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La thèse en version intégrale - Fondation FARM

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cette construction de l’individu à partir de l’extérieur signifie priver l’individu de son ess<strong>en</strong>ce,<br />

nier l’importance de l’int<strong>en</strong>tionnalité à l’origine de l’action. On t<strong>en</strong>drait ainsi à perdre la trace<br />

de quelques caractéristiques propres à l’humain, comme la motivation à la découverte de soimême<br />

et fondam<strong>en</strong>talem<strong>en</strong>t au « vivre <strong>en</strong>semble ». <strong>La</strong> considération de ces caractéristiques<br />

me fait relativiser la prét<strong>en</strong>due indissociabilité <strong>en</strong>tre acteurs humains et non-humains<br />

proposée par <strong>La</strong>tour.<br />

Encore une fois, il ne s’agit pas de plaider contre la nécessité de redéfinir la notion d’acteur.<br />

Dans la majorité des cas, le poids des habitudes et des conditionnem<strong>en</strong>ts est déterminant<br />

pour la concrétisation de l’action. Dans de tels cas, l’int<strong>en</strong>tionnalité n’a pas beaucoup de<br />

place à jouer car la totalité des compét<strong>en</strong>ces mis <strong>en</strong> œuvre par l’acteur humain peuv<strong>en</strong>t être<br />

attribuées à des habitudes auxquelles il aurait souscrit auparavant. L’incertitude inhér<strong>en</strong>te à<br />

l’origine de l’action, les différ<strong>en</strong>ces non-négligeables introduites dans l’action par les acteurs<br />

non-humains, et aussi le fait que l’imm<strong>en</strong>se majorité des actions humaines sont déterminées<br />

par des conditionnem<strong>en</strong>ts, tous exig<strong>en</strong>t une refondation du concept d’acteur. Néanmoins,<br />

des actions pleinem<strong>en</strong>t consci<strong>en</strong>tes, celles liées à des instants d’épanouissem<strong>en</strong>t de la<br />

créativité ou des actes motivés par des s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts désintéressés – même s’ils ne<br />

représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t peut-être qu’une minorité des circonstances – ne peuv<strong>en</strong>t pas être repérés dans<br />

la participation des acteurs non-humains à l’action. D’une part une différ<strong>en</strong>ce fondam<strong>en</strong>tale<br />

persiste <strong>en</strong>tre acteurs humains et non-humains, d’autre part les humains ne peuv<strong>en</strong>t pas être<br />

réduits à un <strong>en</strong>semble de conditionnem<strong>en</strong>ts. Convaincu que l’int<strong>en</strong>tionnalité des acteurs<br />

humains a un rôle important à jouer dans la configuration de l’action – <strong>en</strong> particulier des<br />

actions purem<strong>en</strong>t créatives et désintéressées – j’ai été am<strong>en</strong>é à considérer une dernière<br />

source théorique : la sociologie des régimes d’action de Luc Boltanski et <strong>La</strong>ur<strong>en</strong>t Thév<strong>en</strong>ot.<br />

A partir de la fin des années 1980, ces deux chercheurs ont comm<strong>en</strong>cé à structurer un<br />

nouveau paradigme pragmatique <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces sociales, concernant notamm<strong>en</strong>t les rapports<br />

action-réflexivité, ce qui les a éloignés de plus <strong>en</strong> plus de l’approche bourdieusi<strong>en</strong>ne. Le<br />

« s<strong>en</strong>s pratique » de Bourdieu a le mérite de r<strong>en</strong>dre évid<strong>en</strong>te l’importance de pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong><br />

compte la perspective des acteurs <strong>en</strong> situation dans l’exploration de la construction de la<br />

réalité sociale. Néanmoins, la façon par laquelle Bourdieu propose le concept pousse à<br />

l’extrême la dichotomie <strong>en</strong>tre réflexion et action, négligeant la possibilité de rétroalim<strong>en</strong>tation<br />

<strong>en</strong>tre les deux. Comme l’indique Corcuff, l’opposition radicale proposée par<br />

Bourdieu <strong>en</strong>tre rapport intellectuel et rapport pratique à la pratique laisse <strong>en</strong> susp<strong>en</strong>s la place<br />

de la réflexivité dans l’action : « Si la réflexivité n’apparaît pas comme un point de passage<br />

obligé de toute action, elle n’est pas toujours exclue des conduites pratiques, même si dans ce<br />

cas elle est souv<strong>en</strong>t prise sous le feu de contraintes pragmatiques. » (CORCUFF 2007, p.42)<br />

Au contraire, la « sociologie des régimes d’action » (BOLTANSKI 1990) ou la « sociologie des<br />

régimes d’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t » (THEVENOT 2006) non seulem<strong>en</strong>t laisse une marge de réflexivité<br />

dans l’action, mais <strong>en</strong>core considère <strong>en</strong> plus que cette part de consci<strong>en</strong>ce et de réflexivité<br />

n’est pas la même selon le type de situation, autrem<strong>en</strong>t dit, selon le « régime d’action ». <strong>La</strong><br />

sociologie pragmatique de Boltanski et Thév<strong>en</strong>ot a ouvert un vaste champ d’exploration car,<br />

contrairem<strong>en</strong>t à d’autres courants sociologiques plus classiques « qui dispos<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t d’un<br />

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