La thèse en version intégrale - Fondation FARM
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de manœuvre à l’interlocuteur, ont été nécessaires pour l’obt<strong>en</strong>tion d’informations <strong>en</strong><br />
profondeur, mais cela, tant que possible, seulem<strong>en</strong>t dans une deuxième étape, une fois que<br />
les bases d’une relation de confiance avai<strong>en</strong>t été lancées <strong>en</strong>tre l’agriculteur et moi.<br />
Souv<strong>en</strong>t la recherche <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces sociales se base sur l’analyse formelle, correspondant<br />
structuralem<strong>en</strong>t à la quête de la généralisation, ce qui dans le domaine du développem<strong>en</strong>t ne<br />
semble pas donner des bons résultats. J’ai voulu suivre un chemin alternatif. <strong>La</strong> cohér<strong>en</strong>ce<br />
<strong>en</strong>tre l’ethnométhodologie, la sociologie des associations et la posture de recherche que je<br />
voulais adopter avai<strong>en</strong>t attiré mon att<strong>en</strong>tion depuis que j’avais pris connaissance des<br />
principes de ces courants sociologiques. Ce n’était, néanmoins, qu’après avoir eu des<br />
discussions avec deux professeurs burkinabè, Sylvestre Ouédraogo et André Nyamba, au<br />
début de mon séjour au Burkina Faso, que j’ai compris à quel point cette ori<strong>en</strong>tation était<br />
nécessaire dans le contexte de ma recherche. En effet, p<strong>en</strong>dant ces discussions, il est dev<strong>en</strong>u<br />
clair pour moi qu’un effort de déc<strong>en</strong>tration <strong>en</strong>core plus grand que ce que j’avais imaginé était<br />
non seulem<strong>en</strong>t souhaitable, mais nécessaire pour contourner les barrières socioculturelles<br />
qui sépar<strong>en</strong>t, a priori, le chercheur occid<strong>en</strong>tal des agriculteurs burkinabè. L’attitude humble<br />
et ouverte que l’on peut inférer des principes de l’ethnométhodologie et de la sociologie des<br />
associations m’a alors semblé fondam<strong>en</strong>tale pour aborder mes questions de recherche.<br />
Mon rôle <strong>en</strong> tant que chercheur au sein des communautés devrait donc être d’appr<strong>en</strong>dre. Le<br />
changem<strong>en</strong>t d’attitude prôné par l’ethnométhodologie dans les sci<strong>en</strong>ces sociales <strong>en</strong> général,<br />
et aussi par l’approche « priorité aux agriculteurs » dans le cas spécifique du développem<strong>en</strong>t<br />
rural, me semble particulièrem<strong>en</strong>t pertin<strong>en</strong>t : passer de l’attitude d’analyser à celle<br />
d’appr<strong>en</strong>dre ; abandonner l’effort d’interpréter ayant comme base des modèles extérieurs,<br />
pour essayer de compr<strong>en</strong>dre la réalité locale dans ces détails spécifiques. C’est finalem<strong>en</strong>t ne<br />
pas essayer de résoudre de problèmes ayant comme base des modèles extérieurs, mais<br />
plutôt d’appréh<strong>en</strong>der la réalité locale. En plus, j’ai fait un effort pour rester att<strong>en</strong>tif aux<br />
préoccupations et aux intérêts de mes interlocuteurs, gardant toujours à l’esprit un soin<br />
particulier pour appréh<strong>en</strong>der ce qui était important pour la personne qui était <strong>en</strong> face de moi.<br />
Ma méthodologie de recherche est, <strong>en</strong> effet, marquée par un effort constant à la fois de<br />
réflexivité et de déc<strong>en</strong>tration.<br />
<strong>La</strong> posture méthodologique que j’ai adoptée tout au long de mon séjour au Burkina Faso a été<br />
de me considérer moi-même comme sujet de mon expéri<strong>en</strong>ce de terrain, et donc susceptible<br />
d’être transformé par elle. Je crois que la réalité locale ne peut pas être considérée comme<br />
un simple objet d’étude car la prés<strong>en</strong>ce du chercheur sur le terrain modifie la réalité étudiée<br />
et le simple fait d’<strong>en</strong> r<strong>en</strong>dre compte limite son ét<strong>en</strong>due. Le chercheur ne peut pas prét<strong>en</strong>dre<br />
r<strong>en</strong>dre compte objectivem<strong>en</strong>t de la réalité comme si elle était indép<strong>en</strong>dante de sa prés<strong>en</strong>ce.<br />
L’idée que l’on se fait souv<strong>en</strong>t du chercheur <strong>en</strong> tant qu’observateur-<strong>en</strong>quêteur, avec une<br />
« id<strong>en</strong>tité impersonnelle » dans les mots de l’anthropologue Nadia Mohia, <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dre<br />
intrinsèquem<strong>en</strong>t une distance par rapport à la réalité étudiée, compromettant la fiabilité de<br />
l’observation. Un objectif fondam<strong>en</strong>tal de mon travail de terrain a été donc de choisir<br />
consciemm<strong>en</strong>t l’abandon de cette « id<strong>en</strong>tité impersonnelle » du chercheur. Selon Mohia, cela<br />
permettrait « au chercheur de réaliser une véritable rupture, intellectuelle et affective, avec la<br />
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