La thèse en version intégrale - Fondation FARM
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téléphones portables et de l’Internet par des agriculteurs burkinabè, ma recherche ne pouvait<br />
pas se passer des travaux de la sociologie des usages, comme il a été conv<strong>en</strong>u d’appeler le dit<br />
domaine. Tout <strong>en</strong> gardant une distance épistémologique assez importante des sociologues<br />
des usages, je serai am<strong>en</strong>é à faire référ<strong>en</strong>ce à certaines de leurs conclusions. <strong>La</strong> notion de<br />
construction de l’usage des TIC à partir d’un complexe processus de médiation<br />
sociotechnique et l’intérêt soulevé par des descriptions fines pour appréh<strong>en</strong>der les rapports<br />
<strong>en</strong>tre les différ<strong>en</strong>ts acteurs et objets techniques de communication concernés par ce<br />
processus sont les deux aspects issus de la sociologie des usages qui ont le plus influ<strong>en</strong>cé ma<br />
recherche. Avec une certaine précaution qui sera clarifiée plus loin, aussi bi<strong>en</strong> la dim<strong>en</strong>sion<br />
symbolique des objets techniques – sur laquelle les sociologues des usages insist<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t<br />
– que les <strong>en</strong>jeux de pouvoir associés sont égalem<strong>en</strong>t pertin<strong>en</strong>ts pour mon travail.<br />
4.2.1 Le déterminisme technique écarté d’emblée<br />
Dans un article publié <strong>en</strong> 2000, Josiane Jouët retrace l’évolution du domaine des sociologies<br />
des usages <strong>en</strong> France. Elle indique que dès le départ, dans les années 1970, les chercheurs<br />
français privilégi<strong>en</strong>t l’étude des TIC – et non celle des médias de masse comme dans les pays<br />
anglo-saxons – selon une approche qui écartait le déterminisme technique. En France « les<br />
études s’inscriv<strong>en</strong>t d’emblée dans le rejet d’une perspective techniciste et mett<strong>en</strong>t au jour le<br />
rôle actif de l’usager dans le modelage des emplois de la technique. » (JOUET 2000, p.493)<br />
Michel de Certeau et son ouvrage L’inv<strong>en</strong>tion du quotidi<strong>en</strong> (DE CERTEAU 1980) ont eu une<br />
influ<strong>en</strong>ce certaine sur l’acc<strong>en</strong>t des recherches dans la sociologie des usages, introduisant une<br />
vision de l’usager bi<strong>en</strong> différ<strong>en</strong>te de celle qui prédominait jusqu’alors dans la sociologie des<br />
médias de masse. Cette dernière appréh<strong>en</strong>dait <strong>en</strong> général les usagers comme des acteurs<br />
passifs, simples récepteurs de messages prédéfinis. De Certeau a développé l’image d’un<br />
usager actif, rusé, créateur de tactiques astucieuses pour définir ses propres usages, des<br />
procédures de contournem<strong>en</strong>t des usages prescrits. Selon Jouët, « l’intérêt qu’il [de Certeau]<br />
porte "aux manières de faire", aux gestes a priori insignifiants et aux tactiques mises <strong>en</strong> œuvre<br />
par les usagers comme autant de formes de micro-résistances à l’imposition de normes, se<br />
retrouve dans l’observation des usages des TIC. » (JOUET 2000, p.495-496)<br />
Le premier modèle dégagé par la sociologie des usages <strong>en</strong> France décrit alors un usager<br />
rationnel et actif, inv<strong>en</strong>teur des pratiques ordinaires. Ce modèle se base sur le constat d’un<br />
décalage <strong>en</strong>tre les utilisations att<strong>en</strong>dues et les utilisations réelles (CHARON 1987 cité dans<br />
JOUET 2000, p.495). Selon Jouët, « la recherche réfute le schéma causal selon lequel les<br />
usages serai<strong>en</strong>t le simple produit de la diffusion et de l’adoption » (JOUET 2000, p.508) des<br />
TIC, ils ne serai<strong>en</strong>t donc pas déterminés par l’offre d’objets techniques de communication. Au<br />
contraire les usages s’insérerai<strong>en</strong>t « dans des rapports sociaux qui constitu<strong>en</strong>t la matrice de<br />
leur production. » (JOUET 2000, p.507). Les premières études sur les usages des TIC ont à tel<br />
point mis l’acc<strong>en</strong>t sur le caractère producteur du social qu’elles n’aurai<strong>en</strong>t pas toujours<br />
résisté au piège du déterminisme social (JOUET 2000, p.496).<br />
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