitude n’est pas propre au musée mais là, il subsiste souvent des traces<br />

tangibles, dans les collections par exemple, comme nous allons le voir.<br />

Le musée est un acteur de l’histoire telle qu’elle s’écrit et se montre. Le musée est une<br />

victime des conflits armés. Le musée révèle, dans la guerre, des traits affirmés qui se<br />

lisent moins clairement en temps de paix. C’est dans cette triple perspective que ma<br />

recherche s’est développée. Ici, je voudrais me limiter à mettre en évidence trois<br />

aspects importants de ces relations guerres – musées, dans lesquels on retrouve les<br />

traits esquissés ci-dessus :<br />

1° le musée est un collectionneur ;<br />

2° le musée national ou patriotique ;<br />

3° l’idéologie au musée.<br />

La collection d’abord<br />

Alors que l’on imagine volontiers les menaces qui pèsent sur le patrimoine du fait des<br />

conflits armés – les événements récents en Afghanistan ou en Irak sont là pour nous le<br />

rappeler - on ignore souvent que les temps de guerre sont propices à l’accroissement<br />

des collections. Les musées et leurs collections sont rarement la victime directe des<br />

combats ou des bombardements, grâce notamment à des mesures préventives<br />

d’évacuation ou de mise à l’abri 3 . Durant la Seconde Guerre mondiale, par exemple,<br />

les musées en Europe ont subi très peu de perte, à l’exception notable des musées de<br />

Berlin. Au contraire, les collections de beaucoup d’entre eux se sont accrues par des<br />

moyens divers, plus ou moins légaux, plus ou moins moraux.<br />

Acquisition par achat, d’abord. Le marché de l’art est très actif en temps de guerre.<br />

Depuis la Révolution française 4 , les dessaisissements, volontaires ou non, de biens<br />

culturels et avant tout d’œuvres d’art alimentent le marché en ces périodes troublées.<br />

Cet afflux de l’<strong>of</strong>fre fait baisser les prix tandis que l’art apparaît comme une valeur de<br />

refuge qui trouve des gens fortunés heureux d’y placer une partie de leur richesse.<br />

Laurence Bertrand Dorléac 5 a bien montré comment fonctionne le marché de l’art à<br />

Paris sous l’Occupation, tant dans les salles de vente que dans les galeries mais cela<br />

est vrai aussi hors de France, en Allemagne, en Italie, en Belgique et jusqu’aux Etats-<br />

Unis, dont le marché est alimenté via le Canada. Et les musées achètent, les musées<br />

allemands comme ceux des pays occupés et les musées américains. Ils achètent les<br />

objets mis volontairement sur le marché par leur propriétaires, mais ils acquièrent aussi<br />

3 Ce n’est pas vrai du patrimoine immobilier qui peut seulement être protégé sur place, vaille que vaille,<br />

et qui paie au prix fort sa présence sur les champs de bataille ou dans le collimateur des bombardiers :<br />

les villes allemandes en savent quelque chose depuis la Seconde Guerre mondiale.<br />

4 Dans ses discours sur le vandalisme, l’Abbé Grégoire dénonce déjà les pr<strong>of</strong>its que tirent les<br />

marchands de cette situation : « … la plupart des hommes choisis pour commissaires [à la vente des<br />

biens saisis] sont des marchands, des fripiers qui, étant par état plus capables d’apprécier les objets<br />

d’art présentés aux enchères, s’assurent des bénéfices exorbitants. » d’après Abbé Grégoire,<br />

Patrimoine et cité (textes choisis), Bordeaux, éd. Confluences, 1999, p. 19.<br />

5 Laurence Bertrand-Dorléac, L’art de la défaite, Paris, Le seuil, 1993 ; Laurence Bertrand-Dorléac, « Le<br />

marché de l’art à Paris sous l’occupation » dans Pillages et restitutions. Le destin des œuvres d’art<br />

sorties de France pendant la Seconde Guerre mondiale, Paris, DMF, 1997, p. 89-96.<br />

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