La thèse en version intégrale - Fondation FARM
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évid<strong>en</strong>ce et qu’il voulait probablem<strong>en</strong>t faire bonne impression, de l’autre côté, il est difficile<br />
de nier la relation de ce changem<strong>en</strong>t avec le fait que je pr<strong>en</strong>ais des notes. Voulant m’assurer<br />
que mes interlocuteurs soi<strong>en</strong>t à l’aise p<strong>en</strong>dant les conversations, j’avais donc intérêt à ne pas<br />
pr<strong>en</strong>dre des notes <strong>en</strong> direct.<br />
Le fait d’être libéré de la tâche de pr<strong>en</strong>dre des notes p<strong>en</strong>dant la conversation, me permettait<br />
<strong>en</strong> plus de rester <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t att<strong>en</strong>tif au raisonnem<strong>en</strong>t et aux réactions de mon<br />
interlocuteur, y compris les réactions non verbales. Cela <strong>en</strong>richissait le cadre d’observation<br />
me permettant de capter des nuances de la communication qui, autrem<strong>en</strong>t, pouvai<strong>en</strong>t avoir<br />
été négligées. Il est vrai que cette tactique a pour contrepartie la nécessité de pr<strong>en</strong>dre des<br />
notes peu de temps après les <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s 101 , afin d’éviter la perte d’informations par oubli. <strong>La</strong><br />
solution que j’ai trouvée pour cette question a été de m’arrêter <strong>en</strong> pleine route, au retour à la<br />
maison <strong>en</strong> fin de journée, pour résumer les principaux points de l’échange et ainsi éviter de<br />
me laisser distraire par d’autres événem<strong>en</strong>ts quotidi<strong>en</strong>s à l’arrivée à la maison.<br />
Cette disposition de ne pas pr<strong>en</strong>dre de notes ni d’<strong>en</strong>registrer les échanges avec les<br />
agriculteurs instituait un rapport dialectique <strong>en</strong>tre mon approche de recherche et mes<br />
principales sources d’inspiration théorique, à savoir l’ethnométhodologie et la sociologie des<br />
associations. D’un côté, le fait de rester <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t att<strong>en</strong>tif à la conversation facilitait à la<br />
fois l’observation des détails, chers à l’ethnométhodologie, et le traçage des associations<br />
<strong>en</strong>tre acteurs, propre à la sociologie des associations. De plus, <strong>en</strong> cohér<strong>en</strong>ce avec les<br />
principes de ces deux courants théoriques, le cadre d’échange <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dré par ce choix me<br />
semble favorable à une posture plus ouverte de la part du chercheur, laissant plus de place<br />
pour que la situation réelle se déploie spontaném<strong>en</strong>t. Ainsi, j’évitais une influ<strong>en</strong>ce trop forte<br />
du programme prédéfini de la recherche, forcem<strong>en</strong>t dép<strong>en</strong>dant d’expectatives étrangères à<br />
la réalité locale. De l’autre côté, néanmoins, une des méthodes phares de<br />
l’ethnométhodologie consiste précisém<strong>en</strong>t dans l’<strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>t, souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> vidéo, de<br />
l’action étudiée. Les ethnométhodologues procèd<strong>en</strong>t ainsi pour pouvoir visionner maintes<br />
fois l’<strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>t et essayer de mieux capter les détails qui n’aurai<strong>en</strong>t pas été perçus <strong>en</strong><br />
direct. Du côté pratique, le choix de ne pas <strong>en</strong>registrer les échanges avec les agriculteurs<br />
m’éloigne donc de l’approche ethnométhodologique.<br />
Enfin, j’aimerais aborder une dernière question sur l’établissem<strong>en</strong>t des bases d’une relation<br />
de confiance avec les agriculteurs : la nécessité de prés<strong>en</strong>ter soigneusem<strong>en</strong>t la recherche à<br />
mes interlocuteurs. Il était important d’être transpar<strong>en</strong>t dès le début de la relation,<br />
d’informer les agriculteurs sur mes objectifs et méthodes afin de ne pas soulever des<br />
méfiances par rapport à mon travail. Néanmoins, il fallait aussi faire att<strong>en</strong>tion pour prés<strong>en</strong>ter<br />
la recherche de façon succincte et claire, mettant l’acc<strong>en</strong>t sur les aspects susceptibles de les<br />
intéresser – comme les questions pratiques liées à l’amélioration des système de production<br />
et de commercialisation des produits agricoles. Cette brève prés<strong>en</strong>tation avait lieu<br />
normalem<strong>en</strong>t dans la deuxième r<strong>en</strong>contre avec un agriculteur donné, avant que l’on<br />
comm<strong>en</strong>ce à aborder les questions c<strong>en</strong>trales pour la recherche. Malgré ma conviction sur<br />
101 « Report writing without delay », cité par Robert Chambers (CHAMBERS 1994b, p.960).<br />
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