La thèse en version intégrale - Fondation FARM
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déc<strong>en</strong>tration afin de minimiser les biais, par ailleurs inévitables, liés au fait que je suis<br />
étranger au contexte qui m’était donné à étudier.<br />
4.5.3 Matérialisme relatif, symbole et représ<strong>en</strong>tation<br />
Le fait de donner priorité à la description face à l’analyse indique que l’aspect matériel de ce<br />
qui est observé est particulièrem<strong>en</strong>t important dans mon approche, un choix<br />
particulièrem<strong>en</strong>t inhabituel <strong>en</strong> sociologie. Jack Goody associe le manque d’att<strong>en</strong>tion aux<br />
aspects matériels <strong>en</strong> sociologie à des ori<strong>en</strong>tations historiques de la discipline. Selon lui, d’un<br />
côté la quête initiée par Durkheim pour définir un domaine distinct limité à une catégorie<br />
spéciale de faits, les faits dits « sociaux », les définissait <strong>en</strong> opposition aux faits naturels, les<br />
éloignant des référ<strong>en</strong>ces matérielles. De l’autre côté, l’influ<strong>en</strong>ce de Weber, par rapport aux<br />
<strong>thèse</strong>s de Marx, « déplaça partiellem<strong>en</strong>t l’acc<strong>en</strong>t de la production à l’idéologie, de<br />
l’"infrastructure" à la "superstructure" » (GOODY 1979, p.49), <strong>en</strong>g<strong>en</strong>drant un niveau croissant<br />
d’abstraction dans les approches de la discipline.<br />
Dans le cas de ma recherche, je m’inspire de l’approche matérialiste de l’ethnologie des<br />
techniques, qui priorise les facteurs matériels dans la compréh<strong>en</strong>sion des phénomènes sans<br />
pour autant négliger leur dim<strong>en</strong>sion symbolique. Si l’on abandonne l’int<strong>en</strong>tion d’analyser<br />
ayant comme base un modèle et des référ<strong>en</strong>ces étrangères à la réalité étudiée, la dim<strong>en</strong>sion<br />
symbolique perd son caractère explicatif pour s’insérer dans l’<strong>en</strong>semble de caractéristiques<br />
qui doiv<strong>en</strong>t être décrites, sans jugem<strong>en</strong>t de valeur. On laisse tomber le jugem<strong>en</strong>t d’une<br />
possible correspondance <strong>en</strong>tre un symbole et une vision de la réalité ; tout symbole devi<strong>en</strong>t<br />
de fait l’expression d’une facette de la réalité, indép<strong>en</strong>damm<strong>en</strong>t si elle coïncide ou pas avec<br />
celle du chercheur. En d’autres termes, on respecte les symboles comme des expressions<br />
génuines de la réalité que l’on essaie de décrire.<br />
On pourrait dire, par ailleurs, que tous les aspects de la réalité perceptibles par l’être humain<br />
sont intrinsèquem<strong>en</strong>t symboliques. L’adjectif « symbolique » ne désigne pas une illusion, il ne<br />
diminue pas le caractère réel de ce à quoi il se réfère, il s’agit simplem<strong>en</strong>t d’une<br />
représ<strong>en</strong>tation particulière. Le symbole est supposé représ<strong>en</strong>ter un aspect de la réalité : soit<br />
cet aspect est sci<strong>en</strong>tifiquem<strong>en</strong>t traçable – repérable à travers des évid<strong>en</strong>ces matérielles ou<br />
logiques – et le symbole n’est qu’une représ<strong>en</strong>tation particulière d’un aspect de la réalité ;<br />
soit il ne l’est pas et le symbole est une vague représ<strong>en</strong>tation m<strong>en</strong>tale d’un aspect de la vie<br />
qui dépasse le champ de validité heuristique de la raison. Dans les deux cas, l’<strong>en</strong>semble de<br />
représ<strong>en</strong>tations du chercheur ne peut pas prévaloir sur celui de l’ag<strong>en</strong>t ordinaire. Le terme<br />
« symbolique » ne devi<strong>en</strong>t une nom<strong>en</strong>clature partiale que quand il est utilisé au sein d’une<br />
analyse, quand il intègre une « explication » de l’autre à partir de repères propres à celui qui<br />
conduit l’analyse.<br />
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