Des principes de l'économie politique et de l'impôt - Unilibrary
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David Ricardo (1817), <strong>Des</strong> <strong>principes</strong> <strong>de</strong> l’économie <strong>politique</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’impôt (trad. française, 1847) 84<br />
un accroissement dans le taux <strong>de</strong>s profits, <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te distribution est toujours meilleure lorsque<br />
chaque pays produit les choses qui s’accor<strong>de</strong>nt le mieux avec son climat, sa situation <strong>et</strong> ses<br />
autres avantages naturels ou artificiels, <strong>et</strong> lorsqu’il les échange pour les marchandises <strong>de</strong>s<br />
autres pays.<br />
Dans tout le cours <strong>de</strong> c<strong>et</strong> ouvrage, j’ai cherché à prouver que le taux <strong>de</strong>s profits ne peut<br />
jamais hausser qu’en raison d‘une baisse <strong>de</strong>s salaires 1 , <strong>et</strong> que c<strong>et</strong>te baisse ne peut être<br />
permanente qu’autant qu’il y aura une diminution dans le prix <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nrées que l’ouvrier<br />
achète avec ses gages. Si, par l’accroissement du commerce étranger, ou par <strong>de</strong>s perfectionnements<br />
dans les machines, on peut fournir aux travailleurs la nourriture <strong>et</strong> les autres obj<strong>et</strong>s<br />
<strong>de</strong> première nécessité il plus bas prix, les profits hausseront. Si, au lieu <strong>de</strong> récolter du blé<br />
chez nous, <strong>et</strong> <strong>de</strong> fabriquer nous-mêmes l’habillement <strong>et</strong> les obj<strong>et</strong>s nécessaires pour la<br />
consommation <strong>de</strong> l’ouvrier, nous découvrons un nouveau marché où nous puissions nous<br />
procurer ces obj<strong>et</strong>s à meilleur compte, les salaires <strong>de</strong>vront baisser <strong>et</strong> les profits s’accroître.<br />
Mais, si ces choses que l’on obtient à meilleur compte, soit par l‘extension du commerce<br />
étranger, soit par le perfectionnement <strong>de</strong>s machines, ne servent qu’à la consommation <strong>de</strong>s<br />
riches, le taux <strong>de</strong>s profits n'éprouvera pas <strong>de</strong> changement. Le taux <strong>de</strong>s salaires ne saurait<br />
changer, quoique le vin, les velours, les soieries ; <strong>et</strong> autres obj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> luxe, éprouvent une<br />
baisse <strong>de</strong> 50 pour cent ; <strong>et</strong> par conséquent les profits resteront les mêmes 2 .<br />
C’est pourquoi le commerce étranger, très-avantageux pour un pays, puisqu’il augmente le<br />
nombre <strong>et</strong> la variété <strong>de</strong>s obj<strong>et</strong>s auxquels on peut employer son revenu, <strong>et</strong> qu’en répandant<br />
avec abondance les <strong>de</strong>nrées à bon marché, il encourage les économies <strong>et</strong> favorise l’accumulation<br />
<strong>de</strong>s capitaux, ce commerce, dis-je, ne tend nullement a accroître les profits du capital, à<br />
moins que les articles importés ne soient <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong> ceux que l’ouvrier consomme.<br />
1 Loi fatale, <strong>et</strong> que j"ai réfutée au chapitre <strong>de</strong>s Salaires. A. F.<br />
2 C<strong>et</strong>te assertion, pour être catégorique, n’en est pas moins parfaitement insoutenable. - Si les prix baissent,<br />
c’est que les sommes <strong>de</strong>stinées à ach<strong>et</strong>er ces velours, ces soieries, ces superfluités dont parle Ricardo, ont<br />
diminué ou pris une autre direction. Supposez une année <strong>de</strong> dis<strong>et</strong>te où les populations, inquiètes sur leur<br />
existence, voient leurs épargnes se dissiper en achats <strong>de</strong> blé ; une année où les appels <strong>de</strong> la faim étouffent<br />
tous les autres désirs, toutes les autres jouissances : supposez encore un revirement dans le goût <strong>de</strong>s consommateurs,<br />
un <strong>de</strong> ces caprices soudains <strong>et</strong> inexplicables qui font préférer telle étoffe à telle autre, telle école <strong>de</strong><br />
coiffure ou <strong>de</strong> parure à telle autre école, <strong>et</strong> dans les <strong>de</strong>ux cas vous aboutissez à faire payer par l’industrie les<br />
frais <strong>de</strong> ces anomalies <strong>de</strong>s saisons ou <strong>de</strong>s esprits : - dans les <strong>de</strong>ux cas, c’est le travail qui comble le déficit<br />
créé par la famine, les crises financières ou les mobiles décr<strong>et</strong>s <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>. Or, dès que l’on voit diminuer la<br />
somme <strong>de</strong> travail à répartir entre les ouvriers, dès que s’affaiblit la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> bras, on peut en conclure<br />
hardiment que la valeur du travail, en d‘autres termes, les salaires doivent bientôt fléchir. En eff<strong>et</strong>, ce qui<br />
constitue la dotation <strong>de</strong> I‘industrie, ce sont les capitaux ; si ces capitaux diminuent par la baisse <strong>de</strong>s prix, il y<br />
a atteinte grave portée au budg<strong>et</strong> <strong>de</strong>s travailleurs, <strong>et</strong>, dès lors, la part <strong>de</strong> chacun doit s’affaiblir. Les profits <strong>de</strong><br />
l’entrepreneur s’amoindrissent, <strong>et</strong> avec eux l’épargne au moyen <strong>de</strong> laquelle se créent les fortunes, <strong>et</strong> avec<br />
I’épargne, enfin, ces fortunes mêmes qui sont la source d'où naissent les salaires. Dire que les profits<br />
peuvent diminuer sans qu’une diminution analogue atteigne ta rémunération <strong>de</strong> l’ouvrier, c’est donc dire que<br />
les sources d’un fleuve peuvent se tarir sans que le niveau du fleuve s’abaisse immédiatement ; c’est comm<strong>et</strong>tre<br />
une erreur que le souvenir <strong>de</strong>s désastres <strong>de</strong> Manchester, <strong>de</strong> Spitalfields, <strong>de</strong> Coventry <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’Amérique<br />
eût dû épargner à Ricardo. A. F.