07.12.2012 Views

ICOM International Council of Museums - Museo Estancia Jesuitica ...

ICOM International Council of Museums - Museo Estancia Jesuitica ...

ICOM International Council of Museums - Museo Estancia Jesuitica ...

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

258<br />

Musées en guerre<br />

André Gob 1 - Belgium<br />

Le provocative paper de Martin Schärer souligne que les temps de crise – et en<br />

particulier les guerres – sont des moments cruciaux pour les musées, moments trop<br />

souvent ignorés d’ailleurs. Je travaille depuis plusieurs années sur les rapports entre<br />

guerres et musées au cours des deux derniers siècles, recherche qui se concrétisera<br />

dans un livre à paraître en 2007. Dans la présente contribution, je voudrais présenter<br />

quelques points forts de la relation – complexe – entre guerres et musées.<br />

Musée, histoire, guerre<br />

Les rapports entre histoire et musée peuvent s’envisager selon deux points de vue :<br />

soit comment le musée parle – notamment par l’exposition – du passé historique (c’est<br />

le domaine des musées d’histoire au sens large), soit comment le musée est le résultat<br />

ou le jouet des événements historiques. Mon étude ne s’intéresse pas aux musées de<br />

la guerre, ceux qui la racontent, l’illustrent ou la dénoncent, mais adopte le second<br />

point de vue : comment le musée vit et s’inscrit dans les crises de l’histoire que<br />

constituent les conflits armés. Il ne s’agit pas non plus d’une étude historique sur le<br />

musée pendant les guerres mais bien d’une analyse muséologique : les rapports entre<br />

guerres et musées. Le point de vue est celui du muséologue, pas celui de l’historien.<br />

C’est pourquoi, dans cette étude comme dans le livre en préparation, j’ai délibérément<br />

évité de suivre un fil chronologique au pr<strong>of</strong>it d’une approche plus thématique. Pourquoi<br />

les guerres ? Parce que ces moments de crise exacerbent des faits, des<br />

comportements – et leurs conséquences – qui sont présents en tout temps.<br />

Simplement, ces situations se manifestent de façon plus dramatique, plus accentuée,<br />

en temps de guerre, ce qui les rend plus visibles et plus lisibles. En d’autres termes,<br />

les conflits armés grossissent, par un effet de loupe, des événements et des<br />

comportements qui passeraient inaperçus en temps normal. Certes, des situations<br />

exceptionnelles se présentent alors – on n’imagine pas une salle d’exposition et ses<br />

collections détruites par des bombes en temps de paix – mais les comportements du<br />

personnel des musées comme l’attitude de la société extérieure envers celui-ci se<br />

trouvent amplifiés, exacerbés mais pas fondamentalement modifiés. Je me propose<br />

donc d’observer et d’analyser le musée pendant ces situations de crise pour mieux<br />

comprendre son fonctionnement en général.<br />

S’agissant de la guerre, l’idée la plus commune, celle qui vient la première à l’esprit,<br />

c’est que le musée en est une victime, qu’il subit les effets directs et indirects des<br />

opérations militaires (bombardements, destructions, vols, pillages, détournements<br />

idéologiques). Cela correspond bien à l’idée de neutralité, de beauté, de pureté, qu’on<br />

lui associe volontiers, dans la perspective idéaliste qui a présidé à sa naissance. Le<br />

musée est au-dessus de la mêlée, dirait-on. Mais à y regarder d’un peu plus près, on<br />

constate qu’il est aussi un acteur dans le conflit. Ce n’est pas étonnant : le musée est<br />

dans l’histoire et il est un acteur privilégié de celle-ci parce qu’il est lui-même un lieu de<br />

mémoire, pour reprendre l’expression de Pierre Nora, qu’il est un « lieu de l’histoire » 2 .<br />

Comme le souligne Martin Schärer, celle-ci n’est pas constituée de « ce qui s’est<br />

passé » mais bien de la façon dont on raconte le passé, pour le dire très simplement,<br />

1<br />

André Gob, Belgique – Université de Liège.<br />

2<br />

Chantal Georgel, « L’histoire au musée » dans Christian Amalvi (éd.), Les lieux de l’histoire, Paris,<br />

Armand Colin, 2005, p. 118-125.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!