La thèse en version intégrale - Fondation FARM
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détermine des simplifications successives du contexte local, arrivant par fois à la position<br />
extrême de vouloir trouver des solutions standards, supposées valides indép<strong>en</strong>damm<strong>en</strong>t du<br />
contexte. L’aspect technique est donc privilégié, et une « solution » est conçue pour répondre<br />
à un supposé « problème », le plus souv<strong>en</strong>t sans la participation des acteurs locaux. S’ils sont<br />
parfois écoutés dans l’étape de définition du « problème » – et <strong>en</strong>core seulem<strong>en</strong>t comme des<br />
simples informateurs –, les ag<strong>en</strong>ts ordinaires ne sont que très rarem<strong>en</strong>t appelés à participer<br />
de la conception de la « solution ». L’acteur extérieur joue le rôle de fournisseur d’une<br />
application des TIC, tandis que l’acteur local joue celui du consommateur.<br />
Or, les acteurs locaux ne suiv<strong>en</strong>t pas toujours ce type de raisonnem<strong>en</strong>t. Ils ont leur propre<br />
façon d’apprécier les aspects de leurs vies susceptibles d’être améliorés et, généralem<strong>en</strong>t,<br />
leur relation avec le temps ne correspond pas à celle dictée par les étapes d’un projet. Alain<br />
Kiyindou rappelle que « le temps ne revêt pas la même signification dans toutes les cultures,<br />
autrem<strong>en</strong>t dit, il n’y a pas un temps universel, mais des "temps" » (KIYINDOU 2009, p.137). A<br />
cet égard, Edward Hall (HALL 1984) a montré qu’il existait une multitude de temps et que<br />
chacun bougeait selon des rythmes différ<strong>en</strong>ts. Alain Kiyindou remarque que : « le temps<br />
bureaucratique gouvernem<strong>en</strong>tal est différ<strong>en</strong>t du temps des populations visées par les<br />
différ<strong>en</strong>ts projets de développem<strong>en</strong>t, qui lui-même diffère de celui des banquiers, des<br />
agronomes… Cette multiplicité complique les relations humaines, notamm<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre les<br />
cultures polychrones et celles monochrones. » (KIYINDOU 2009, p.137) Différemm<strong>en</strong>t des<br />
réalités dans les villages africains, « la culture occid<strong>en</strong>tale, culture du progrès, est réglée sur la<br />
consci<strong>en</strong>ce de la rareté du temps […]. Le temps est un bi<strong>en</strong> économique parce que rare. Plus le<br />
capital tourne vite, plus le taux de profit annuel est élevé, d’où la recherche effrénée<br />
d’accélération, qui imprègne toute l’histoire du capitalisme » (KIYINDOU 2009, p.137). Il est<br />
donc compréh<strong>en</strong>sible que les acteurs locaux ai<strong>en</strong>t du mal à accepter et à s’approprier la<br />
dynamique inhér<strong>en</strong>te à l’approche projet des questions de développem<strong>en</strong>t.<br />
En plus, dans le cas des zones rurales des pays <strong>en</strong> développem<strong>en</strong>t, les agriculteurs se<br />
montr<strong>en</strong>t fréquemm<strong>en</strong>t méfiants par rapport à des innovations technologiques, surtout<br />
quand elles sont proposées par des acteurs étrangers à la communauté locale, et cela<br />
indép<strong>en</strong>damm<strong>en</strong>t de l’efficacité technique des propositions. L’agriculteur n’est pas un simple<br />
consommateur, il n’adapte pas son comportem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> fonction de l’accès à la nouveauté mais<br />
tout d’abord par rapport au fonctionnem<strong>en</strong>t de son exploitation agricole. Qu’est ce que cette<br />
nouveauté pourrait lui apporter Quelles <strong>en</strong> sont les risques 71 <strong>La</strong> rétic<strong>en</strong>ce des agriculteurs<br />
à adopter des innovations ne doit pas être comprise exclusivem<strong>en</strong>t comme un attachem<strong>en</strong>t à<br />
la tradition, un refus d’adhérer à la modernité. Une des raisons de la méfiance des<br />
agriculteurs face à une innovation technique est tout simplem<strong>en</strong>t l’impossibilité év<strong>en</strong>tuelle de<br />
gérer les risques associés au changem<strong>en</strong>t sous-jac<strong>en</strong>te à l’innovation : dans des circonstances<br />
71 Dans un autre domaine que celui des TIC, le taux d’utilisation de sem<strong>en</strong>ces améliorées au Burkina Faso est de 11%<br />
(CommodAfrica 2010) ce qui est faible comparé aux efforts qui ont été faits dans ce secteur de la recherche. Ceci<br />
s’explique <strong>en</strong> partie par la méfiance que les agriculteurs ont dans ces sem<strong>en</strong>ces (qui ont un coût supplém<strong>en</strong>taire) mais<br />
aussi par le risque qui peut être lié à utilisation de ces sem<strong>en</strong>ces souv<strong>en</strong>t plus s<strong>en</strong>sibles aux aléas climatiques.<br />
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