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Des principes de l'économie politique et de l'impôt - Unilibrary

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David Ricardo (1817), <strong>Des</strong> <strong>principes</strong> <strong>de</strong> l’économie <strong>politique</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’impôt (trad. française, 1847) 62<br />

Dans la marche naturelle <strong>de</strong>s sociétés, les salaires tendront à baisser en tant qu’ils seront<br />

réglés par l’offre <strong>et</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ; car le nombre <strong>de</strong>s ouvriers continuera à s’accroître dans une<br />

progression un peu plus rapi<strong>de</strong> que celle <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Si, par exemple, les salaires étaient<br />

réglés sur un accroissement annuel <strong>de</strong> capital, représenté par 2 pour cent, ils tomberaient lorsque<br />

le capital n’augmenterait plus qu’à raison <strong>de</strong> l <strong>et</strong> <strong>de</strong>mi pour cent. Ils baisseraient encore<br />

davantage quand c<strong>et</strong> accroissement ne serait plus que <strong>de</strong> 1 ou <strong>de</strong> <strong>de</strong>mi pour cent ; <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te<br />

baisse continuerait jusqu’à ce que le capital <strong>de</strong>vînt stationnaire. Les salaires le <strong>de</strong>viendraient<br />

aussi, <strong>et</strong> ils ne seraient que suffisants pour maintenir la population existante. Je soutiens que,<br />

dans <strong>de</strong> pareilles circonstances, les salaires doivent baisser, par le seul eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> l’offre <strong>et</strong> la<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s bras ; mais il ne faut pas oublier que le prix <strong>de</strong>s salaires tient aussi a celui <strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong>nrées que l’ouvrier a besoin d'ach<strong>et</strong>er.<br />

A mesure que la population augmente, ces <strong>de</strong>nrées iront toujours en augmentant <strong>de</strong> prix, -<br />

plus <strong>de</strong> travail <strong>de</strong>venant nécessaire à leur production. Si les salaires, payés en argent à<br />

l’ouvrier, viennent à baisser pendant que toutes les <strong>de</strong>nrées à l’achat <strong>de</strong>squelles il dépensait le<br />

produit <strong>de</strong> son travail haussent <strong>de</strong> prix, il se trouvera doublement atteint, <strong>et</strong> il n’aura bientôt<br />

plus <strong>de</strong> quoi subsister. C’est pourquoi, au lieu <strong>de</strong> baisser, les salaires en argent hausseraient,<br />

au contraire, mais pas suffisamment pour perm<strong>et</strong>tre à l’ouvrier d’ach<strong>et</strong>er autant <strong>de</strong> choses<br />

nécessaires ou utiles qu’il pouvait le faire avant le renchérissement <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>nrées. Si ses<br />

salaires étaient annuellement <strong>de</strong> 24 liv. st., ou <strong>de</strong> six quarters <strong>de</strong> blé quand le blé valait 4<br />

livres le quarter, il ne recevrait probablement plus que la valeur <strong>de</strong> cinq quarters, lorsque le<br />

blé serait à 5 livres. Mais ces cinq quarters coûteraient 25 liv.; il recevrait donc <strong>de</strong>s gages<br />

plus forts en valeur, <strong>et</strong> cependant il ne pourrait plus ach<strong>et</strong>er une quantité <strong>de</strong> blé <strong>et</strong> d’autres<br />

<strong>de</strong>nrées égale à celle qu’il était dans l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> consommer auparavant, lui <strong>et</strong> sa famille 1 .<br />

