Didactique, philosophie, transparence et séduction - Depositum
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faire l'apologie de la recherche qualitative <strong>et</strong> de la recherche action. Il va montrer<br />
d'abord qu'il n'y a pas de science absolue généralisable (le credo obligé) pour<br />
ensuite donner un catéchisme du chercheur, véritable apologie de la<br />
<strong>transparence</strong> du savoir: ne pas juger, ne pas critiquer, ne pas imposer de modèle,<br />
rester agnostique, équidistant, voyager dans l'intériorité des gens sans les<br />
influencer. «Comparable à une éponge, écrit-iL l'analyste n'a pas d'opinion, pas<br />
d'idée» (p.299). Il y a dans ce discours un suprême mensonge: la neutralité du<br />
savoir. Comme si l'intervenant, parce qu'il s'est «déshabillé» devant le lecteur.<br />
échappait au parti-pris, comme si le savoir pouvait être transmis dans sa pur<strong>et</strong>é,<br />
comme si la reconnaissance de notre subjectivité nous avait dissous dans une<br />
méta-réalité d'où nous pourrions regarder sans teinture charnelle l'existence<br />
humaine que nous cherchons à Instruire. Nous tombons dans la chimère de refléter<br />
aux acteurs du site, une analyse neutre qui serait le miroir limpide de leur<br />
quotidienn<strong>et</strong>é, comme si l'information <strong>et</strong> le langage qui la présente étaient dénués<br />
de toute couleur affective, émotionnelle, exempts de pouvoir, à l'abri de toute<br />
antipathie <strong>et</strong> de toute séduction.<br />
Varela (1993), à qui l'on rattache le concept d'«autopoïèse» <strong>et</strong> des<br />
recherches en sciences cognitives, nous montre dans L'inscription corporelle de<br />
l'esprit que le cognitivisme tombe lui aussi dans ce même piège: la tentation de<br />
poser un point de vue qui échapperait à l'existence. Poser un point de vue de<br />
nulle part, c'est masquer ce quelque part d'où nous posons ce point de vue.<br />
Dans la mesure où nous ne nous impliquons pas dans la réflexion, nous<br />
menons seulement une réflexion partielle, <strong>et</strong> notre questionnement se<br />
désincarne; il vise à exprimer selon les mots du philosophe Thomas Nagel,<br />
un «point de vue de nulle part». Non sans ironie, c'est précisément c<strong>et</strong>te<br />
tentative d'atteindre un point de vue désincarné <strong>et</strong> dépouillé d'ancrage