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DOULEUR ET PERSONNE ÂGÉE - Institut upsa de la douleur

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C’est où ce livre est le plus éc<strong>la</strong>irant peut-être. Il prend <strong>la</strong> vieillesse ausérieux, quand notre société, trop souvent, préfère l’oublier ou <strong>la</strong>minorer. Il prend <strong>la</strong> souffrance au sérieux, quand il fut longtemps <strong>de</strong>bon ton, dans nos hôpitaux, <strong>de</strong> n’y voir qu’un symptôme incommo<strong>de</strong>ou encombrant. Il donne les moyens <strong>de</strong> <strong>la</strong> mesurer, <strong>de</strong> l’évaluer, <strong>de</strong> <strong>la</strong>comprendre, <strong>de</strong> l’affronter, <strong>de</strong> <strong>la</strong> sou<strong>la</strong>ger. Il met nos soignants <strong>de</strong>vantleurs responsabilités ; et nous tous, en tant que citoyens, <strong>de</strong>vant lesnôtres. Le vieillissement <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion est un problème majeur <strong>de</strong>santé publique, donc aussi d’économie et <strong>de</strong> politique. Et <strong>la</strong> <strong>douleur</strong>,souvent chronique, est l’un <strong>de</strong>s effets majeurs du vieillissement. Ce<strong>la</strong>fixe les enjeux, les urgences, les priorités. Qu’il soit plus important <strong>de</strong>sauver <strong>la</strong> vie d’un enfant que <strong>de</strong> prolonger celle d’un vieil<strong>la</strong>rd, c’est ceque penseront <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s adultes, et d’autant plus, si je me fie à mapropre expérience, qu’ils ont cessé <strong>de</strong>puis plus longtemps d’êtrejeunes. Ce n’est pas une raison, bien au contraire, pour abandonner lesvieux à leur solitu<strong>de</strong>, à leur détresse, pour <strong>la</strong>isser <strong>la</strong> souffrance envahirou briser leur vie. « Tu dois, donc tu peux », disait Kant. C’est <strong>la</strong>maxime <strong>de</strong> <strong>la</strong> morale, et elle est juste, puisqu’à l’impossible nul n’esttenu. Mais il est une autre maxime, moins connue et plus importantepeut-être, que formu<strong>la</strong> le philosophe Jean-Marie Guyau, à <strong>la</strong> fin duXIX e siècle, et qui dit mieux ce que le progrès <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine impose àchaque mé<strong>de</strong>cin, à chaque soignant : « Tu peux, donc tu dois ». Dèslors qu’on a les moyens <strong>de</strong> vaincre <strong>la</strong> souffrance, ou même simplement<strong>de</strong> <strong>la</strong> réduire, c’est un <strong>de</strong>voir que <strong>de</strong> s’y employer. La mé<strong>de</strong>cinen’est pas l’art <strong>de</strong> guérir (puisqu’elle ne guérit pas toujours, tant s’enfaut, et puisqu’on peut guérir sans elle) ; <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine n’est pas l’art <strong>de</strong>guérir ; c’est l’art <strong>de</strong> soigner, et le combat contre <strong>la</strong> souffrance en faitpartie au premier chef.Vieillir n’est pas une ma<strong>la</strong>die : c’est un processus normal du vivant.Mais aucune souffrance n’est normale – puisqu’elle indique toujoursune lésion ou un dysfonctionnement. Compter sur nos mé<strong>de</strong>cinspour nous dispenser <strong>de</strong> vieillir, c’est leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r l’impossible : ce<strong>la</strong>voue <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine à l’échec, <strong>la</strong> Sécu à <strong>la</strong> ruine et chacun d’entre nousau ressentiment. Mais que nos mé<strong>de</strong>cins nous évitent le plus possible<strong>de</strong> souffrir, je veux dire physiquement et y compris dans le grand âge,voilà ce qu’on attend d’eux, voilà, pour mieux dire, ce qu’on peut <strong>de</strong>plus en plus – grâce aux progrès mêmes qu’on leur doit – exigerd’eux. Tout indique, et ce livre le rappelle, qu’ils ont encore unePRÉFACE11

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