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La Suisse et les transactions sur l'or pendant la Seconde Guerre ...

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Rapport intermédiaire <strong>sur</strong> l’or 117<br />

Chapitre 2<br />

neutralité <strong>et</strong> souligna <strong>les</strong> me<strong>sur</strong>es qu’elle avait prises dans ses échanges commerciaux <strong>et</strong><br />

financiers avec l’Allemagne. Les Alliés exigèrent pour leur part que <strong>la</strong> <strong>Suisse</strong> aille plus loin<br />

encore <strong>et</strong> qu’elle fasse état de son adhésion sans équivoque à <strong>la</strong> cause des Etats vainqueurs.<br />

Par l’«Accord Currie» du 8 mars 1945, <strong>la</strong> <strong>Suisse</strong> s’engagea à ne plus ach<strong>et</strong>er d’or à <strong>la</strong><br />

Reichsbank, excepté pour couvrir <strong>les</strong> dépenses des représentations du Reich en <strong>Suisse</strong>, pour<br />

<strong>les</strong> prisonniers de guerre <strong>et</strong> pour <strong>les</strong> contributions au Comité international de <strong>la</strong> Croix-Rouge.<br />

C<strong>et</strong>te renonciation à de nouveaux achats d’or fut «très douloureuse» pour <strong>la</strong> <strong>Suisse</strong> <strong>et</strong> ne serait<br />

«certainement pas [intervenue] sans <strong>la</strong> forte pression des Alliés», 249 car l’Allemagne «nous a<br />

encore versé des sommes très importantes ces derniers temps: intérêts, hypothèques,<br />

prestations d’as<strong>sur</strong>ances, frais annexes, argent des rapatriés, <strong>et</strong>c.». De plus, l’Allemagne avait<br />

déc<strong>la</strong>ré «vouloir nous verser certaines grosses sommes aujourd’hui même», à condition que <strong>la</strong><br />

<strong>Suisse</strong> accepte d’être payée en or. C’est précisément ce<strong>la</strong>, déc<strong>la</strong>rèrent <strong>les</strong> négociateurs alliés,<br />

qu’ils ne toléreraient «sous aucun prétexte», car ils ne pouvaient «pas perm<strong>et</strong>tre que<br />

l’Allemagne s’achète une auréole de bon payeur avec c<strong>et</strong> or volé». 250 Les Alliés se montrant<br />

intraitab<strong>les</strong> <strong>sur</strong> ce point, <strong>la</strong> <strong>Suisse</strong> fut finalement contrainte de céder:<br />

«Pour le Conseil fédéral, ce fut un coup très dur. Qu’on essaye de se représenter <strong>la</strong> situation:<br />

voilà un créancier suisse (émigré revenant en <strong>Suisse</strong>, as<strong>sur</strong>é, <strong>et</strong>c.). Le débiteur veut le payer, <strong>et</strong><br />

le Conseil fédéral doit l’en empêcher. Il s’agit de 10 à 15 millions environ par mois. Il est très<br />

difficile pour un gouvernement d’empêcher ses propres concitoyens d’accepter ce genre de<br />

paiements.» 251<br />

Le fait que de l’or pillé aurait pu servir à régler ces paiements ne fut pas mentionné.<br />

Les achats d’or à <strong>la</strong> Reichsbank constituaient l’obstacle majeur des négociations avec Currie.<br />

<strong>La</strong> délégation suisse répondit aux divers avertissements des Alliés <strong>sur</strong> <strong>la</strong> nature de l’or<br />

249 «Les autorités fédéra<strong>les</strong> <strong>et</strong> <strong>la</strong> Banque nationale ont été contraintes, sous <strong>la</strong> pression des événements, d’interdire <strong>les</strong><br />

importations d’or d’Allemagne.» Archives BNS B3/117.8 III, L<strong>et</strong>tre du 30.4.1946 de <strong>la</strong> BNS au Conseiller national<br />

Huber, p. 13 (citation originale en allemand). Cf. également AFB E 6100 (A) 25, volume 2328. Or, <strong>les</strong> commentaires<br />

de Stucki à <strong>la</strong> conférence de presse du 9.3.1945 tentèrent précisément d’éliminer c<strong>et</strong>te impression: «Ce qui est plus<br />

déterminant encore, c’est l’intérêt de <strong>la</strong> <strong>Suisse</strong> à ne pas vouloir être forcée dans le rôle de receleur aux yeux du monde.<br />

C’est un intérêt strictement suisse; il n’y a pas besoin, ici, de pression étrangère.» (Citation originale en allemand.) Si<br />

ces affirmations illustrent <strong>la</strong> duplicité de l’argumentation des acteurs politiques, <strong>la</strong> protestation de Stucki, selon<br />

<strong>la</strong>quelle le blocage des avoirs allemands n’était pas en contradiction avec <strong>la</strong> neutralité, soulevait une autre question<br />

importante: Si «le Conseil fédéral a, déjà en 1940, bloqué <strong>les</strong> avoirs de tous <strong>les</strong> Etats possib<strong>les</strong> en <strong>Suisse</strong>», c<strong>et</strong>te me<strong>sur</strong>e<br />

n’était-elle pas en contradiction avec <strong>la</strong> politique de neutralité qui voudrait que, selon le principe de l’égalité de<br />

traitement, <strong>les</strong> avoirs allemands dussent également être bloqués? (Citation originale en allemand.) Cf. <strong>les</strong> accords avec<br />

<strong>les</strong> délégations économiques alliées de 1945.<br />

Le commentaire de Puhl est révé<strong>la</strong>teur, mais il doit être considéré avec <strong>la</strong> prudence nécessaire. Il se montre déçu de <strong>la</strong><br />

tournure que prennent <strong>les</strong> négociations, «après que <strong>les</strong> instances suprêmes [suisses] ont décidé de pratiquer une<br />

politique de lèche-bottes […] à l’égard des Ang<strong>la</strong>is <strong>et</strong> des Américains. <strong>La</strong> peur inspirée par <strong>les</strong> Russes doit être le<br />

facteur déterminant essentiel pour c<strong>et</strong>te politique. Cherchant protection, ils se tournent vers <strong>les</strong> Anglo-Saxons. Il est<br />

également intéressant de constater que le public ne sait rien de ces nombreuses <strong>et</strong> pressantes requêtes que nos<br />

adversaires ont adressées à <strong>la</strong> <strong>Suisse</strong> <strong>sur</strong> le p<strong>la</strong>n politique <strong>et</strong> militaire.» AFB E 2801 1967/77, volume 9, L<strong>et</strong>tre du<br />

19.3.1945 de Puhl à Funk (citation originale en allemand).<br />

250 AFB E 2801 1967/77, volume 8, Compte-rendu de <strong>la</strong> séance du 7.3.1945 de <strong>la</strong> Commission des Affaires étrangères du<br />

Conseil national; DDS, volume 15, p. 984 (citation originale en allemand).<br />

251 Ibid. (citation originale en allemand). Le Comité de l’Association suisse des banquiers s’exprime dans le même sens<br />

(Nussbaumer). Archives ASB, Procès-verbal de <strong>la</strong> 87 e séance du Comité de l’ASB du 5.3.1945, p. 7. Le commentaire<br />

de Gautier (BNS) est également intéressant, qui déprécie <strong>la</strong> me<strong>sur</strong>e en constatant avec noncha<strong>la</strong>nce que, «au point de<br />

vue pratique, il faut constater que ces paiements auraient immanquablement cessé d’ici peu» (citation originale en<br />

français). Ibid. p. 11.

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