Glossarium mediae et infimae latinitatis Conditum a Carolo du ...
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20 DISSERTATIONS<br />
Et comme les tournois ne furent inventez que pour exercer.<br />
les jeunes gentilshommes, c'est pour cela qu'ils sont appellez<br />
par Thomas de Walsingham' ludi militares, par Eoger de<br />
Howeden militaria exercitia, par Lambert d'Ardres 2 gladiaturse,<br />
par 1'auteur de 1'Histoire de Hierusalem 3 imaginariss<br />
bellorum prolusiones, <strong>et</strong> enfin par Guillaume de Neubourg*<br />
«c meditationes militares, armorum exercitia, belli praeludia,<br />
« quse nullo interyeniente odio, sed pro solo exercitio atque<br />
« ostentatione virium fiebant. »<br />
Alexandre Necham, Lazius 5 , Chiffl<strong>et</strong> 6 , <strong>et</strong> autres auteurs<br />
estiment que le nom aussi bien que 1'origine des tournois<br />
vient de ces courses de chevaux des anciens qui sont nommez<br />
Trojse <strong>et</strong> Trojani Ludi, <strong>et</strong> qui furent inventez premierement<br />
par Enee, lorsqu'il fit inhumer Anchise, son pere, dans<br />
la Sicile, d'ou ces courses passerent ensuite chez les Romains.<br />
On ne peut pas douter que ces jeux troyens n'ayent beaucoup<br />
de rapport avec les tournois, comme on peut recueillir<br />
de la description que Virgile 7 nous en a donnee : car ils ne<br />
consistoient pas dans de simples courses de chevaux, comme<br />
le P. d'Outreman 8 a 6crit, puisque Yirgile temoigne assez le<br />
contraire par ces vers :<br />
—pugnaeque cient simulachra sub armis,<br />
Et nunc terga fugse mandant, nunc spicula vertunt<br />
Infensi: facta pariter nunc pace feruntur.<br />
II est constant, toutefois, qu'il se faisoit d'autres exercices<br />
dans les tournois <strong>et</strong> d'autres combats. II est memes probable<br />
que le nom de tournois ne vient pas de Troja, quasi Trojamentum,<br />
comme les auteurs que je viens de nommer ont<br />
ecrit, mais plutot <strong>du</strong> mot francois tourner, qui signifie marcher<br />
ou courir en rond. C'est ainsi que Papias interpr<strong>et</strong>e ce<br />
mot de tornat, in gyrum mittit. Terme qui ne semble pas<br />
nouyeau, puisque Paul Diacre 9 <strong>et</strong> 1'empereur Maurice en ses<br />
Tactiques nous apprennent que celui de torna estoit en usage<br />
dans les combats, pour obliger les soldats a tourner aux occasions<br />
qui se presentoient. Aussi plusieurs estiment que ces<br />
femmes qui sont appellees tornatnces dans Hincmar I0 , ont ce<br />
nom, acause qu'elles dansoient en rond. C'est encore de la<br />
que nos anciens Francois ont emprunte le mot de r<strong>et</strong>urnar,<br />
qui se trouve dans le trait6 de paix d'entre Louys <strong>et</strong> Charles<br />
le Chauve, son frere ", <strong>et</strong> de r<strong>et</strong>ornare dans les capitulaires<br />
<strong>du</strong> meme Charles le Chauve l2 , qui est a present commun<br />
parmy nous, pour revenir de quelque endroit.<br />
Ces exercices militaires ont este en usage parmy nos premiers<br />
Francois: <strong>du</strong> moins Nithard l3 nous apprend qu'ils<br />
estoient connus sous la seconde race de nos roys ; car, decrivant<br />
1'entrevue de Louys roy d'Alemagne <strong>et</strong> de Charles le<br />
Chauve roy de France, en la ville de Strasbourg, <strong>et</strong> racontant<br />
comme ils se donnerent toutes les marques d'une amitie<br />
reciproque, il ajoute que pour rendre c<strong>et</strong>te assemblee plus<br />
solennelle il se fit des combats a cheval entre les gentilshommes<br />
de la suite des deux princes, pour dormer des preuyes<br />
de leur adresse dans les armes: « Ludos <strong>et</strong>iam hoc ordine<br />
« ssepe causa exercitii frequentabant. Conveniebant autem<br />
« quocumque congruum spectaculo videbatur : <strong>et</strong> subsistente<br />
« hinc omni multitudine, primum pari numero Saxonorum,<br />
« Wasconorum, Austrasiorum, Brittonorum, ex utraque<br />
« parte, veluti sibi invicem adversari vellent, alter in altecr<br />
