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Mgr Delassus – La Conjuration anti-chrétienne - Bibliothèque de ...

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Il n’y a donc pas lieu <strong>de</strong> s’étonner si la Réforme; qui fut une première tentative d’application pratique <strong>de</strong>s idées nouvelles<br />

émises par les humanistes, fut reçue et propagée avec tant d’ar<strong>de</strong>ur par les princes en Allemagne et ailleurs et si<br />

elle trouva dans le peuple un si facile accueil.<br />

<strong>La</strong> résistance fut assez faible en Allemagne; elle fut plus vigoureuse en France. Le christianisme avait pénétré plus<br />

profondément dans les âmes <strong>de</strong> nos pères que partout ailleurs; combattu en théorie par les humanistes, il survécut plus<br />

longtemps dans la manière <strong>de</strong> vivre, <strong>de</strong> penser et <strong>de</strong> sentir. De là, chez nous, une lutte plus acharnée et plus prolongée.<br />

Elle commença par les guerres <strong>de</strong> religion, elle se continua dans la Révolution, elle dure toujours, comme Wal<strong>de</strong>ck-<br />

Rousseau l’a fort bien remarqué. Par d’autres moyens que dans le principe, se continue toujours le conflit entre l’esprit<br />

païen, qui veut renaître, et l’esprit chrétien, qui veut se maintenir. Aujourd’hui, comme dès le premier jour, l’un et l’autre<br />

veulent triompher <strong>de</strong> leur adversaire : le premier, par la violence qui ferme les écoles libres, dépouille et exile les religieux<br />

et menace les églises le second, par le recours à Dieu et la continuation <strong>de</strong> l’enseignement chrétien par tous les moyens<br />

qui restent à sa disposition.<br />

Les diverses péripéties <strong>de</strong> ce long drame tiennent en suspens le ciel, la terre et l’enfer; car si la France finit par rejeter<br />

le venin révolutionnaire, elle restaurera dans le mon<strong>de</strong> entier la civilisation <strong>chrétienne</strong> qu’elle fut la première à comprendre,<br />

à adopter et à propager. Si elle succombe, le mon<strong>de</strong> a tout à craindre.<br />

Le protest<strong>anti</strong>sme nous vint <strong>de</strong> l’Allemagne et surtout <strong>de</strong> Genève. Il est bien nommé. Il était impossible <strong>de</strong> qualifier la<br />

Réforme <strong>de</strong> Luther autrement que par un mot <strong>de</strong> protestation, car elle est protestation contre la civilisation <strong>chrétienne</strong>,<br />

protestation contre l’Eglise qui l’avait fondée, protestation contre Dieu <strong>de</strong> qui elle émanait. Le protest<strong>anti</strong>sme <strong>de</strong> Luther<br />

est l’écho sur la terre du Non serviam <strong>de</strong> Lucifer. Il proclame la liberté, celle <strong>de</strong>s rebelles, celle <strong>de</strong> Satan : le libéralisme. Il<br />

dit aux rois et aux princes : « Employez votre pouvoir à. soutenir et à faire triompher ma révolte contre l’Eglise et je vous<br />

livre toute l’autorité religieuse» (Œuvres <strong>de</strong> Luther, XII, 1522 et XI, 1867).<br />

Tout ce que la Réforme avait reçu <strong>de</strong> la Renaissance et qu’elle <strong>de</strong>vait transmettre à. la Révolution est dans ce mot :<br />

Protest<strong>anti</strong>sme.<br />

Communiqué d’individu à individu, le protest<strong>anti</strong>sme gagna bientôt <strong>de</strong> province en province. L’historien allemand et<br />

protestant Ranke nous dit quel fut son grand moyen <strong>de</strong> séduction : la licence, que la Renaissance avait mise en honneur.<br />

« Beaucoup <strong>de</strong> gens embrassèrent la Réforme, dit-il, avec l’espérance qu’elle leur assurerait une plus gran<strong>de</strong> liberté dans<br />

la conduite privée. » C’est qu’en effet il y a entre le catholicisme et le protest<strong>anti</strong>sme, tel qu’il fut prêché par Luther, une<br />

différence radicale sous ce rapport. Le catholicisme promet <strong>de</strong>s récompenses futures à la vertu et menace le vice <strong>de</strong> châtiments<br />

éternels; par là, il met aux passions humaines le frein le plus puissant. <strong>La</strong> Réforme, elle, venait promettre le paradis<br />

à tout homme, même le plus criminel, sous la seule réserve d’un acte <strong>de</strong> foi intérieur à sa justification personnelle par<br />

l’imputation <strong>de</strong>s mérites du Christ. Si, par le seul effet <strong>de</strong> cette persuasion, qu’il est facile <strong>de</strong> se donner, les hommes sont<br />

assurés d’aller en paradis tout en continuant <strong>de</strong> se livrer au péché, même au crime, bien sot serait celui qui renoncerait à<br />

se procurer ici-bas tout ce qu’il trouve, à sa portée.<br />

<strong>La</strong> présence dans un pays profondément catholique <strong>de</strong> personnes ayant ces principes et s’efforçant <strong>de</strong> les propager,<br />

