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La thèse en version intégrale - Fondation FARM

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<strong>La</strong> manière de parler du portable me semble <strong>en</strong> soi une autre bonne indication sur l’image<br />

que l’on <strong>en</strong> a. <strong>La</strong> différ<strong>en</strong>ce des discours de Guiaworo Dembélé et d’Eric Koné est, <strong>en</strong> ce s<strong>en</strong>s,<br />

exemplaire. Le premier attire l’att<strong>en</strong>tion sur la marque et sur le modèle de ses appareils,<br />

p<strong>en</strong>dant que l’autre parle du portable de façon assez pragmatique, faisant référ<strong>en</strong>ce<br />

seulem<strong>en</strong>t aux fonctionnalités qui lui sembl<strong>en</strong>t utiles. Enfin, j’aimerais souligner un dernier<br />

indice de la valorisation de l’image du téléphone portable par les usagers. Il s’agit d’une<br />

certaine nostalgie démontrée par quelques uns de mes interlocuteurs par rapport à l’époque<br />

où il était assez rare d’avoir le téléphone portable. En 2009 il était possible d’acheter un<br />

appareil simple pour seize mille francs CFA 161 . <strong>La</strong> façon avec laquelle quelques uns des<br />

agriculteurs que j’ai r<strong>en</strong>contrés parl<strong>en</strong>t de cette relative vulgarisation du téléphone portable<br />

peut être vue, <strong>en</strong> soi, comme un indice de plus de l’image sociale du téléphone portable.<br />

Aruna Ili et Kapri Koné, <strong>en</strong>tre autres, m’ont dit que « le portable a perdu sa valeur » car tout<br />

le monde peut <strong>en</strong> avoir. Plus que les mots employés, la façon de les exprimer – avec une<br />

pointe de nostalgie – m’a indiqué que ces agriculteurs donn<strong>en</strong>t eux-mêmes moins<br />

d’importance à l’outil qu’ils ont <strong>en</strong>tre leurs mains par le fait qu’il est maint<strong>en</strong>ant vulgarisé, ce<br />

qui, à son tour, me semble suggérer qu’ils attribuai<strong>en</strong>t aussi au téléphone portable un rôle de<br />

valorisation du statut socio-économique.<br />

<strong>La</strong> vulgarisation du téléphone portable dans la Boucle du Mouhoun, <strong>en</strong> termes de facilité<br />

d’accès et aussi d’appropriation de son fonctionnem<strong>en</strong>t, m’amène à formuler l’hypo<strong>thèse</strong> de<br />

l’exist<strong>en</strong>ce d’une dichotomie dans les formes actuelles d’usage du portable dans la région :<br />

soit on reste dans le registre de la valorisation de l’image du portable et de son rapport avec<br />

la mise <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce d’un statut socio-économique privilégié, soit on se conc<strong>en</strong>tre sur son<br />

utilité pratique et l’on <strong>en</strong>visage des façons innovantes de l’appliquer pour agréger de la valeur<br />

à ses relations, aussi bi<strong>en</strong> personnelles que professionnelles.<br />

Dans le premier cas, on s’appuie sur l’évolution technologique pour r<strong>en</strong>ouveler<br />

continuellem<strong>en</strong>t les aspects techniques servant de support à la mise <strong>en</strong> valeur du téléphone<br />

portable : on migre ainsi du fait de posséder un portable au fait de posséder le dernier<br />

modèle de portable, ainsi qu’au fait de s’approprier les dernières fonctionnalités disponibles,<br />

se montrant à l’aise avec leur utilisation sans pour autant donner une fin utile à cette<br />

utilisation. Quelques-uns de mes interlocuteurs ont indiqué, dans ce s<strong>en</strong>s, l’utilisation que les<br />

jeunes font souv<strong>en</strong>t du téléphone portable dans la région. Félix Kan critique les jeunes qui,<br />

selon lui, veul<strong>en</strong>t avoir le portable seulem<strong>en</strong>t pour la musique, pour des banalités, et qui<br />

n’utiliserai<strong>en</strong>t pas le portable de façon durablem<strong>en</strong>t utile. Drissa Bonzi dit que les jeunes<br />

veul<strong>en</strong>t le téléphone portable surtout pour la musique, mais cela ne le dérange pas outre<br />

mesure. Sounsoura Coulibaly, quant à lui, dit qu’il y a beaucoup de g<strong>en</strong>s, surtout parmi les<br />

jeunes, qui veul<strong>en</strong>t avoir le portable simplem<strong>en</strong>t pour être branchés. Selon lui, ces jeunes se<br />

161 Si cela a permis une augm<strong>en</strong>tation importante du nombre d’utilisateurs, au point qu’il est maint<strong>en</strong>ant difficile de<br />

trouver un village de la Boucle du Mouhoun où aucun des habitants n’a un téléphone portable, ce prix représ<strong>en</strong>te<br />

<strong>en</strong>core une somme non négligeable vis-à-vis du rev<strong>en</strong>u des petits agriculteurs de la région. Pour avoir une idée, selon<br />

l’UGCPA-BM, le prix payé à un producteur membre pour un sac de maïs ou de sorgho p<strong>en</strong>dant la campagne 2009-2010<br />

était de 12 250 francs CFA. Les petits agriculteurs livr<strong>en</strong>t seulem<strong>en</strong>t, et ce n’est pas rare, deux ou trois sacs par<br />

campagne, ou même moins.<br />

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