La thèse en version intégrale - Fondation FARM
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socioculturel dont je suis issu. Basé principalem<strong>en</strong>t sur la réflexion de Thomas Samuel Khun,<br />
Gilles Willett prés<strong>en</strong>te la notion de paradigme comme l’<strong>en</strong>semble des « croyances, des<br />
mythes, des standards et des normes qui fond<strong>en</strong>t le cons<strong>en</strong>sus dans un groupe de chercheurs<br />
et détermin<strong>en</strong>t le choix des problèmes étudiés et des méthodes ret<strong>en</strong>ues pour trouver des<br />
solutions » (WILLETT 1996, p.56). Un paradigme opère son influ<strong>en</strong>ce dans le développem<strong>en</strong>t<br />
des connaissances dans la mesure où il module la façon qu’ont les chercheurs de traiter les<br />
problèmes. Selon le « Dictionnaire critique de la sociologie », de Raymon Boudon et François<br />
Bourricaud, un paradigme est « un <strong>en</strong>semble d’énoncés portant, non sur tel ou tel aspect des<br />
sociétés, mais sur la manière dont le sociologue doit procéder pour construire une théorie<br />
visant à expliquer tels ou tels aspects des sociétés » (BOUDON & BOURRICAUD 1982, p.562).<br />
L’idée ici n’est pas d’éviter l’influ<strong>en</strong>ce des paradigmes ou du s<strong>en</strong>s commun – ce qui, d’ailleurs,<br />
me semble impossible dans l’absolu –, mais plutôt d’être consci<strong>en</strong>t de ces influ<strong>en</strong>ces pour<br />
gagner <strong>en</strong> marge de manœuvre par rapport à elles. Du côté des paradigmes, cela revi<strong>en</strong>t non<br />
seulem<strong>en</strong>t à faire allusion à ceux que l’on arrive à id<strong>en</strong>tifier comme sources d’influ<strong>en</strong>ce dans<br />
le travail de recherche – une preuve de lucidité et d’honnêteté intellectuelle –, mais aussi à<br />
être très att<strong>en</strong>tif au mom<strong>en</strong>t de formuler des conclusions cohér<strong>en</strong>tes avec ces paradigmes,<br />
afin de ne pas négliger, par oubli ou conditionnem<strong>en</strong>t, des possibles indications contraires<br />
issues de l’« expéri<strong>en</strong>ce vraie » – une preuve de rigueur dans la conduite de la recherche.<br />
Ainsi, dans ma recherche, on peut constater que je suis influ<strong>en</strong>cé, même partiellem<strong>en</strong>t – à<br />
l’intérieur des limites discutées dans plusieurs passages de ce travail –, aussi bi<strong>en</strong> par le<br />
paradigme de l’ethnométhodologie que par celui de la sociologie des associations.<br />
L’influ<strong>en</strong>ce du s<strong>en</strong>s commun peut être <strong>en</strong>core plus difficile à discerner que celle des<br />
paradigmes sci<strong>en</strong>tifiques. Considéré comme acquis, et cela de façon largem<strong>en</strong>t inconsci<strong>en</strong>te,<br />
le s<strong>en</strong>s commun n’est que rarem<strong>en</strong>t mis <strong>en</strong> question. Selon <strong>La</strong>tour, la raison pour laquelle il<br />
serait beaucoup plus facile d’appliquer la sociologie des associations à la production<br />
sci<strong>en</strong>tifique <strong>en</strong> elle-même plutôt qu’à l’exploration des sujets traités par les chercheurs dans<br />
les divers domaines, c’est que, dans ces derniers, les « explications sociales » structurantes<br />
aurai<strong>en</strong>t déjà intégré le s<strong>en</strong>s commun. Selon lui, dans ces sujets « plus difficiles », « la<br />
question de la réalité a été tout simplem<strong>en</strong>t étouffée par le poids des explications sociales »<br />
(LATOUR 2006a, p.173). Ri<strong>en</strong> que le fait de vouloir trouver des « explications sociales » aux<br />
divers phénomènes auxquels on fait face au jour le jour devrait, par exemple, servir<br />
d’indication à la t<strong>en</strong>dance que l’on a à interpréter, à juger sans arrêt tout ce qui se passe dans<br />
notre <strong>en</strong>tourage. Vu mes choix méthodologiques de base – notamm<strong>en</strong>t le compromis<br />
d’évacuer les interprétations et les analyses <strong>en</strong> faveur de descriptions et de compréh<strong>en</strong>sions<br />
spécifiques –, ce type de conditionnem<strong>en</strong>t, qui s’est largem<strong>en</strong>t immiscé dans le s<strong>en</strong>s<br />
commun, méritait ma plus grande att<strong>en</strong>tion.<br />
Enfin, une conclusion inévitable liée à l’influ<strong>en</strong>ce de paradigmes et du s<strong>en</strong>s commun sur la<br />
p<strong>en</strong>sée du chercheur est la nécessité de faire l’effort systématique de pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte<br />
d’autres points de vue dans la t<strong>en</strong>tative de compréh<strong>en</strong>sion des phénomènes sociaux. C’est<br />
souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> contrastant notre point de vue avec ceux d’autres personnes que l’on arrive à<br />
mieux compr<strong>en</strong>dre notre propre avis sur un sujet donné, les détails de nos argum<strong>en</strong>t et, après<br />
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