rum veloci cursu ruebat : hinc pars terga versa protecti<br />
« umbonibus ad socios insectantes evadere se velle simula-<br />
« bant. At versa vice iterum illos quos fugiebant persequi<br />
« studebant: donee novissime utrique reges cum omni ju-<br />
« ventute, ingenti clamore. equis emissis, hastilia crispantes<br />
« exiliunt, <strong>et</strong> nunc his, nunc illis terga dantibus, insistunt.<br />
« Eratque res digna pro tanta nobilitate nee non <strong>et</strong> modera-<br />
« tione spectaculo. Non enim quispiam, in tanta multitu-<br />
« dine ac diyersitate generis, uti ssepe inter paucissimos, <strong>et</strong><br />
« notos contingere sol<strong>et</strong>, alicui, aut Isesionis, aut vituperii<br />
« quippiam inferre audebat. » On ne peut pas reyoquer en<br />
doute, apres ce passage, que les tournois ne se soient faits<br />
devant la troisieme race de nos rqys.<br />
Cependant les anciennes Chroniques en attribuent 1'invention<br />
a Geoffroy seigneur de Preuilly, qui fut pere d'un autre<br />
Geoffroy, qui donna 1'origine aux comtes de Vend6me. Celle<br />
de Tours '* rend ce temoignage de lui: « Anno 1066 Gaufri<strong>du</strong>s<br />
« de Pruliaco, qui torneamenta invenit, apud Andegavum<br />
« occiditur. » Et celle de S. Martin de Tours l5 : « Anno Hen-<br />
1. P. 44. — 2. P. 13. — 3. Histor. Hieros. A. 1177. — 4. L. 5, c. 4. — 5. L. 10,<br />
Com. de Rep. Rom. c. 2. — 6. In Vesont. I part. c. 31; Lud. d'Orleans, ad Tacit.<br />
1. 11, p. 578. — 7. L. 5, yEneid.: Su<strong>et</strong>ori. in Jul. <strong>et</strong> Aug.; Xiphilin.: Papias. —<br />
8. In CP. Bulg. lib. I.e. 11, g 6'. — 9. Hist. Misc. — 10. Tom. 1, p. 714, cap. 3,<br />
dist. 5, de consecr. — 11. Nithard, 1. 3, pag. 353, cap. 5. — 12. Tit. 16, § 14. —<br />
13. L. 3, pag. 356, cap. 6. — 14. Chr. Turon. A. 1066. —15. Chr. S. Martini Turon;<br />
A. Du Chesne, en 1'Hist. des Chasteigners.<br />
« rici imp. 7 <strong>et</strong> Philippi regis 6 fuit proditio apud Andega-<br />
« vum, Gaufri<strong>du</strong>s de Pruliaco <strong>et</strong> alii barones occisi sunt. Hie<br />
« Gaufri<strong>du</strong>s de Pruliaco torneamenta invenit. » D'autre part,<br />
nous lisons dans Lambert d'Ardres' que Eaoul comte de<br />
Guines, fils <strong>du</strong> comte Ardolphe, estant venu en France pour<br />
y frequenter les tournois, recut dans un de ces combats un<br />
coup mortel, qui lui fit perdre la vie. Or Eaoul vivoit avant<br />
Geoffroy de Preuilly : car le meme auteur ecrit qu'Eustache<br />
son fils ayant appris la mort de son pere, vint aussit6t en<br />
Flandres, <strong>et</strong>'fit hommage de son comte au comte Baudoiiin<br />
le Barbu, qui tint le comte de Flandres depuis 1'an 989 jusques<br />
en Tan 1034.<br />
De sorte que j'estime que ce seigneur n'inventa pas ces<br />
combats <strong>et</strong> ces exercices militaires, mais qu'il fut le premier<br />
qui en dressa les loix <strong>et</strong> les regies, <strong>et</strong> memes qui en rendit<br />
la pratique plus commune <strong>et</strong> plus frequente. Ce qui est d'autant<br />
plus probable, que nous ne lisons pasle mot de tournoy<br />
avant ce temps-la. D'ailleurs la pluspart des ecrivains <strong>et</strong>rangers<br />
reconnoissent ingenuement que les tournois estoient<br />
particuliers aux Francois. C'est p9urquoy ils sont appellez<br />
par Mathieu Paris 2 conflictus Gallicit les combats ordinaires<br />
des Francois, en ce passage : « Henricus rex Anglorum ju-<br />
« nior, mare transiens, in CONFLICTIBUS GALLICIS <strong>et</strong> profu-<br />
« sioribus expensis, triennium peregit, regiaque majestate<br />
« prorsus deposita, totus est de rege translatus in militem,<br />
« <strong>et</strong> flexis in gyrum frenis, in yariis congressionibus trium-<br />
« phum reportans, sui nominis famam circumquaque res-<br />
« persit. » Eaoul de Coggeshall en sa chronique manuscrite<br />
rend le meme temoignage, ecrivant que Geoffroy de Mandeville<br />
mourut en la ville de Londres, d'une blessure qu'il recut,<br />
