La thèse en version intégrale - Fondation FARM
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4.1.1 Technologie, sci<strong>en</strong>ce des techniques, « sci<strong>en</strong>ce humaine » (HAUDRICOURT 1964)<br />
De nos jours <strong>en</strong> langage courant, la technologie est associée à des objets techniques divers,<br />
souv<strong>en</strong>t de développem<strong>en</strong>t réc<strong>en</strong>t. Ainsi, on dirait facilem<strong>en</strong>t que le dernier modèle de<br />
téléphone portable est un vrai « bijou technologique », alors qu’il nous semblerait artificiel<br />
d’attribuer un tel adjectif à une paire de ciseaux, même si la technicité de cet objet reste<br />
incontestable. L’étymologie du terme signale néanmoins un domaine de recherche, une<br />
sci<strong>en</strong>ce : la technologie serait l’étude de la technique.<br />
Selon André-Georges Haudricourt, c’est à Marcel Mauss que l’on doit la distinction, au sein<br />
des sci<strong>en</strong>ces ethnologiques, d’une discipline nommée « technologie », qui serait « l’étude de<br />
l’activité matérielle des populations, c’est-à-dire leur façon de chasser, de pêcher, de cultiver,<br />
de s’habiller, de se loger, de se nourrir. » (HAUDRICOURT 1973 cité dans HAUDRICOURT 1987,<br />
p.307) Ainsi est né, au sein de cette sci<strong>en</strong>ce humaine qu’est l’ethnologie, un champ<br />
spécifique, la technologie, que l’on pourrait aussi appeler ethnologie des techniques,<br />
nom<strong>en</strong>clature à mon avis plus appropriée pour éviter la confusion avec l’acception courante<br />
du terme originairem<strong>en</strong>t suggéré par Mauss.<br />
Haudricourt considère que la technique est spécifique à l’être humain : « <strong>La</strong> façon dont un<br />
petit pois monte sur une rame <strong>en</strong> s’accrochant de ses vrilles, ou dont un oiseau fait son nid,<br />
doit-elle être qualifiée de technique Non (…). Les mouvem<strong>en</strong>ts de la plante sont <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t<br />
conditionnés à l’origine par la structure biochimique de sa graine, et par le milieu physicochimique<br />
ambiant. <strong>La</strong> chose est moins évid<strong>en</strong>te pour l’oiseau, mais ce qui est sûr, c’est qu’il<br />
n’a pu voir ses par<strong>en</strong>ts construire leur nid, puisqu’il n’était pas sorti de l’œuf. ». Et cette<br />
spécificité serait r<strong>en</strong>due possible grâce au « milieu social » dans lequel l’homme grandit :<br />
« Pour l’homme, au contraire, ni sa composition biochimique, ni un milieu physico-chimique<br />
favorable ne sont suffisants pour lui faire acquérir technique et langage, il faut un milieu<br />
social. C’est le contact avec les autres, après la naissance, qui permet cette acquisition. »<br />
(HAUDRICOURT 1965 cité dans HAUDRICOURT 1987, p.329)<br />
Si la technique est un produit humain, et la technologie est la sci<strong>en</strong>ce qui l’étudie, alors le<br />
point de vue le plus pertin<strong>en</strong>t pour cette étude serait bi<strong>en</strong> celui de l’être humain. Dans<br />
l’article « <strong>La</strong> technologie, sci<strong>en</strong>ce humaine », paru <strong>en</strong> 1964, Haudricourt argum<strong>en</strong>te de façon<br />
simple et imagée la <strong>thèse</strong> que porte son titre :<br />
« En première approximation, une sci<strong>en</strong>ce est définie par son objet, c’est-à-dire les objets ou<br />
êtres qu’elle étudie : ainsi les êtres vivants sont l’objet de la biologie, les lignes et les surfaces<br />
de la géométrie, etc. En réalité on s’aperçoit vite que ce qui caractérise une sci<strong>en</strong>ce c’est le<br />
point de vue, et non l’objet. Par exemple, voici une table. Elle peut être étudiée du point de vue<br />
mathématique, elle a une surface, un volume ; du point de vue physique, on peut étudier son<br />
poids, sa d<strong>en</strong>sité, sa résistance à la pression ; du point de vue chimique, ses possibilités de<br />
combustion par le feu ou de dissolution par les acides ; du point de vue biologique, l’âge et<br />
l’espèce d’arbre qui a fourni le bois ; <strong>en</strong>fin du point de vue des sci<strong>en</strong>ces humaines, l’origine et<br />
la fonction de la table pour les hommes. Si l’on peut étudier le même objet de différ<strong>en</strong>ts points<br />
de vue, il est par contre sûr qu’il y a un point de vue plus ess<strong>en</strong>tiel que les autres, celui qui peut<br />
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