La thèse en version intégrale - Fondation FARM
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urkinabè, dans leur propre <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t. De plus, il s’agissait pas pour moi de se<br />
cont<strong>en</strong>ter d’un contact indirect ou restrictif aux seuls agriculteurs déjà repérés par d’autres<br />
organisations sur le terrain, ni à ceux ayant un accès privilégié à des technologies ou à des<br />
réseaux de communication particuliers. Dans la grande majorité des cas, j’allais r<strong>en</strong>contrer<br />
l’agriculteur chez lui, <strong>en</strong> brousse 89 , afin d’être plus proche de sa réalité quotidi<strong>en</strong>ne, de lui<br />
faire preuve de ma volonté de la connaître, d’échanger avec lui dans un <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t où il<br />
était à l’aise, et finalem<strong>en</strong>t comme une façon de chercher à établir une relation de proximité<br />
avec l’agriculteur.<br />
Pour faciliter la communication il était important de minimiser la portée des barrières<br />
sociales, culturelles et même cognitives <strong>en</strong>tre les agriculteurs de la Boucle du Mouhoun et<br />
moi. J’ai donc essayé de créer des passerelles, de tracer des correspondances concrètes <strong>en</strong>tre<br />
les différ<strong>en</strong>tes réalités afin de constituer à chaque fois un terrain commun et aussi égalitaire<br />
que possible pour l’échange. Ainsi, par exemple, afin de minimiser l’association dans la tête<br />
de l’agriculteur, par ailleurs inévitable, <strong>en</strong>tre moi et les autres chercheurs occid<strong>en</strong>taux qu’il a<br />
pu avoir r<strong>en</strong>contré auparavant, je me prés<strong>en</strong>tais systématiquem<strong>en</strong>t comme un simple<br />
étudiant, <strong>en</strong> essayant de tracer une correspondance explicite <strong>en</strong>tre mon statut et celui des<br />
<strong>en</strong>fants du village qui vont à l’école. Dans la majorité des cas, l’univers universitaire et la<br />
<strong>thèse</strong> sont tellem<strong>en</strong>t éloignés des réalités des agriculteurs qu’y faire référ<strong>en</strong>ce ne servirait<br />
qu’à r<strong>en</strong>forcer la distance <strong>en</strong>tre mon interlocuteur et moi.<br />
En même temps que je cherchais la proximité avec les agriculteurs, je me suis mis<br />
intellectuellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> garde contre des possibles attachem<strong>en</strong>ts émotifs exacerbés, qui<br />
pourrai<strong>en</strong>t introduire des biais importants dans ma recherche. Il ne s’agit pas de nier ou<br />
d’éviter à tout prix des attachem<strong>en</strong>ts émotifs, mais plutôt d’<strong>en</strong> être consci<strong>en</strong>t et d’<strong>en</strong> limiter<br />
la portée. Dans une certaine mesure, ces attachem<strong>en</strong>ts font partie de toute relation humaine,<br />
les nier revi<strong>en</strong>drait à éviter d’établir de relations de cette nature – ou <strong>en</strong> d’autres termes,<br />
veiller à établir des échanges machinaux et purem<strong>en</strong>t objectifs avec les interlocuteurs –, ce<br />
qui est à l’opposé de mon approche. Il me semble que c’est par l’établissem<strong>en</strong>t et l’<strong>en</strong>treti<strong>en</strong><br />
de relations humaines sincères que l’on peut r<strong>en</strong>dre saisissable, de façon intersubjective, le<br />
s<strong>en</strong>s des faits sociaux <strong>en</strong> étude. <strong>La</strong> proximité est utile au développem<strong>en</strong>t de la capacité du<br />
chercheur à percevoir l’autre, et à produire <strong>en</strong> conséqu<strong>en</strong>ce des descriptions pertin<strong>en</strong>tes des<br />
réalités étudiées. Néanmoins, il est important de veiller à que la proximité ne devi<strong>en</strong>ne pas<br />
complicité inconsci<strong>en</strong>te avec l’interlocuteur, ce qui empêcherait le respect du principe<br />
d’impartialité dans la recherche.<br />
Comme il a été dit dès l’introduction et prés<strong>en</strong>té plus <strong>en</strong> détail dans la conclusion du chapitre<br />
précéd<strong>en</strong>t, j’ai privilégié la description à l’explication. J’ai essayé de mettre <strong>en</strong> pratique le<br />
conseil commun de l’ethnométhodologie et de l’approche « priorité aux agriculteurs », à<br />
savoir : passer de l’attitude d’analyser à celle d’appr<strong>en</strong>dre ; abandonner l’effort d’interpréter<br />
ayant comme base des modèles extérieurs pour essayer de compr<strong>en</strong>dre la réalité locale dans<br />
89 Dans les six mois de terrain, afin de r<strong>en</strong>contrer les agriculteurs chez eux, j’ai parcouru plus de six mille kilomètres à<br />
l’intérieur de la région de la Boucle du Mouhoun.<br />
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