Focales n°9 - AFD
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Deuxième partie<br />
corruption qui s’est alors propagée a compromis notamment l’efficacité des mesures<br />
mises en œuvre (Blundo et Olivier de Sardan, 2001).<br />
Enfin, dans la plupart des pays sahélo-soudaniens, la décentralisation transfère des<br />
compétences à des collectivités locales élues en matière de gestion des ressources<br />
naturelles. Cette réforme augmente ainsi le nombre d’acteurs concernés par la régulation<br />
environnementale. Celle-ci se trouve compliquée par l’incertitude qui entoure<br />
la répartition des rôles entre pouvoirs « traditionnels », élus locaux des différents<br />
niveaux de collectivités locales et services déconcentrées de l’État, que ce soit dans<br />
les textes ou dans leur application. Au Tchad, un tel processus de décentralisation est<br />
prévu par la Constitution de 1996, mais les troubles successifs qu’a connu le pays et<br />
des priorités politiques différentes du gouvernement ont retardé la mise en œuvre<br />
de cette dynamique.<br />
Ainsi, au Tchad comme ailleurs, la régulation environnementale se heurte à la superposition<br />
de règles relevant de légitimités différentes et à l’imbrication des interventions<br />
de ceux chargés de les faire respecter. La faiblesse de l’État ne lui permet guère de<br />
jouer le rôle d’arbitre légitime.<br />
Les États sont exposés par ailleurs à l’influence des politiques erratiques soutenues<br />
par les bailleurs de fonds internationaux. Dans le contexte de l’ajustement structurel<br />
et de la montée en puissance de l’intérêt international pour les questions environnementales,<br />
la mise en œuvre de la régulation environnementale au Tchad a ainsi été<br />
étroitement tributaire des programmes d’aide financés par des bailleurs extérieurs.<br />
L’Union européenne et la Banque mondiale ont été les principaux, soutenant dans<br />
les années 1980 un Programme régional gaz pour le premier, et la mise en place<br />
d’une stratégie nationale énergie domestique au cours des années 1990-2000 pour<br />
le second. Ces programmes se sont heurtés à de nombreuses difficultés, qui tiennent<br />
pour partie aux limites habituelles de l’aide (durée des projets, priorités changeantes,<br />
défaut d’harmonisation entre bailleurs, etc.), mais aussi aux particularités du contexte<br />
tchadien.<br />
Ces spécificités tchadiennes sont liées à l’histoire du pays, marquée par les conflits<br />
armés. Ces derniers constituent des moments où toutes les régulations se relâchent :<br />
les armes et les militaires circulent, les parcs nationaux constituent des pièges pour<br />
la faune sauvage (devenue une proie facile pour les braconniers), le déplacement massif<br />
de populations et l’afflux de refugiés s’accompagnent de pressions sur les ressources<br />
(notamment végétales), comme lors des récentes crises de l’Est tchadien et du Darfour<br />
(Bégin-Favre, 2008). Corruption, coercition voire violences perpétrées par les agents<br />
de l’État sur les populations rurales s’ancrent dans cette histoire conflictuelle. Celle-ci<br />
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© <strong>AFD</strong> / Novembre 2012 / Une compagnie pétrolière chinoise face à l’enjeu environnemental au Tchad