« <strong>du</strong>m MORE FRANCORUM cum hastis vel contis se se, cursim<br />
« equitantes vicissim imp<strong>et</strong>erent. »<br />
Aussi les auteurs ont remarqu6 que les Francois ont est6<br />
adroits en ces exercices plus que les autres nations. Le<br />
comte Baltazar de Castillon, en son Courtisan 3 , parle de<br />
c<strong>et</strong>te adresse de nostre nation : « Nel torneare, tener un<br />
« passo, combatere una sbarra. » Et comme la lance estoit<br />
la principale arme dont on se servoit en c<strong>et</strong>te sorte de combat,<br />
ils y ont tousjours excel!6 : ce qui a donn6 suj<strong>et</strong> a Foucher<br />
de Chartres 4 de dire qu'il estoient « probissimi bellato-<br />
« res, <strong>et</strong> mirabiles de lanceis percussores. » Albert d'Aix 5<br />
fait une description de leurs lances ; <strong>et</strong> Anne Comnene',<br />
Nic<strong>et</strong>as 7 , <strong>et</strong> Cinnamus 8 rendent c<strong>et</strong> honneur a la noblesse<br />
francoise d'avoir eu une adresse toute particuliere pour les<br />
manier <strong>et</strong> pour s'en servir dans les occasions.<br />
Les Anglois emprunterent des Francois 1'usage des tournois,<br />
qui ne commencerent a estre connus d'eux que sous le<br />
regne <strong>du</strong> roy Estienne, « cum per ejus indecentem mollitiem<br />
« nullus ess<strong>et</strong> publicse vigor disciplinae,» ainsi que Guillaume<br />
de Neubourg 9 ecrit; car alors, <strong>et</strong> sous le regne <strong>du</strong> roy Henry<br />
11, qui succeda a Estienne, les Anglois « Tyronum exercitiis<br />
« in Anglia prorsus inhibitis, qui forte armorum affectantes<br />
« gloriam exerceri volebant, transfr<strong>et</strong>antes in terrarum exer-<br />
« cebantur confiniis. » Eoger de Howeden <strong>et</strong> Brompton I0 confirment<br />
c<strong>et</strong>te remarque, racontant que Geoffroy comte de<br />
Br<strong>et</strong>agne, ayant este fait chevalier par le roy Henry II, son<br />
pere, passa de 1'Angl<strong>et</strong>erre en Normandie, <strong>et</strong> que dans les<br />
confins de c<strong>et</strong>te province <strong>et</strong> de celles de France il se trouva<br />
dans les tournois, ou il eut la satisfaction de se voir range<br />
au nombre des chevaliers qui excelloient dans ces sortes de<br />
combats. Mais le roy Richard fut le premier qui en intro<strong>du</strong>isit<br />
la pratique dans 1'Angl<strong>et</strong>erre " ; car c<strong>et</strong> illustre prince,<br />
considerant que les Francois estoient d'autant plus vaillans<br />
qu'ils estoient exercez, « tanto esse acriores quanto exercita-<br />
« tiores atque instructions, sui quoque regni milites in pro-<br />
« priis finibus exerceri voluit, ut ex bellorum solenni prse-<br />
« ludio, verorum addiscerent artem usumque bellorum, nee<br />
« insultarent Galli anglis militibus, tanquam rudibus <strong>et</strong><br />
« minus gnaris. » Mathieu Paris l2 dit la meme chose, ce<br />
qu'il semble rapporter a 1'an 1194 : « Eodem tempore rex Rice<br />
char<strong>du</strong>s, in Angliam transiens, statim per loca certa tor-<br />
« neamenta fieri, hac fortassis in<strong>du</strong>ctus ratione, tit milites<br />
« regni utriusque concurrentes vires suas flexis in gyrum<br />
« frenis experirentur: ut si bellum adversus Crucis inimicos,<br />
« vel <strong>et</strong>iam finitimps, movere decernerent, agiliores ad prae-<br />
« lium <strong>et</strong> exercitatiqres redderentur. » Mais ce grand roy est<br />
blame de ce que, voiant 1'ardeur extraordinaire que les siens<br />
avoient pour se trouver a ces exercices militaires, il en prit<br />
occasion pour lever de 1'argent sur ceux qui voudroient y<br />
1. P. 13. — 2. A. 1179, p. 95. — 3. L. 1. — 4. Fulcher. Carnot. 1. 2, c 41. —<br />
5. L. 4, c. 6. — 6. In Alex. p. 171,172, 207, 277, 445, 469. — 7. In Man. 1. 3,<br />
c. 3. — 8. L. 2. — 9. L. 5, c. 4. — 10. A. 1177. — H. Will. Neub. loco cit. -<br />
12. A. 1194; Math. Westm. A. 1194, Id. Neubrig.