ICOM International Council of Museums - Museo Estancia Jesuitica ...

Gorgas: Muséologie et histoire. Les changements de paradigme
Vers les années 1940, le pouvoir hégémonique déclara des Monuments Historiques
Nationaux et transforma en Musées plusieurs maisons historiques, comme réponse à
l´augmentation progressive de l´immigration. Ces musées devaient être présentés
comme paradigmes de l´unité nationale, avoir un système de représentation des
valeurs de l´état et fonctionner comme porte paroles d´une certaine conscience
nationale. On a vu, alors, une façon d´illusionnisme politique à peu près dissimulé, et
par lequel les complexités culturelles ont été transformées en messages simplifiés de
l´identité culturelle, et concentrés exclusivement sur des objets très symboliques, aux
dépens de formes populaires d´expression culturelle.
On a donné de nouvelles significations aux espaces privés coloniaux et ils sont
devenus publics. On a installé des Musées d´Histoire, dont l´origine est lié à
l´affermissement de la nationalité, afin de faire légitime un passé nostalgique sans
ruptures, sans violences et où toutes les classes sociales se sentiraient identifiées.
Ces musées ont joué un rôle extrêmement important au moment de l´intégration des
immigrants et leurs descendants. Des objets sociaux pris comme action ou comme
discours, exprimaient des valeurs et des sens qui n´étaient pas partagés pour tous
dans la même époque, mais ils ont été utilisés comme l´essence de l´identité
historique. « …l´essence d´une nation porte sur le fait que tous les individus aient
beaucoup de choses en commun et aussi que tous aient oublié beaucoup de
choses »… 4
Le patrimoine jésuite, des lumières et des ombres
L´usage des collections jésuitiques dans les musées argentins présente un bon
exemple de l´appropriation symbolique d´objets ou groupes d´objets, dont la
signification les rend sensibles à de différentes manières de représentation.
Par rapport à cette affirmation, il faut savoir que les jésuites se sont établis dans
l´actuel territoire du Río de La Plata vers la fin du XVIº siècle. Dans quelques années,
ils organisèrent un réseau religieux, culturel et économique, la Province jésuitique du
Paraguay, qui comprenait de grandes étendues des actuels pays d´Argentine,
Uruguay, Brésil, et Paraguay, avec quelques territoires au Chili et en Bolivie.
Ils sont arrivés en missions et, chemin faisant, ils ont fondé des écoles et des
universités, ils ont développé des arts, des sciences, des lettres, des métiers, dans les
Réductions ou Missions et aussi dans les Estancias. Expulsés de toutes leurs
possessions espagnoles en 1767, ils ont laissé le témoignage de leur action dans les
multiples et variés objets artistiques, littéraires et technologiques, devenus, de nos
jours, la base des collections d´importants musées argentins. Les résidences jésuites
très souvent, sont devenues des musées.
Ce sujet est abordé par María Inés Rodríguez et Miguel Ruffo dans leur travail « État et
Patrimoine, la gestion de la collection jésuitique au Musée Historique National ». Ils y
font un particulier apport et ils nous y rappellent que, vers 1930, lorsque la crise et les
restrictions du modèle libéral ont abouti à un coup d´état, les collections des missions
jésuites sont entrées au Musée National, et placées dans la « Salle Coloniale », destinée
à rendre légitime l´héritage hispanique. Le musée d´Art Hispanique Américain Isaac
Fernández Blanco est organisé dans la même époque. Ses collections, exposantes du
style baroque « hispanoamericano », font valoir tout ce qui est « hispanique » et
catholique, parce que c´était la base où se construisait le sens national.
Cette intention de faire légitime le passé colonial au milieu de la valorisation de l´art
baroque, a lieu aussi dans d´autres musées de Buenos Aires et de la campagne. On y
remarque la déclaration où les Estancias Jésuitiques de Córdoba sont désignées
Monuments Historiques Nationaux et l´on organise le Musée Jésuitique de Jesús
María sous la direction du prêtre jésuite Oscar Dreidemie, qui réussit à réunir une belle
4 Jean- Louis DEOTTE, op. Cit pag 29.
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