Focales n°9 - AFD
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nourrit en outre les tensions intercommunautaires, les groupes se sentant protégés<br />
par leur proximité avec le pouvoir outrepassant les règles établies (coutumières ou<br />
modernes) pour accéder aux ressources foncières ou pastorales, en particulier dans le<br />
Sud (Magrin, 2001) et dans l’Est (Bégin-Favre, 2008). Enfin, les retards de la décentralisation<br />
au Tchad n’ont pas permis d’expérimenter – comme cela a été fait dans d’autres<br />
pays sahéliens – l’appui à la gestion décentralisée du territoire et de ses ressources.<br />
En définitive, des trois formes de régulation environnementale – la régulation par la<br />
commande (constitution d’aires protégées), par le contrôle (surveillance des villageois<br />
par les corps des Eaux et forêts) et par la communication (gestion participative et<br />
décentralisée des ressources naturelles) –, le Tchad a connu davantage les deux premières.<br />
La prégnance d’un héritage colonial de coercition, renforcée par les violences postcoloniales,<br />
l’explique en grande part. Ainsi, avant l’ère pétrolière, la complexification<br />
des enjeux dépassait déjà les capacités de régulation environnementale. La juxtaposition<br />
entre systèmes « modernes » et « coutumiers » de régulation environnementale<br />
laissait un vide dans lequel dégénéraient de nombreux problèmes non gérés. Pression<br />
sur les ressources, faiblesse de l’État et conflits armés aggravaient les difficultés.<br />
2.3. L’environnement dans la mise en œuvre<br />
du « projet modèle » (1996-2004)<br />
2.3.1. La mise en place du projet : attentes et jeux d’acteurs<br />
L’histoire pétrolière longtemps contrariée du Tchad et les acteurs impliqués expliquent<br />
la charge imaginaire et, donc, les attentes associées au projet de Doba. Ils constituent<br />
le fond du tableau de la régulation environnementale pétrolière des quinze dernières<br />
années.<br />
Au Tchad, l’exploration pétrolière commence dans les années 1950. Les premières<br />
découvertes importantes ont lieu en 1973 dans le bassin de Doba, sous l’égide de<br />
l’entreprise américaine CONOCO, mais les soubresauts successifs de la vie politique<br />
nationale vont en retarder l’exploitation. La chute du président Tombalbaye, en 1975,<br />
puis l’apogée de la guerre civile, entre 1979 et 1982, et enfin le renversement d’Hissein<br />
Habré par Idriss Déby, en 1990, empêchent les consortiums successifs, à dominante<br />
états-unienne, d’exploiter cette découverte (Maoundonodji, 2009 : 243-250).<br />
Aussi le pétrole et les rêves d’enrichissement qui y sont associés résonnent-ils d’une<br />
façon particulière dans l’imaginaire tchadien au moment où se précise le projet porté<br />
par la Banque mondiale. En effet, l’imaginaire du développement associé à cette institu-<br />
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© <strong>AFD</strong> / Novembre 2012 / Une compagnie pétrolière chinoise face à l’enjeu environnemental au Tchad<br />
Deuxième partie