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Des principes de l'économie politique et de l'impôt - Unilibrary

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David Ricardo (1817), <strong>Des</strong> <strong>principes</strong> <strong>de</strong> l’économie <strong>politique</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’impôt (trad. française, 1847) 123<br />

Et d’ailleurs le système actuel <strong>de</strong>s impôts dans notre France régénérée <strong>et</strong> libérale ne réalise même pas le<br />

programme rétréci <strong>de</strong> nos adversaires. Ainsi le vin du pauvre acquitte à la barrière le même droit que le vin<br />

<strong>de</strong>s plus riches gourm<strong>et</strong>s ; la taxe sur les bestiaux étrangers pèse aussi lour<strong>de</strong>ment sur les faibles épaules <strong>de</strong><br />

l’ouvrier que sur les robustes ressources <strong>de</strong>s classes aisées ; <strong>et</strong> le sel, que Dieu a j<strong>et</strong>é, comme la manne, en<br />

masses inépuisables sur nos côtes <strong>et</strong> dans les entrailles <strong>de</strong> la terre, le sel qu’on arrache aux malheureux paludiers,<br />

nous rappelle encore les plus mauvais jours <strong>de</strong> la gabelle, du quint <strong>et</strong> du requint. <strong>Des</strong> taxes<br />

oppressives, que toute l’indignation <strong>de</strong>s cœurs honnêtes ne peut faire lever, privent l’indigent <strong>de</strong> c<strong>et</strong> aliment<br />

précieux <strong>et</strong> r<strong>et</strong>ar<strong>de</strong>nt les progrès <strong>de</strong> notre agriculture, tandis que le trésor prélève à peine quelques <strong>de</strong>niers<br />

sur les produits qui ornent les tables aristocratiques. Est-ce là <strong>de</strong> la justice, <strong>de</strong> l’égalité, nous le <strong>de</strong>mandons ?<br />

<strong>et</strong> est-il encore besoin <strong>de</strong> prouver les scandales <strong>de</strong> ce régime, après les pages énergiques écrites par Ricardo,<br />

Sismondi, Say, à ce suj<strong>et</strong> ; après les protestations ar<strong>de</strong>ntes <strong>de</strong> la tribune <strong>et</strong> les émouvantes improvisations <strong>de</strong><br />

MM Rossi, Blanqui <strong>et</strong> Chevalier, au Conservatoire <strong>et</strong> au Collège <strong>de</strong> France ? Vous aurez beau dire que les<br />

impôts indirects se recomman<strong>de</strong>nt par une admirable souplesse, se paient par parcelles minimes aux époques<br />

choisies par le consommateur, <strong>et</strong> grandissent ou diminuent avec ses ressources : ce sont là <strong>de</strong>s sophismes<br />

bons tout au plus à satisfaire les employés <strong>de</strong> l’octroi, les optimistes <strong>et</strong> les naïfs. Et d’abord, c’est une bien<br />

étrange souplesse que celle d’une institution qui s’aggrave chaque jour <strong>et</strong> ne s’allège jamais. Un ressort<br />

souple est celui qui se détend après avoir été tendu ; or, qui se rappelle avoir vu diminuer <strong>et</strong> surtout annuler<br />

<strong>de</strong>s impôts ? C<strong>et</strong>te souplesse est donc analogue à celle du knout, <strong>et</strong> nous la désavouerons en la bafouant, tant<br />

que nous verrons <strong>de</strong>s décimes <strong>de</strong> guerre se perpétuer en pleine paix. Quant à la facilité d’ajourner a volonté<br />

l’impôt individuel, nous dirons que là repose encore une erreur grave <strong>et</strong> dangereuse. Il est bien vrai sans<br />

doute que le sacrifice se fait par parcelles ; mais il n’est pas vrai que le consommateur puisse choisir l’époque<br />

a laquelle il <strong>de</strong>vra l’acquitter, ni que la taxe grandisse ou diminue avec ses ressources, c’est-à-dire avec<br />

la consommation effectuée. En eff<strong>et</strong>, la vie a <strong>de</strong>s exigences quotidiennes qu’il faut satisfaire quotidiennement,<br />

