Des principes de l'économie politique et de l'impôt - Unilibrary
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David Ricardo (1817), <strong>Des</strong> <strong>principes</strong> <strong>de</strong> l’économie <strong>politique</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’impôt (trad. française, 1847) 154<br />
M. Buchanan oublie que les fonds que le gouvernement lève par l‘impôt sont par lui<br />
employés à l’entr<strong>et</strong>ien <strong>de</strong> travailleurs, à la vérité improductifs, mais qui sont cependant <strong>de</strong>s<br />
travailleurs. Si, lorsque les salaires sont imposés, le prix du travail ne montait pas, il y aurait<br />
une gran<strong>de</strong> augmentation dans la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s bras ; car les capitalistes, qui n’auraient rien à<br />
payer sur c<strong>et</strong> impôt, auraient les mêmes fonds disponibles pour donner <strong>de</strong> l’emploi à <strong>de</strong>s<br />
ouvriers, tandis que le gouvernement aurait, dans le montant <strong>de</strong> l’impôt qu‘il aurait reçu, un<br />
surcroît <strong>de</strong> fonds pour le même emploi. Le gouvernement <strong>et</strong> la nation se trouveraient par là<br />
en concurrence, <strong>et</strong> la suite <strong>de</strong> leur rivalité serait la hausse du prix du travail. On n’emploierait<br />
que le même nombre d’ouvriers, mais on leur donnerait <strong>de</strong> plus forts salaires 1 .<br />
Que l’on m<strong>et</strong>te un impôt sur la fabrication ou les fabricateurs <strong>de</strong> chapeaux ; que ce soit une patente ou<br />
bien une estampille, ou bien un droit sur la matière première, ou le local, ou les ouvriers chapeliers, peu<br />
importe ; que ce droit s’élève à 2 fr., je suppose, pour chaque chapeau <strong>de</strong> 20 fr., qu’arrivera-t-il ? les chapeaux<br />
se paieront-ils 22 fr. ? Non ; il faudrait pour cela que la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> restât la même, ce qui n’est pas<br />
possible. Les chapeaux se paieront-ils 20 fr. comme auparavant ? probablement non ; il faudrait que les<br />
producteurs payassent en totalité l’impôt sur leurs gains ; or c<strong>et</strong>te circonstance, rendant c<strong>et</strong>te production<br />
moins avantageuse, diminuerait la quantité offerte <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> production <strong>de</strong>s chapeaux. Pour qu’elle se<br />
balance avec la nouvelle quantité qui sera <strong>de</strong>mandée, il faudra peut-être payer non pas 18 fr., mais 19 fr. la<br />
totalité <strong>de</strong>s services productifs propres a faire un chapeau ; <strong>et</strong> <strong>l'impôt</strong> <strong>de</strong> 2 fr. payé, il se trouvera que le<br />
consommateur aura payé 21 fr. un chapeau <strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong> ceux qu’il payait 20 fr., <strong>et</strong> que les producteurs<br />
auront vendu 19 fr. c<strong>et</strong>te même qualité dont ils obtenaient 20 fr. avant l’impôt que nous avons supposé<br />
s’élever à 2 fr.<br />
L’impôt aura porté en partie sur les producteurs, entrepreneurs <strong>et</strong> ouvriers, mais dans <strong>de</strong>s proportions fort<br />
diverses ; en raison <strong>de</strong> la diminution <strong>de</strong> leurs gains, <strong>et</strong> en partie sur les consommateurs, à cause <strong>de</strong> I’augmentation<br />
du prix, <strong>et</strong> la production <strong>de</strong> c<strong>et</strong> article, comme sa consommation, auront diminué. Avec quelques<br />
variations dépendantes <strong>de</strong> circonstances diverses, c’est à peu près là l’eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> toute espèce d’impôt ; <strong>et</strong> c<strong>et</strong><br />
eff<strong>et</strong>, résultat <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong>s choses <strong>et</strong> du raisonnement qui l’explique suffisamment, ébranle, je le dis avec<br />
chagrin, l’édifice que M. Ricardo, non-seulement dans ce chapitre, mais dans quelques autres, élève avec<br />
beaucoup d’habil<strong>et</strong>é sur <strong>de</strong>s <strong>principes</strong> trop absolus.<br />
M. Ricardo dira peut-être à l’appui <strong>de</strong> sa doctrine qu’il faut bien que la quantité <strong>de</strong> travail industriel, se<br />
proportionne au capital productif <strong>de</strong> la société; qu’ainsi il ne peut pas y avoir moins <strong>de</strong>. chapeaux produits<br />
après l’impôt qu’auparavant ; que la quantité offerte restant la même, le prix n’en peut pas monter, <strong>et</strong> que<br />
s’il y a 2 fr. d’impôt à payer, il faut que ce soit l’entrepreneur seul qui en supporte la perte.<br />
Je répondrai, en premier lieu, qu’un commerce grevé d’impôts exige, en proportion <strong>de</strong>s quantités<br />
produites, plus <strong>de</strong> capitaux ; en second lieu, qu’une partie <strong>de</strong>s capitaux sorte évi<strong>de</strong>mment d’un emploi qui<br />
<strong>de</strong>vient moins avantageux, sans que ce soit toujours pour se porter sur d‘autres productions également favorables<br />
au bien-être <strong>de</strong> la société, <strong>et</strong> qu’ils en sortent aussi pour être voués à la consommation improductive, à<br />
la <strong>de</strong>struction. Ne voyons-nous pas chaque année, au moyen <strong>de</strong>s emprunts publics, la plupart <strong>de</strong>s gouvernements<br />
<strong>de</strong> l’Europe détruire une partie considérable <strong>de</strong>s épargnes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s capitaux <strong>de</strong> leurs suj<strong>et</strong>s ? Ils<br />
ren<strong>de</strong>nt d‘une part la production désavantageuse par <strong>de</strong>s impôts exagérés, <strong>et</strong> d’autre part offrent complaisamment<br />
aux producteurs <strong>de</strong> dévorer à la suite d’un emprunt les capitaux qui, par leur faute, ren<strong>de</strong>nt trop<br />
peu entre les mains <strong>de</strong> l’industrie. Le vice nourrit le vice ; <strong>et</strong> s’il n’y avait pas maintenant en Europe, dans le<br />
mon<strong>de</strong> entier, un développement <strong>de</strong> connaissance <strong>et</strong> d‘activité industrielle supérieur à tous les exemples que.<br />
nous fournissent les temps historiques, un développement qui fait plus que balancer les maux qui résultent<br />
<strong>de</strong> la mal-administration, il ne tiendrait pas a la <strong>politique</strong> européenne que la civilisation du mon<strong>de</strong><br />
rétrogradât on ne sait où. - J.-B. SAY.<br />
1 N’y a-t-il point dans tout ce qui précè<strong>de</strong> une confusion entre le fonds <strong>de</strong>stiné à la consommation improductive<br />
; à la simple satisfaction <strong>de</strong>s besoins <strong>de</strong> l’homme, <strong>et</strong> le fonds <strong>de</strong>stiné à la reproduction, qu’on<br />
nomme le capital ?<br />
Lorsqu’on fait payer à un ouvrier un impôt qu’il ne peut se faire rembourser ni par son maître, ni par le<br />
consommateur du produit auquel il concourt lorsque le montant <strong>de</strong> c<strong>et</strong> impôt est donné à un courtisan, il est<br />
clair que le fonds <strong>de</strong> consommation du courtisan ou du percepteur est augmenté <strong>de</strong> tout ce qui est ôté au