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La thèse en version intégrale - Fondation FARM

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Lorsqu’un étranger 99 arrive dans la cour d’une famille qu’il connaît déjà, la discussion débute<br />

toujours par les salutations d’usage : le chef de la famille souhaite une « bonne arrivée » au<br />

visiteur et lui offre « l’eau de bi<strong>en</strong>v<strong>en</strong>ue », puis chacun demande des nouvelles de la famille<br />

de l’autre et <strong>en</strong>fin l’hôte demande au visiteur la raison de la visite. Ne s’agissant pas d’une<br />

occasion particulièrem<strong>en</strong>t grave – comme cela serait le cas pour l’annonce d’un décès par<br />

exemple –, le visiteur est supposé répondre immédiatem<strong>en</strong>t avec une formule destiné à<br />

rassurer l’hôte : « ce n’est pas du malheur ». C’est seulem<strong>en</strong>t après ces échanges<br />

préliminaires que le visiteur peut exposer le but de sa visite. Les personnes pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t place et<br />

la conversation continue selon le sujet à traiter. Le mom<strong>en</strong>t v<strong>en</strong>u, afin d’indiquer son souhait<br />

de partir, le visiteur est supposé « demander la route » à son interlocuteur. Il se peut que ce<br />

dernier continue la discussion comme si la sollicitation n’avait pas été faite. Cela oblige le<br />

visiteur à redemander la route un peu plus tard. Ce n’est qu’après avoir eu une réponse<br />

positive de la part de l’hôte que le visiteur peut effectivem<strong>en</strong>t partir.<br />

Ces diverses étapes, leur cad<strong>en</strong>ce et ordre, font partie du savoir-vivre des acteurs locaux et<br />

structur<strong>en</strong>t la dynamique communicationnelle locale. S’y adapter n’est pas seulem<strong>en</strong>t une<br />

question pratique pour favoriser la fluidité de la communication avec eux, mais aussi, et<br />

fondam<strong>en</strong>talem<strong>en</strong>t, une question de respect pour leur tradition. Néanmoins, une fois que je<br />

cherchais à établir une relation de proximité avec les agriculteurs, il était important<br />

d’id<strong>en</strong>tifier les aspects de ce cérémonial susceptibles de r<strong>en</strong>forcer la distance<br />

communicationnelle <strong>en</strong>tre eux et moi. Le défi pour moi était donc d’adapter mon<br />

comportem<strong>en</strong>t de façon à nuancer les dits aspects, à explorer des brèches du cérémonial sans<br />

pour autant donner l’impression de le mettre <strong>en</strong> question.<br />

Ainsi, par exemple, au mom<strong>en</strong>t de s’asseoir pour <strong>en</strong>tamer une conversation, il était important<br />

pour moi de ne pas me faire attribuer une place privilégiée par rapport à celle de mes<br />

interlocuteurs et, <strong>en</strong> même temps, il était important de ne pas contrarier abruptem<strong>en</strong>t la<br />

g<strong>en</strong>tillesse de mon hôte voulant me céder la meilleure place disponible. En effet, des détails<br />

comme la position relative des interlocuteurs p<strong>en</strong>dant la conversation ou le support sur<br />

lequel chacun est assis peuv<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>forcer la distance communicationnelle <strong>en</strong>tre eux. Afin<br />

d’éviter qu’une place assise privilégiée me soit attribuée j’essayais de repérer rapidem<strong>en</strong>t,<br />

dans les instants qui précédai<strong>en</strong>t le début de la conversation, comm<strong>en</strong>t la scène était<br />

organisée avant mon arrivée : la distribution des places et les supports disponibles pour<br />

s’asseoir. Ainsi, je pouvais naturellem<strong>en</strong>t me positionner proche à une place qui me semblais<br />

conv<strong>en</strong>able, c’est-à-dire, une place simple, comme les autres disponibles dans le lieu, ni la<br />

plus prestigieuse ni une qui, par son extrême simplicité, pourrait dévoiler le soin de mon<br />

choix. Le mom<strong>en</strong>t v<strong>en</strong>u, sans att<strong>en</strong>dre qu’une place particulière me soit attribuée, je<br />

m’asseyais là où j’avais choisi, sans précipitation ni hésitation. Si, par la suite, une autre place<br />

m’était proposée, j’ai refusais g<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t et simplem<strong>en</strong>t : « Je suis bi<strong>en</strong> ici, ce n’est pas<br />

nécessaire ». Il me semble qu’un geste naturellem<strong>en</strong>t assertif au mom<strong>en</strong>t de s’asseoir et<br />

l’initiative de poursuivre sans délai la conversation – <strong>en</strong>core une fois sans précipitation ni<br />

99 Le terme « étranger » est utilisé ici dans acception courante au Burkina Faso, c’est-à-dire, pour faire référ<strong>en</strong>ce à tous<br />

ceux qui ne sont pas membre d’un village ou d’une ethnie donnés.<br />

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