1 Il est impossible <strong>de</strong> ne pas protester hautement contre <strong>de</strong>s conclusions presque fatidiques <strong>et</strong> qui emporteraient<br />

condamnation <strong>de</strong> tout notre système économique. Il a fallu même bien du calme a Ricardo pour<br />

n’avoir pas été saisi <strong>de</strong> vertige, n’avoir pas senti trembler sa main au spectacle du sort que l’avenir réserve,<br />

selon lui, aux travailleurs. A ses yeux, les classes ouvrières marchent fatalement vers un abîme que la<br />

civilisation couvre habilement <strong>de</strong> fleurs, mais au fond duquel est la mort : à nos yeux, au contraire, elles<br />

s’élèvent à <strong>de</strong>s <strong>de</strong>stinées meilleures <strong>et</strong> se font chaque jour une place plus large dans le pouvoir <strong>et</strong> le bien-être<br />

répartis aux sociétés. Ricardo, frappé <strong>de</strong> la somme <strong>de</strong> douleurs <strong>et</strong> <strong>de</strong> privations qui accable, au milieu <strong>de</strong>s<br />

splen<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> notre industrie, les mains généreuses <strong>et</strong> fortes qui exécutent l’œuvre <strong>de</strong> la production entière ;<br />

étonné <strong>de</strong> voir tant <strong>de</strong> haillons à côté <strong>de</strong> tant <strong>de</strong> luxe, <strong>et</strong> tant <strong>de</strong> crises à côté <strong>de</strong> tant <strong>de</strong> progrès, s’est pris à<br />

désespérer <strong>de</strong> l’avenir, <strong>et</strong>, suivant son habitu<strong>de</strong>, ce désespoir que tant d‘autres m<strong>et</strong>tent en élégies <strong>et</strong> en<br />

philippiques, il l’a mis en formules, ce qui est plus n<strong>et</strong>, mais tout aussi injuste, tout aussi réfutable. Et<br />

d’abord le résultat immédiat, nécessaire <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te croyance au malheur futur <strong>de</strong>s travailleurs, <strong>de</strong>vrait être <strong>de</strong><br />

suspendre tout à coup le mouvement social, <strong>de</strong> faire volte-face, <strong>et</strong> <strong>de</strong> reprendre en sous-œuvre toutes les<br />

théories, toutes les données que les siècles semblent avoir consacrée. Il n’est personne, en eff<strong>et</strong>, doué <strong>de</strong><br />

quelque prévision, mu par quelque générosité, qui ne frémisse <strong>de</strong>vant c<strong>et</strong> avertissement sombre, <strong>de</strong>rnier mot<br />

<strong>de</strong> la science <strong>de</strong> Ricardo : Chaque jour abaisse le salaire réel <strong>de</strong> l'ouvrier <strong>et</strong> grandit le prix <strong>de</strong>s subsistances<br />

: - ce qui équivaut à dire que chaque jour la société doit s’anéantir par un supplice incessant, que<br />

chaque jour doit r<strong>et</strong>rancher un battement au cœur du pauvre <strong>et</strong> exagérer pour lui le supplice <strong>de</strong> Tantale en<br />

éloignant <strong>de</strong> plus en plus les fruits <strong>et</strong> l’eau <strong>de</strong> ses lèvres avi<strong>de</strong>s. Le <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> tout penseur, <strong>de</strong> tout<br />

législateur, serait donc <strong>de</strong> faire prendre à la société d’autres routes <strong>et</strong> <strong>de</strong> ne pas perm<strong>et</strong>tre que la subsistance<br />

<strong>de</strong>s masses passât dans le corps <strong>de</strong>s riches, comme passaient la chaleur <strong>et</strong> la vie <strong>de</strong>s vierges dans les corps<br />

débiles <strong>et</strong> disloqués <strong>de</strong>s vieux rois <strong>de</strong> la Bible. Mais il n’en est rien, <strong>et</strong> le bilan <strong>de</strong> notre société suffirait, sans<br />

autres considérations, pour combattre le pessimisme <strong>de</strong> Ricardo. Ainsi le développement <strong>de</strong> l’industrie n’a-til<br />

pas mis à la portée <strong>de</strong> tous les obj<strong>et</strong>s qui constituaient il y a cent ans un luxe ruineux, impossible ? La

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