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On le voit donc, à cette époque, Paulo Freire considère la "conscientisation",
comme un "déchirement de la réalité" (celle-ci n'est plus fatale ni magique),
comme une insertion critique de l'homme dans une réalité à transformer.
Dans son premier ouvrage, Education, pratique de liberté, il définit la
conscientisation comme le passage d'une conscience naïve à une conscience
critique, mais plus tard, il mettra en garde ses lecteurs contre "les
connotations idéalistes et psychologisantes de cet ouvrage" qui est cependant
essentiel dans le domaine de l'éducation populaire.
Lui-même fera l'auto-critique de son action au Brésil des années 60, puisque
les cercles de culture ont été balayés par le coup d'état militaire et que le MEP
s'est "rangé". Il l'a faite en ces termes, lors d'un séminaire à l'Inodep en
1974:
"Ce fut, certes, une réussite pédagogique par la rapidité avec laquelle les gens
s'alphabétisaient, par leur participation maximale dans l'apprentissage de la
lecture et de l'écriture, par leurs capacités nouvelles d'interrogation sur le
monde; mais ce fut un échec politique à cause de deux naïvetés dont nous étions
encore prisonniers et de deux erreurs que nous avons commises.
Naïveté de croire que le "dévoilement de la réalité créait, ipso facto, des
volontés collectives de transformation de cette réalité; naïveté de nous être
appuyés sur les slogans du régime - démocratie, participation, sans nous
demander de quelle démocratie, de quelle participation il s'agissait.
Au niveau des erreurs, nous n'avions pas fait d'analyse économique, politique,
idéologique sérieuse du Brésil d'alors, ni de la place qui était dévolue au Brésil
dans la société internationale et le système économique capitaliste; nous
n'avions pas envisagé la création d'organisations populaires, ni leur
articulation sur les forces syndicales et politiques progressistes existantes.