Des principes de l'économie politique et de l'impôt - Unilibrary
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David Ricardo (1817), <strong>Des</strong> <strong>principes</strong> <strong>de</strong> l’économie <strong>politique</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’impôt (trad. française, 1847) 51<br />
quelques années, les métaux précieux ont éprouvé quelque déch<strong>et</strong> dans leur valeur, on ne doit<br />
l’attribuer qu'aux progrès qu’on a faits dans l’exploitation <strong>de</strong>s mines 1 .<br />
1 Si la quantité <strong>de</strong> travail industriel nécessaire pour se procurer les métaux précieux déterminait seule leur<br />
valeur, c<strong>et</strong>te valeur, au lieu <strong>de</strong> décroître comme elle a fait <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>us cents ans, se serait accrue ; car ces<br />
frais d’extraction ont été toujours plus considérables à mesure que les mines se sont approfondies. Mais<br />
tandis que les frais augmentaient, la masse <strong>de</strong> l’approvisionnement augmentait aussi, <strong>et</strong> même surpassait les<br />
progrès que la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> faisait <strong>de</strong> son côté. La cour d’Espagne dès lors était forcée d’abaisser les droits qui<br />
représentent une part <strong>de</strong>s profits fonciers ; <strong>et</strong> les propriétaires-exploitateurs voyaient diminuer l’autre part<br />
qui forme leur revenu.<br />
Il faut donc toujours en revenir à c<strong>et</strong> unique régulateur <strong>de</strong>s prix : la proportion entre 1’offre <strong>et</strong> la<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> ; ce qu’il faut chercher, c’est ce qui change les quantité offertes ou <strong>de</strong>mandées : parce que cela seul<br />
influe sur les prix. Les profits eux-mêmes, fût-ce ceux du fonds, sont soumis à c<strong>et</strong>te loi comme tout le reste,<br />
<strong>et</strong> varient selon les circonstances qui font varier la quantité offerte ou <strong>de</strong>mandée du service <strong>de</strong> ces mêmes<br />
fonds.<br />
Si l’abondance d'un profit ne suffisait pas pour abaisser sa valeur ; si la seule diminution du travail que<br />
nécessite sa production pouvait occasionner c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong>, l’argent vaudrait autant qu’avant la découverte <strong>de</strong><br />
l’Amérique ; on ne donnerait pas, comme on fait à présent, quatre onces d’argent environ pour avoir un<br />
s<strong>et</strong>ier <strong>de</strong> blé ; on ne donnerait qu’une once, comme au quinzième siècle, ou très-peu plus ; car il n’est pas<br />
probable que les seuls progrès dans l’art d’exploiter aient fait tirer quatre onces avec le même travail qui<br />
n’en procurait qu’une seule.<br />
Il me semble que je peux répéter ici ce que j’ai dit à l’occasion du profit ou fermage <strong>de</strong>s terres. Le<br />
propriétaire, comme tout propriétaire foncier, exerce une espèce <strong>de</strong> monopole qui lui perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> soutenir la<br />
valeur <strong>de</strong> son produit au <strong>de</strong>là <strong>de</strong>s frais <strong>de</strong> main-d‘œuvre <strong>et</strong> <strong>de</strong>s intérêts <strong>de</strong> capitaux nécessaires pour le<br />
terminer <strong>et</strong> le mener sur le marché. Ce prix-monopole baisse par la concurrence, mais ne saurait, je crois<br />
tomber à rien ; car si le propriétaire <strong>de</strong>s mines ne pouvait plus tirer aucun loyer <strong>de</strong> ses mines ; ou, ce qui est<br />
la même chose, s’il ne faisait plus, en exploitant, aucun profit par-<strong>de</strong>là la réintégration <strong>et</strong> l’intérêt <strong>de</strong> ses<br />
capitaux, il ne les affermerait, ni ne les exploiterait ; ce qui réduirait la quantité offerte <strong>de</strong> ce genre <strong>de</strong><br />
produit, <strong>et</strong> le ferait monter jusqu’à ce qu’il offrît <strong>de</strong> nouveau un profit purement foncier, <strong>et</strong> susceptible d’être<br />
affermé.<br />
Cependant il faut convenir, a l’appui <strong>de</strong> l’opinion <strong>de</strong> M. Ricardo, que les vastes capitaux engagés dans<br />
l‘exploitation <strong>de</strong>s mines sont un motif <strong>de</strong> les travailler même après qu’elles ne rapportent autre chose que<br />
l’intérêt <strong>de</strong> ces mêmes capitaux, même lorsqu’elles rapportent moins que l’intérêt <strong>de</strong> leurs capitaux ; car <strong>de</strong>s<br />
capitaux engagés à ce point, <strong>et</strong> qui ne peuvent se consacrer à aucun autre emploi sans perdre la majeure<br />
partie <strong>de</strong> leur valeur, contractent le désavantage du fonds : on continue à les faire travailler, quoiqu’ils<br />
rapportent moins que tout autre placement, afin <strong>de</strong> ne pas perdre même le peu qu’ils rapportent. Je les<br />
assimile complètement au fonds <strong>de</strong> terre ou à la mine, <strong>et</strong> je dis que du moment qu’ils ne rapportent plus rien,<br />
on les abandonne ; mais qu’aussi longtemps qu’ils rapportent quelque chose, il y a un profit foncier pour le<br />
propriétaire.<br />
Les métaux précieux servant à la fois pour fabriquer <strong>de</strong>s monnaies <strong>et</strong> pour fabriquer <strong>de</strong>s obj<strong>et</strong>s d‘utilité <strong>et</strong><br />
<strong>de</strong> luxe, doivent être plus recherchés à mesure que la civilisation s’étend <strong>et</strong> que les nations <strong>de</strong>viennent plus<br />
populeuses <strong>et</strong> plus riches, par la raison qu‘alors elles ont plus d‘échanges à opérer au moyen <strong>de</strong>s monnaies <strong>et</strong><br />
plus d’ustensiles d’or <strong>et</strong> d’argent à leur usage. Si, comme il est probable, la civilisation gagne l’Amérique<br />
tout entière ; si ce vaste continent se couvre d’États indépendants, agriculteurs, manufacturiers, commerçants,<br />
<strong>et</strong> par conséquent riches ; si l’Europe est <strong>de</strong>stinée en même temps, comme il est permis <strong>de</strong> le croire, à<br />
jouir, en raison du progrès <strong>de</strong>s lumières, d‘une plus gran<strong>de</strong> liberté d’industrie, il en résultera pour l’opulence<br />
générale du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s progrès tels, qu‘ils surpasseront <strong>de</strong> beaucoup les progrès faits durant les trois<br />
<strong>de</strong>rniers siècles, tout immenses qu’ils sont. Les métaux précieux <strong>de</strong>venant par c<strong>et</strong>te raison beaucoup plus<br />
<strong>de</strong>mandés, il se peut que les profits <strong>de</strong>s propriétaires <strong>de</strong>s mines, qui ont été en décroissant jusqu’à présent,<br />
recommencent à croître. Mais il se peut, d’un autre côté, que la quantité <strong>de</strong> métaux précieux qui sera j<strong>et</strong>ée<br />
dans la circulation, soit par la découverte <strong>de</strong> nouveaux filons, soit par <strong>de</strong> meilleurs procédés d’exploitation,<br />
<strong>de</strong>vienne si considérable, que l’accroissement <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te production marche d’un pas plus rapi<strong>de</strong> encore que<br />
l’accroissement <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, quelque rapi<strong>de</strong> qu’il soit. Alors les profits fonciers <strong>de</strong>s mines recommenceraient<br />
baisser.