ARHIVELE OLTENIEI - Universitatea din Craiova

Courte lecture politique de la magie de Giordano Bruno 231seulement visuel ou audio-visuel, mais plutôt «synesthétique», il étant générépar la collaboration de plusieurs sens simultanément. 20Cependant, la magie de la Renaissance semble avoir privilégié lesfantasmes visuels, faute de la tradition platonicienne et néoplatonicienne quiconsidéraient la vue le plus noble des sens et qui avait fait de l’amour- éros unesorte «maladie oculaire» – ophtalmia. Une preuve de l’importance majeureaccordé à la faculté visuelle à l’époque demeure l’attention particulière qu’onaccorde à un autre phénomène résultant du pouvoir de la vue – la fascination.La fascination, tout comme l’amour, sont considérés à l’époque commeles effets naturels de l’instauration monopolisatrice d’un fantasme à l’intérieurde l’ensemble pneumatique – l’esprit – d’un individu. Selon cette conception,l’image de la personne aimée se transforme en un fantasme qui résorbe, peu àpeu, toute la vie intérieure du sujet, désormais réduite à la simple contemplationd’un seul fantasme. En ce cas, le fantasme généré par l’objet de l’amour arrive àposséder le sujet qui arrive à être involontairement soumis au monopole absolude cet unique fantasme. Une fois arrivé au stade de soumission totale du sujetaimant au fantasme, l’objet sensible de son amour – la personne aimée – ne joueplus qu’un rôle secondaire, car, désormais, ce n’est plus un objet ou unepersonne appartenant au monde sensible qui contrôle l’ensemble pneumatiquedu sujet, mais c’est le fantasme lui-même qui aboutit à l’assujettissement total dusujet aimant.On remarque ainsi le pouvoir des fantasmes, car, ayant été générés par lapassion suscitée en l’individu par un objet du monde sensible, ils arrivent àcontrôler totalement l’esprit de l’individu. Au fonds, si les phénomènes décritsau-dessous relèvent d’une cause naturelle, on peut toujours déterminer leurapparition d’une façon artificielle et cela justement par la magie, dont la finalitéultime est de contrôler les individus à l’aide de la manipulation de leursfantasmes. En d’autres mots, la magie, opérant avec l’éros et les fantasmes vise àfaire de l’individu une matière malléable, toujours passive, et ouvert auxsuggestions induites par le mage.Le processus magique et l’amour naturel relèvent ainsi de la mêmenature, car la comparaison entre l’amoureux et le mage ne demeure pas gratuite.En effet, il s’agit ici de la réitération du principe ficinien qui aperçoit dans lanaissance au sein du psychique individuel la nécessité immédiate de sonsatisfaction. Voilà pourquoi, assujetti par le fantasme – réplique spirituelle del’affection pour la personne aimée, l’amoureux se voit déployer des techniquescomplexes de persuasion, afin d’attiser ses désirs fantastiques.A ce niveau, Bruno, tout comme Ficin, a remarqué la ressemblanceintrinsèque entre les pratiques de l’amoureux et celles du mage, car, au fonds, tousles deux ne font que la même chose, celle d’essayer, à l’aide d’un complexemécanisme de déploiement des subtiles «leurres» - ou appâts – d’attirer les objetsde leurs désirs ou intérêts et d’obtenir le contrôle de leurs appareils pneumatiques.20 Ioan Petru Culianu, Eros şi magie în Renaştere. 1484, Nemira, 1999, p. 57.