Des principes de l'économie politique et de l'impôt - Unilibrary
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David Ricardo (1817), <strong>Des</strong> <strong>principes</strong> <strong>de</strong> l’économie <strong>politique</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’impôt (trad. française, 1847) 109<br />
haussait pas <strong>de</strong> tout le montant <strong>de</strong> l’impôt, les profits du cultivateur <strong>de</strong>viendraient moindres<br />
que le taux général <strong>de</strong>s profits, <strong>et</strong> les capitaux iraient chercher un emploi plus avantageux 1 .<br />
Pour ce qui regar<strong>de</strong> donc l’impôt sur les produits agricoles, qui est l’obj<strong>et</strong> en question, il<br />
me parait qu’entre la hausse du prix <strong>de</strong> ces produits <strong>et</strong> celle <strong>de</strong>s salaires, il ne saurait y avoir<br />
un intervalle pendant lequel le travailleur se trouve en détresse ; <strong>et</strong> je pense par conséquent<br />
que la classe ouvrière ne souffrirait pas plus <strong>de</strong> c<strong>et</strong> impôt que <strong>de</strong> tout autre; la seule chose à<br />
craindre serait que l’impôt n’entamât les fonds <strong>de</strong>stinés à l’entr<strong>et</strong>ien <strong>de</strong>s ouvriers, ce qui<br />
pourrait suspendre ou diminuer la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> bras.<br />
Quant à la troisième objection contre les impôts sur les produits agricoles, objection<br />
fondée sur ce que la hausse <strong>de</strong>s salaires <strong>et</strong> la diminution <strong>de</strong>s profits s’opposent a l’accumulation<br />
du capital, comme le ferait un sol ingrat, j’ai déjà essayé <strong>de</strong> prouver, dans une autre<br />
partie <strong>de</strong> c<strong>et</strong> ouvrage, que les économies peuvent tout aussi bien se faire sur la dépense que<br />
sur la production, <strong>et</strong> par une baisse dans la valeur <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nrées aussi bien que par une hausse<br />
dans le taux <strong>de</strong>s profits. En élevant mes profits <strong>de</strong> 1,000 1. à 1,200 1., pendant que les prix<br />
restent les mêmes, j’ai le moyen d’augmenter mon capital par <strong>de</strong>s épargnes ; mais je l’augmenterais<br />
bien mieux si mes profits restant les mêmes que par le passé, le prix <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nrées<br />
baissait au point qu’il me suffît <strong>de</strong> 800 1. pour payer ce qui me coûtait auparavant 1,000.<br />
L‘impôt, sous quelque forme qu’il soit assis, n’offre le choix qu’entre plusieurs maux. S’il<br />
ne porte pas sur les profits, il frappe la dépense ; <strong>et</strong> pourvu que le poids en soit également<br />
réparti, <strong>et</strong> qu’il ne s’oppose point à la reproduction, il importe peu qu’il soit assis sur les<br />
profits ou sur la dépense. <strong>Des</strong> impôts sur la production ou sur les profits du capital, - qu’ils<br />
soient assis immédiatement sur les profits, ou bien qu’assis sur la terre ou sur ses produits, ils<br />
les affectent indirectement, - ont sur tout autre impôt c<strong>et</strong> avantage, qu’aucune classe <strong>de</strong> la<br />
société ne peut s’y soustraire, <strong>et</strong> que chacune y contribue selon ses facultés.<br />
Un avare peut se soustraire aux impôts sur les dépenses ; avec un revenu <strong>de</strong> 10,000 1. par<br />
an, il peut n’en dépenser que 300 1. ; mais il ne saurait échapper aux impôts directs ou indirects<br />
sur les profits ; il y contribuera en cédant une partie <strong>de</strong> ses produits ou une partie <strong>de</strong> leur<br />
valeur ; ou bien, par suite <strong>de</strong> l’augmentation du prix <strong>de</strong>s obj<strong>et</strong>s essentiellement nécessaires à<br />
1 Peut-être M. Ricardo ne tient-il pas assez <strong>de</strong> compte <strong>de</strong> la difficulté que les capitaux ont, dans beaucoup <strong>de</strong><br />
cas, pour changer d'emploi. Un très-grand nombre d‘entrepreneurs d’industrie (<strong>et</strong> par c<strong>et</strong>te expression<br />
j’entends ceux qui emploient soit dans I’agriculture, soit dans les manufactures, soit dans le commerce, <strong>de</strong>s<br />
capitaux qui appartiennent soit à eux-mêmes, soit aux autres) ; un grand nombre d‘entrepreneurs d‘industrie<br />
sont obligés <strong>de</strong> faire marcher leurs capitaux avec eux, c’est-à-dire <strong>de</strong> les laisser dans l’emploi où ils restent<br />
eux-mêmes. L’agriculture d’un canton a beau <strong>de</strong>venir moins avantageuse à ceux qui l’exercent que ne le<br />
serait toute autre profession, ils n’en restent pas moins agriculteurs, parce que telles sont leurs habitu<strong>de</strong>s, tels<br />
sont leur expérience <strong>et</strong> leurs talents. On en peut dire autant d‘un manufacturier. Or, si c<strong>et</strong> homme reste<br />
manufacturier ou cultivateur, il laisse dans son genre d’industrie les capitaux qui marchent nécessairement<br />
avec lui, c’est-à-dire ceux qui lui appartiennent, <strong>et</strong> même les capitaux d’emprunt. Relativement à ceux-ci, il<br />
en paie bien toujours l’intérêt, mais il n’y fait point <strong>de</strong> profit par <strong>de</strong>là les intérêts ; il peut même en tirer<br />
moins <strong>de</strong> profit qu’il n’en paie d‘intérêts, sans cependant interrompre durant <strong>de</strong> nombreuses années une<br />
entreprise qui, à capital égal, à mérite égal dans son entrepreneur, rapporte moins que beaucoup d’autres<br />
entreprises. - J.-B. SAY.