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La thèse en version intégrale - Fondation FARM

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cas de Léontine Sidibé, qui s’est vu attribuer un demi-hectare des terres de son mari pour<br />

planter du bissap de façon autonome. Elle est libre de définir quelle fin donner au rev<strong>en</strong>u de<br />

sa production, mais elle n’a pas beaucoup de temps pour travailler son propre champ. En<br />

effet, après les tâches ménagères, la priorité est le travail sur le champ de céréales de son<br />

mari. Dans la pratique, Léontine a pris l’habitude de partir travailler son champ de bissap très<br />

tôt le matin, et de rev<strong>en</strong>ir à temps pour préparer à manger pour la famille, avant de<br />

poursuivre les travaux dans le champ principal p<strong>en</strong>dant la journée 128 .<br />

Encore à propos de l’attribution de terres aux femmes, Assiatou Traoré, 42 ans, agricultrice à<br />

Konankoïra, m’a dit que cela dép<strong>en</strong>d à la fois de la « tête des hommes » et de la personnalité<br />

des femmes. Selon elle beaucoup d’hommes ont peur que, si leurs femmes comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t à<br />

être financièrem<strong>en</strong>t autonomes, elles n’iront plus les « considérer », ne les respecteront plus<br />

<strong>en</strong> tant que chefs de la famille. Assiatou a souligné que, dans quelques cas, cette crainte est,<br />

<strong>en</strong> effet, justifiée : il y a des femmes qui ne respect<strong>en</strong>t leurs maris qu’<strong>en</strong> fonction de leur<br />

dép<strong>en</strong>dance financière vis-à-vis d’eux. Elle a pourtant insisté que, dans la grande majorité des<br />

cas, quand la femme gagne de l’arg<strong>en</strong>t elle l’investit dans la famille : pour la nourriture, pour<br />

la scolarisation des <strong>en</strong>fants. D’ailleurs, Assiatou utilise la r<strong>en</strong>te de sa propre production<br />

d’arachide et de bissap pour pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> charge la scolarisation de sa fille, p<strong>en</strong>dant que son<br />

mari paie les études des deux garçons plus âgés.<br />

6.2.1.3 Solidarité, opportunisme, méfiance : un mélange de comportem<strong>en</strong>ts<br />

P<strong>en</strong>dant mon séjour au Burkina Faso, j’ai eu plusieurs occasions de constater les li<strong>en</strong>s de<br />

solidarité <strong>en</strong>tre les personnes d’une famille, d’une communauté, d’une ethnie, ou même dans<br />

l’abs<strong>en</strong>ce de li<strong>en</strong>s appar<strong>en</strong>ts <strong>en</strong>tre les personnes. Certains des agriculteurs que j’ai r<strong>en</strong>contrés<br />

à la Boucle du Mouhoun ont fait allusion directe à la solidarité. Selon Aruna Ili, la solidarité est<br />

la « plus grande richesse » des Africains. Elie Fofana, de son côté, est arrivé à la notion de<br />

solidarité par un raisonnem<strong>en</strong>t sur le sort des Africains. Selon lui, la vie <strong>en</strong> Afrique est « très<br />

difficile et <strong>en</strong> même temps très facile ». D’un côté, la vie des Africains serait « très difficile » <strong>en</strong><br />

raison de la pauvreté, qu’il associe à la colonisation, et du contact avec les étrangers, qui<br />

aurait incité les Africains à désirer plus que ce qu’ils ont chez eux 129 . De l’autre côté, la vie<br />

serait « très facile » <strong>en</strong> Afrique car tous les Africains peuv<strong>en</strong>t compter sur la grande solidarité<br />

qui les unit dans les mom<strong>en</strong>ts de difficulté – il regrette, néanmoins, que même cette<br />

solidarité soit <strong>en</strong> déclin. Selon Drissa Bonzi, cinquante ans, agriculteur à Kera, parlant des<br />

Africains : « nous sommes solidaires, s’il y a un problème, ça nous concerne tous ». En effet,<br />

plusieurs de mes interlocuteurs, <strong>en</strong> particulier Fidèle Toé et Seidou Seremé, m’ont parlé, par<br />

128 Selon Aruna Ili, agriculteur à Dédougou, cette double journée de travail est commune aussi parmi les jeunes<br />

agriculteurs qui, toujours <strong>en</strong>gagés dans le champ familial, s’<strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t à cultiver une petit parcelle de façon autonome.<br />

Dans ce cas, ils labour<strong>en</strong>t leurs petits champs normalem<strong>en</strong>t avant et après les heures de travail dans le champ principal<br />

de la famille, et aussi lors des jours de repos du champ familial.<br />

129 Selon Elie, avant, tout le monde était cont<strong>en</strong>t de produire « un peu de maïs », et ainsi de répondre à ses besoins<br />

alim<strong>en</strong>taires, et d’<strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir simplem<strong>en</strong>t les relations sociales, par des manifestations culturelles notamm<strong>en</strong>t.<br />

Maint<strong>en</strong>ant, cette volonté d’imiter les occid<strong>en</strong>taux créerait des expectatives nouvelles et des conflits par rapport aux<br />

règles traditionnelles de l’organisation sociale.<br />

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