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Focales n°9 - AFD

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2.2.3. Des difficultés de mise en œuvre des régulations décuplées<br />

par l’instabilité tchadienne<br />

On retrouve au Tchad les difficultés qui, partout au Sahel, affectent la mise en œuvre d’une<br />

régulation environnementale, mais elles y sont amplifiées par certaines spécificités<br />

liées à l’histoire mouvementée du pays.<br />

Presque partout dans la zone soudano-sahélienne de l’Afrique, la régulation environnementale<br />

depuis le début du 20 e siècle souffre de l’affrontement entre deux référentiels,<br />

deux sources de légitimité : les règles coutumières et celles de l’État moderne.<br />

Les premières définissent les relations des populations avec les ressources (terres,<br />

eaux, végétation, faune) dont elles vivent ; elles reposent généralement sur l’accord<br />

initial passé par les premiers occupants avec les forces chtoniennes des lieux, qui leur<br />

confèrent des droits d’usage (jamais de propriété individuelle exclusive) et la possibilité<br />

d’octroyer des droits analogues à de nouveaux venus. Mais le déclassement<br />

des institutions politiques auxquelles ces règles étaient attachées, et la polarisation<br />

démographique vers les zones les mieux dotées en ressources affaiblissent leur mise<br />

en œuvre. Dans les espaces d’accueil de migrants peuvent ainsi coexister plusieurs<br />

référentiels coutumiers différents, rarement compatibles, invoqués par les différents<br />

groupes concurrents pour l’accès aux ressources. L’absence d’arbitrage accepté par<br />

tous laisse les rapports de force résoudre les conflits. Les règles de l’État moderne,<br />

colonial puis indépendant, s’opposent aux règles coutumières, auxquelles elles<br />

prétendent souvent se substituer [ 59 ] . Depuis l’origine, les mesures administratives<br />

de protection de l’environnement (réglementation de la chasse et de la coupe de la<br />

végétation, constitution d’aires protégées, etc.) sont perçues par les ruraux comme<br />

émanant d’un pouvoir étranger et lointain, et donc peu légitime.<br />

La difficulté d’application des règles modernes de gestion de l’environnement tient<br />

aussi aux moyens employés, qui ont contribué à les délégitimer aux yeux des ruraux.<br />

La coercition environnementale coloniale, prolongée par les jeunes États indépendants<br />

dans les années 1960-1970, tenait autant à l’héritage paramilitaire de l’administration<br />

française des Eaux et forêts qu’au manque de moyens humains disponibles pour<br />

assurer la surveillance, qui justifiait l’usage de la force. Dans les années 1980-1990, les<br />

plans d’ajustement structurels ont restreint la capacité de régulation des États. La<br />

86<br />

© <strong>AFD</strong> / Novembre 2012 / Une compagnie pétrolière chinoise face à l’enjeu environnemental au Tchad<br />

Deuxième partie<br />

[59] Elles s’y articulent parfois aussi, comme en matière foncière. Partout, la propriété éminente de la terre relève de<br />

l’État, à travers son domaine national, mais seuls les milieux urbains et certaines zones sont concernés par l’immatriculation<br />

et la propriété privée. Le reste du territoire national demeure soumis aux règles coutumières en<br />

matière d’accès et de gestion des terres.

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