<strong>et</strong> s’il est possible d‘ajourner au len<strong>de</strong>main un plaisir, ou l’achat <strong>de</strong> quelque superfluité, il n’en est<br />

pas <strong>de</strong> même <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nrées <strong>de</strong> première nécessité. Celles-là il les faut avoir sous peine <strong>de</strong> mort, <strong>et</strong> pour les<br />

avoir il faut payer tribut à ce créancier inflexible qui ne fait crédit ni aux larmes ni à la faim, <strong>et</strong> qu’on appelle<br />

l’Octroi. Il faut donc rayer encore <strong>de</strong> la liste <strong>de</strong>s avantages attachés aux contributions indirectes, ces prétendus<br />

accommo<strong>de</strong>ments <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te prétendue souplesse. Reste donc maintenant le parallélisme qu’on dit<br />

exister entre la consommation elle-même, l’impôt qui la grève, <strong>et</strong> les ressources <strong>de</strong> la masse. Rien <strong>de</strong> plus<br />

réel, <strong>de</strong> plus séduisant au premier coup d‘œil, rien <strong>de</strong> plus faux en réalité. Voici comment :<br />

Étant donnée une taxe <strong>de</strong> 0,05 c. sur un litre <strong>de</strong> lait, celui qui achète <strong>de</strong>ux litres paiera 0,10 c., celui qui<br />

en achète quatre paiera 0,20 c., <strong>et</strong> ainsi <strong>de</strong> suite. Notre intelligence va jusqu’à comprendre cela ; mais c<strong>et</strong>te<br />

taxe en sera-t-elle pour cela plus équitable, plus régulière, plus proportionnelle, en un mot ? Nullement. Pour<br />

tous les individus jouissant <strong>de</strong> revenus fixes le sacrifice fait en faveur <strong>de</strong> la société sera sans doute le même<br />

chaque jour : ce n’est qu’à <strong>de</strong> larges intervalles, en eff<strong>et</strong>, que s’abaissent l’intérêt <strong>de</strong>s capitaux <strong>et</strong> la rente<br />

foncière. Mais quoi <strong>de</strong> plus mouvant, <strong>de</strong> plus capricieux que les salaires <strong>de</strong> l’ouvrier : aujourd’hui, sous<br />

l’influence d‘une industrie prospère, ils atteindront un niveau élevé <strong>et</strong>, le len<strong>de</strong>main, si <strong>de</strong>s crises<br />

financières, <strong>de</strong>s sécessions menacent la gran<strong>de</strong> ruche populaire, ils diminueront, ils s’anéantiront peut-être !<br />

Une taxe que l’ouvrier supportait aisément avec une rétribution <strong>de</strong> 3 ou 4 francs par jour, lui paraîtra<br />

écrasante alors que c<strong>et</strong>te rétribution ne sera plus que <strong>de</strong> 2 ou <strong>de</strong> l franc. Or, comme ces variations au<br />

tempérament industriel se représentent chaque jour, on voit à quoi se réduit ce rapport tant vanté entre les<br />

ressources du citoyen <strong>et</strong> le tribut qu’il paie à l'État. En réalité ce rapport qui existe pour certaines classes ne<br />

l’est pas pour d’autres : il est vrai aujourd’hui, <strong>et</strong> ne l’est plus le len<strong>de</strong>main.<br />

A quoi on a objecté qu’il faut à tout prix <strong>de</strong>s revenus à l’État, que l’égalité réelle <strong>et</strong> non fictive <strong>de</strong>mandée<br />

par nous est tout simplement une chimère, <strong>et</strong> qu’il est impossible, par exemple, <strong>de</strong> déboucher toutes les<br />

bouteilles <strong>de</strong> vin pour savoir si on a affaire à du Johannisberg, à du Porto ou a du Surène. II faut <strong>de</strong>s revenus<br />

à tout prix, sans doute, excepté au prix <strong>de</strong> l’injuste <strong>et</strong> <strong>de</strong>s privations <strong>de</strong> la classe laborieuse qui a besoin <strong>de</strong><br />

toutes ses forces pour sa ru<strong>de</strong> <strong>et</strong> incessante tâche, véritable rocher <strong>de</strong> Sisyphe, qui seulement ne r<strong>et</strong>ombe pas.<br />

Et quant à l’impossibilité d’asseoir nos contributions sur les données du bon sens, je la récuse d'abord <strong>et</strong><br />

rajoute que les nations ne doivent pas souffrir <strong>de</strong> l'impuissance <strong>de</strong>s législateurs, ne peuvent pas se contenter<br />

<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te fin <strong>de</strong> non-recevoir, <strong>et</strong> qu'elles ont droit d'attendre autre chose <strong>de</strong> ceux à qui elles rem<strong>et</strong>tent le soin<br />

<strong>de</strong> les gouverner. Comment ? il serait impossible <strong>de</strong> proportionner le droit sur le vin à la fortune <strong>de</strong> celui qui<br />

le consomme ! Mais que fait-on donc à la frontière pour distinguer n<strong>et</strong>tement entre les graisses <strong>de</strong> cheval,

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