<strong>de</strong>vait déjà amener dans l’Etat un certain trouble; il <strong>de</strong>vint profond lorsque le protest<strong>anti</strong>sme ne se contenta plus <strong>de</strong> prêcher<br />

aux individus la foi sans les oeuvres, mais se sentit assez fort pour vouloir s’emparer du royaume afin <strong>de</strong> l’arracher à<br />

ses traditions et le façonner à sa guise.<br />

Depuis Clovis, le catholicisme n’avait pas cessé un seul jour d’être la religion <strong>de</strong> l’Etat. Des traditions carolingiennes et<br />

mérovingiennes, c’est la seule qui fût conservée complètement intacte jusqu’à la Révolution. Durant un <strong>de</strong>mi-siècle, les<br />

protestants essayèrent <strong>de</strong> séparer <strong>de</strong> sa Mère la fille aînée <strong>de</strong> L’Eglise; ils usèrent alternativement <strong>de</strong> la ruse, et <strong>de</strong> la<br />

force pour s’emparer du gouvernement, pour mettre le peuple français si catholique sous le joug <strong>de</strong>s Réformateurs<br />

comme ils venaient <strong>de</strong> le faire en Allemagne, en Angleterre, en Scandinavie. Ils furent sur le point <strong>de</strong> réussir.<br />

Après la mort <strong>de</strong> François <strong>de</strong> Guise, les Huguenots étaient maîtres <strong>de</strong> tout le Midi. Ils n’hésitèrent pas, pour s’emparer<br />

du reste, à faire appel aux Allemands et aux Anglais, leurs coreligionnaires. Aux Anglais, ils abandonnèrent le Havre; aux<br />

Allemands, ils promirent l’administration <strong>de</strong>s évêchés <strong>de</strong> Metz, Toul et Verdun (Voir Ranke). Enfin, avec la Rochelle, euxmêmes<br />

avaient matériellement créé un Etat dans l’Etat. Leur intention était <strong>de</strong> substituer à la monarchie <strong>chrétienne</strong> un<br />

gouvernement et un genre <strong>de</strong> vie « mo<strong>de</strong>lés sur ceux <strong>de</strong> Genève », c’est-à-dire, la république1. « Les Huguenots, dit Tavannes,<br />

sont en train <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>r une démocratie. » Le plan en avait été tracé dans le Béarn, et les Etats du <strong>La</strong>nguedoc en<br />

réclamaient l’exécution en 1573. Le juriste protestant François Hatman exerça sur les esprits, dans le sens démocratique,<br />

une gran<strong>de</strong> influence par son livre Franco-gallia, 1573. Il met au service <strong>de</strong>s théories républicaines une histoire <strong>de</strong> sa façon,<br />

pour ramener à grand renfort <strong>de</strong> textes et d’affirmations, les Français à « leur constitution primitive. » « <strong>La</strong> s ouveraine<br />

et principale administration du royaume, disait-il, appartenait à. la générale et solennelle assemblée <strong>de</strong>s trois Etats.<br />

» Le roi règne, mais ne gouverne pas. L’Etat, la République est tout, le roi presque rien. Il jette ses lecteurs en pleine<br />

souveraineté du peuple.<br />

<strong>La</strong> Franco-Gallia eut un retentissement énorme. Les pamphlétaires huguenots la pillèrent à qui mieux mieux. Le système<br />

exposé dans ce livre est la démocratie telle qu’elle est comprise aujourd’hui. C’est que cette forme <strong>de</strong> gouvernement,<br />

en donnant aux agitateurs un facile accès aux premières charges <strong>de</strong> l’Etat, leur procure la puissance pour propager<br />

leurs doctrines; en même temps, elle répond mieux aux idées d’indépendance qui étaient le fond <strong>de</strong> la Réforme, au droit<br />

que la Renaissance voulait conférer à l’homme <strong>de</strong> se diriger lui-même vers l’idéal <strong>de</strong> bonheur qu’elle lui présentait.<br />

<strong>La</strong> France, par le fait <strong>de</strong>s Huguenots, était au bord <strong>de</strong> l’abîme.<br />

1 M. Hanotaux (Histoire du cardinal <strong>de</strong> Richelieu. t. XII, 2 e partie, p. 184), justifie ainsi la révocation <strong>de</strong> l’édit le Nantes :<br />

« <strong>La</strong> France ne pouvait être forte, tant qu’elle renfermerait dans son sein un corps organisé, en pleine paix, sur le pied <strong>de</strong> guerre, avec<br />

<strong>de</strong>s chefs indépendants, cadres militaires, places <strong>de</strong> sûreté, budget et justice à part, armée toujours prête à prendre la campagne. Fallait-il<br />

reconnaître l’existence d’un Etat dans l’Etat ? P ouvait-on admettre que d es Français nombreux et ar<strong>de</strong>nts eussent toujours la<br />

menace à la bouche et la rébellion dans le cœur ? Tolérerait-on leur perpétuel et insolent recours à diviser contre lui-même. Pour assurer<br />

l’unité du royaume, pour ramasser toutes les forces nationales, en vue <strong>de</strong>s luttes extérieures qui se préparaient, il fallait donc miner<br />

le corps <strong>de</strong>s huguenots en France ou l’amener à composition. »<br />

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