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enforcer dans le sens de cette visée (qui est l'utopie à approcher sans qu'on puisse
jamais s'y installer), il faut voir qu'une stratégie comme la conscientisation (qu'elle en
porte le nom ou pas, peu importe!) en sera nécessairement le creuset.
Repliée sur elle-même, la fraction intellectuelle progressiste de la petite bourgeoisie
salariée peut bien jongler avec des valeurs nouvelles, les expérimenter à petite
échelle, les répercuter dans les médias, jamais elle ne pourra les traduire en
changements viables à l'échelle de la société, à moins de fusionner ses projets
d'alternatives à ceux qui découlent des intérêts des classes populaires. De leur côté,
celles-ci ont besoin des outils d'analyse, de communication, d'organisation, de
formation, etc. des intellectuel-le-s pour dépasser leur expérience de l'oppression,
leurs moyens individuels de résistance et les transformer en une démarche collective
de lutte et de changement.
La conscientisation est une stratégie et une méthodologie pour dépasser la
"situation-limite" dans laquelle est entretenue une profonde ségrégation sociale et
culturelle entre ceux qui vivent les problèmes sociaux et ceux qui sont entrés dans
une profession ou une militance pour s'en occuper. A ce titre, elle est le lieu possible
de la libération d'un formidable potentiel de changement. Ce potentiel s'actualisera-til?
L'authenticité du dialogue dans l'action entre intellectuel-le-s (au sens où nous les
avons définis) et membres des classes populaires, dans les organisations syndicales
et populaires, au fil des années qui viennent, sera le garant de l'accomplissement de
ce potentiel. Une phrase de Freire, citée par Colette Humbert, doit être reprise ici,
parce qu'elle marque la moment présent: "Les situations-limites ne sont pas le contour
infranchissable où s'achèvent les possibilités mais la lisière où commencent toutes
possibilités."